71 /                                                    Le 38 ème Congrès national du Cercle algérianiste

    Quelle magnifique réunion du souvenir et de l’espoir que ce Congrès à Perpignan ! Le vendredi 27 janvier, nous étions déjà cinq cents pour débattre de nos actions et préparer l’avenir en cette année importante : les cinquante ans de notre exode. Mais quel formidable succès que ces trois jours du Congrès ! Cinq cents au premier et deux mille cinq cents le dimanche ! Je suis sûr que Corneille aurait exprimé bien mieux que moi l’élan, la chaleur et le patriotisme de ce rassemblement : « Nous partîmes cinq cents…  »
    Le 28, dès le matin et l’accueil des participants, le ton était donné pour une journée de colloques et, toujours, de souvenirs… Thierry Rolando, et Susy Simon-Nicaise surent donner le premier élan de cette émouvante journée, et je ne peux oublier de citer le président du cercle de Perpignan pour l’excellente organisation du Congrès.
    Ainsi, après les films « souvenirs » qui nous remuaient les tripes aux évocations d’instants d’exode, nous retrouvions au travers des tables rondes, notre monde jamais oublié de « là-bas ». Ce fut aussi pour nous l’occasion d’entendre des intervenants de qualité nous parler de leur départ d’Alger ou Oran et de la difficulté à trouver dans les premières années métropolitaines le havre et la compréhension attendue… Si le livre de Jean-Jacques Jordi a enfin dévoilé au grand jour, des éléments soulignant ce désintérêt des pouvoirs parisiens à nous apporter les aides nécessaires à notre départ forcé, nous avons eu confirmation d’autres décisions de l’Exécutif parisien : la non-assistance de la Marine nationale, celle que nous estimions tant et dont nous portions le deuil des morts de Mers-el-Kébir… Entre fin juin et début juillet 1962, elle effectuait des manœuvres en Méditerranée, sans se préoccuper – par ordres – des malheureux qui attendaient depuis des jours aux ports d’Oran ou d’Alger après avoir payé au prix fort le droit au départ… Pire ! Le gouvernement avait, de plus, interdit aux navires américains ou espagnols d’entrer dans les eaux territoriales, encore françaises, afin de porter secours à des personnes en danger de mort.
    Quelle triste, affreuse période ! Nous l’avons vécu mais il nous était interdit de l’évoquer, pendant longtemps, trop longtemps jusqu’à ce réveil récent d’hommes libres : historiens, reporters, écrivains… Difficile de les citer tous ! J’ai retenu cependant l’intervention de Robert Ménard confirmant ce que nous subissons depuis tant d’années : le black-out de notre histoire « pied-noir », de nos souffrances, de notre deuil des cent trente deux ans de vie française en Algérie, par la sphère journalistique « éduquée » à nous mépriser, déformer notre histoire et nous accuser, à contre sens des réalités, de l’histoire et de l’exode de 1962. Il est évident que nous n’avons pas eu que les pouvoirs politiques - droite et gauche confondues - contre nous, mais aussi les médias, dans la majorité des cas. Combien de journalistes étaient, sont, pour nous ? Robert Ménard nous le précise : « Une dizaine au plus sur trente cinq mille ! » Nous le savions ! Ce n’est malheureusement que la confirmation d’un étrange quatrième pouvoir qui nous montre d’un doigt accusateur au détriment de l’honneur de cette profession et du devoir de vérité qui devrait être le sien.
    Heureusement, la Légion étrangère clôturait cette journée du samedi 28 janvier, par un splendide concert, applaudi par une foule conquise.
Dimanche 29 janvier fut le sommet du Congrès avec le discours de Thiery Rolando aux accents patriotes et puissants ; celui, plein d’émotion, de Maire de Perpignan : Jean-Marc Pujol et enfin l’intervention du Ministre de la Défense, Gérard Longuet, parfois sifflé, lorsqu’il évoquait - rapidement - le général, mais lui aussi avec certains mots de vérité, comme reconnaître que le gouvernement de l’époque n’avait pas été à la hauteur de notre attente de secours, et sa confirmation de ne pas accepter le 19 mars comme une date de commémoration officielle…
    Mais, ai-je pensé, quelle est la vraie position de l’Etat sur ce sujet sensible ? Que font certains élus qui souscrivent à cette aberration de l’Histoire ?
Puis il y eut l’inauguration officielle du Centre de documentation des Français d’Algérie et l’accès au Mur des Disparus… Encore un temps d’émotion, de souvenirs, de larmes et aussi de fierté de savoir enfin ce Centre et ce Mur des disparus reconnus malgré la haine et la rage de certains esprits oublieux des morts de cette guerre et des disparus civils et militaires et cette hargne maladive, obsessionnelle, à ne pas reconnaître notre douleur.
    Merci à Thierry Rolando, président national du Cercle, merci à tous les présidents des Cercles algérianiste des départements ou des villes pour ce trente huitième Congrès réussi, en maintenant allumée cette flamme du souvenir, la diffusion de notre véritable Histoire que souligne chaque année le prix littéraire algérianiste Jean Pommier, et de persévérer dans cette espoir d’une reconnaissance - un jour officielle -, de notre passé.

                                                                   Robert Charles Puig / janvier 2012

Mis en page le 01/02/2012 par RP