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Est-il possible qu’un chef d’œuvre, un tableau, réveille au fond de l’âme, à notre époque contemporaine, une résonnance semblable à celle de l’univers de l’artiste par ses aspects sauvages, dramatiques, effrayants ?

Lorsque j’ai pu admirer le chef d’œuvre d’Edwards Munch, ce visage peint de couleurs violentes exprimant l’angoisse et la mort annoncée ; lorsque j’ai perçu, à travers cette bouche grande ouverte le CRI qu’il m’a semblé entendre, extrait de la toile peinte, je me suis dit que c’était exactement ce que j’avais ressenti lors de cette effroyable journée du 26 mars 1962, à Alger, en même temps que l’angoisse terrifiée d’une voix hurlant « Halte au feu ! »

Dans mon esprit une comparaison s’est imposée : un drapeau bleu, blanc et rouge déchiré, ensanglanté, en lambeau au milieu des flammes d’un enfer. Une fracture, une image terrible d’angoisse et de douleur séparant la France et cette Algérie encore française en 1962...

En cette date-anniversaire de la commémoration du cinquantenaire de ce jour de deuil du 26 mars, le CRI me rappelle ce douloureux événement où des innocents sont morts, assassinés... Certains, morts sur le coup ; d’autres morts « hachés » par la mitraille au niveau de la ceinture. Ce fut le cas de mon oncle Marcel. D’autres déjà au sol, blessés furent achevés d’une balle dans la tête par des tirs fratricides.

 

Le CRI, d’Edwards Munch, c’est aussi notre jour des morts du 26 mars 1962... Un peuple uni, rassemblé et sans arme, protestant dans une marche silencieuse contre les accords « déviants » du 19 mars 1962 et le terrible isolement d’un quartier de la ville : Bâb-el-Oued, puni de vouloir rester français... Une foule, tout à coup, devenue une cible qui crie, qui hurle et qui pleure, parce qu’on la vise et qu’on la tue. Une foule exécutée, sur ordre de Paris !

De longues minutes, la fusillade a fait son œuvre en dépit des supplications d’un « Cessez-le-feu ! » De longues minutes, le bruit des armes et l’odeur âcre de la poudre ont imprégné l’air, entre le Plateau des Glières, la Grande Poste, la rue d’Isly, et le sang a coulé pour un génocide franco-français.

Le tableau d’Edwards Munch a marqué mon esprit d’un instant d’angoisse et de culpabilité, qu’une phrase de Pierre Schoendoerffer résume parfaitement : « Quand un homme a survécu à une bataille perdue, il se dit qu’il n’en a sans doute pas fait assez, puisqu’il est toujours vivant. » *

C’est pour cette raison et pour défendre la vérité d’une époque disparue, après cinquante ans d’une histoire interdite par la France, que nous sommes debouts ! Malgré l’adversité de fourbes gauchisants et de traitres à notre mémoire ; malgré des instances politiques, civiles et médiatiques qui encouragent depuis un demi-siècle le communautarisme et le djihad sur notre territoire, pour aboutir aux meurtres de Toulouse et Montauban, nous persévérons dans notre combat. Celui des rescapés de l’exode, jusqu’au jour de la VERITE !

 

                                                                      Robert Charles Puig / 26 mars 2012

* (Valeurs actuelles N° 3930 / p 83)

Mis en page le 01/04/2012 par RP