Je viens de relire le « Journal d’un
exilé » de Jean Brune, à la Table Ronde, et cette phrase m’a frappé
de vérité, de perspicacité :
« Jean
Massonat, agenouillé sur un blessé a été tué de trois balles tirées dans le
dos, par ce que le « Figaro » appelle le service d’ordre »
Pourquoi
sommes nous toujours maudits ? ajoute-t-il.
Ces lignes me rappellent mon oncle Marcel,
assassiné ce même 26 mars 1962 par la mitraille française qui a traversé son
corps au niveau des reins... Plusieurs impactes...
Alors, pourquoi titrer mon texte : le
pont Bayard ? Parce que l’extrait du livre de Jean Brune résonne cinquante
ans après, en 2012 comme un glas ! Celui de l’incompréhension continue qui
étouffe et flétrit notre mémoire Pied-noir. Sommes-nous toujours maudits ?
Devons-nous toujours supporter la honte de notre exode et accepter qu’une ville
comme Toulouse, pour évidence électoraliste, se permette de donner à un pont
qui a une histoire, le titre d’une défaite et du mensonge gaulliste : le
19 mars ?
Nous
conservons au cœur, à l’âme et pour certains dans la chair, la meurtrissure
d’une blessure, et nous avons le devoir de nous souvenir, même si notre flambeau
est soumis au vent du défaitisme ou de la politique politicienne qui voit dans
nos valeurs du racisme, du fascisme... Il est alors plaisant - permettez-moi ce
trait d’humour caustique - pour un socialo-communiste de nous montrer d’un
doigt accusateur et de saluer une terre bradée par le gouvernement gaulliste de
l’époque, à la fois borné et traitre à une partie de la Nation, une partie du
peuple français, en Algérie. Qui se souvient de ces événements ? Nous,
seulement nous ! En effet, trop de partis politiques sinon tous ;
trop de médias, à presque cent pour cent ; trop de chapelles obscures, secrètes
et jusqu’à des instances religieuses, au nom d’une fausse fraternité et d’une
religiosité artificielle, ne veulent pas nous entendre et se refusent à tenir
compte des aspects positifs de notre Saga pied-noir.
Jean
Brune que j’admire, ne se devait pas d’être pessimiste ! Dans ce monde
félon, déloyal et hostile à notre mémoire, nous ne sommes pas les « maudits ».
Eux le sont, ces politiciens qui aujourd’hui décident de changer les lois, de
donner des droits à l’étranger, de se plier à un esprit communautariste au
détriment de nos valeurs ancestrales : le drapeau que l’on peut brûler et
ceux de l’étranger que l’on peut brandir comme si la Nation française
n’existait plus ; le droit à la différence qui va à l’excès et contre la
nature, depuis que la flore et la faune, dont nous sommes l’élément supérieur,
sont nées d’un bouillon initial ! Nous avons trop d’hommes politiques imbus
de pouvoir. Ils espèrent gagner les élections par l’affirmation de promesses
intenables et d’une propagande rappelant les mensonges de Georges Marchais. Ne
comparait-il pas la Russie soviétique à un paradis ? Où sera le notre
demain, si trop d’élus pactisent avec des clans qui misent sur de la déchéance
nationale ?
Notre
objectif, notre pont Bayard, est d’aller toujours en avant dans nos actions
pour faire entendre raison à la déraison du plus grand nombre.
Je me
suis demandé parfois si ce combat, pour la justice et l’honneur de ce temps
disparu valait la peine d’être mené. Notre monde est tellement borné, déformé, méprisable.
Tellement loin de mon temps d’Algérie ou j’apprenais le respect des anciens et
l’orgueil d’être français ! Est-ce que je mérite, que nous méritons nous les Pieds-noirs, ce sort contraire à
l’honneur ?
Je suis français ! Par ma naissance,
par mes ancêtres, valeureux aventuriers du dix neuvième siècle qui ont vécu les
débuts de la grande aventure et de la construction de cette terre neuve et qui
ont combattu le prussien en 14 / 18. Un grand père maternel né en Algérie en
1876, de parents venus de l’île d’Ischia. Il était dans les Zouaves... Un autre
parent revenu de la guerre amoindri psychiquement par les heures passées sous
la mitraille dans une tranchée... Je suis français parce que mon grand père
paternel, arrivé en Algérie en 1895 a souhaité ses enfants français. Pour cette
raison, mon père en Tunisie puis mes oncles ont connu le front en 39 / 45. L’un
d’eux, Alexandre, est mort pour la France le 20 mai 1940 à Crépy-en-Valois. Un
second, Marcel, le 26 mars 62... pour garder l’Algérie
française à la France. Combien d’autres avec eux ? Que reste-t-il de nos
idéaux ? Rien. Aujourd’hui rien !
Longtemps, je n’ai pas eu le temps, le
courage, de me pencher sur ce passé de ma jeunesse algéroise... En France en
1962, il me fallait construire une vie. Pas reconstruire, car de ce temps de l’Algérie
je ne rapportais que des souvenirs, mais rien que je puisse tenir entre mes
mains, modeler et m’appuyer dessus pour dire : je reconstruis !
J’avais
de la famille à Marseille, mais le maire de la ville, Gaston Deferre, ne
voulait plus de rapatriés. Il niait l’exode et était comme une grande partie de
sa population et des syndicats qui empêchèrent les bateaux de s’amarrer à la
Joliette, pendant des jours... Personne ne nous acceptait... Alors, j’ai fait
un temps parti de ceux qui se sont tus, qui n’ont pas répondu aux phrases
autochtones marseillaises ou parisiennes : « les Pieds-noirs prennent
nos places... Les Pieds noirs font grimper les loyers... qu’ils
repartent ! » Oui, il me fallait, il nous fallait nous taire. C’était
le temps de la nouvelle vie. Pour un grand nombre, sans rien connaître de la métropole,
sans savoir où aller en débarquant au pied du quai, sur ce sol de la Mère
Patrie les recevant si mal.
Cinquante ans plus tard j’ai cru, en cette
année 2012, qu’enfin nous aurions droit à ce geste de réconciliation que nous
attendions... Hélas ! Il m’a suffi de voir, d’entendre, de lire les
commentateurs et les journalistes gauchistes à la télévision, à la radio, dans
des écrits... Ils vomissent encore, cinquante ans après notre exode la même antienne
et la même propagande nous décrivant si mal. Ils n’ont pas voulu ces journaleux
entendre notre version des événements... des assassinats, des viols, des morts et
des disparus que nous avons laissés là-bas. Ils sont la honte de ce temps, avec
trop de députés, d’hommes politiques qui trouvent, en nous rejetant, l’espoir
d’un mandat prochain. Personnellement, parce que j’ai malgré tout le sens du
civisme, à chaque élection je vote, en espérant que le pays change son regard
sur nous, les européens d’Algérie et les musulmans : Harkis et Supplétifs si
oubliés depuis 1962. Je vote et c’est souvent un vote en cherchant dans le lot
des prétendants, le moins pire : celui qui n’est pas gaulliste, ni
communiste, ni socialiste... Un choix très, très limité : De Gaulle était
l’instrument de notre exode et les socialo-communistes, poseurs de bombes,
porteurs de valises du FLN, traitres au pays, ceux qui étaient d’accord avec
les gaullistes pour l’indépendance de cette terre française que nous avions baptisé
du nom d’Algérie. Qui est de notre côté, avec nous, depuis cinquante ans, pour
reconnaitre notre travail, celui de nos anciens qui ont créé, en Algérie, une
économie et des villes modernes là où il n’y avait rien ? Ils sont si peu
nombreux les hommes de raison et de bon sens dans notre monde. Même des
historiens, dans la majorité des cas, prêchent l’équivoque et le fallacieux.
Je revendique d’être du temps de Tixier-Vignancourt qui défendait notre terre ; de celui
du journal « Aux écoutes » que je recevais durant mon temps d’armée
sous un pli sans entête et jamais mes convictions n’ont changé ! Si nous
ne pouvions plus vivre « là-bas », notre départ devait se faire dans
d’autres conditions. Pas dans la débâcle que le gouvernement parisien nous
imposa, à cause de son obsession maladive à vouloir brader l’Algérie en nous
laissant crever sous le douk-douk du FLN ! (Lire ou relire de livre de
Jean-Jacques Jordi)
Du temps a passé, mais il y a toujours de
la rage dans mon cœur ! Je crois à notre honneur ; je crois en notre
droit au respect de nos actions en Algérie. Bien entendu, il me faut, il nous
faut du courage pour continuer notre combat pour la vérité, et j’en sais de
meilleurs que moi dans cette bataille où nous sommes toujours montrés du doigt,
comme des coupables : par les partis politiques obtus et aveugles ;
par les syndicats voués au communisme agonisant ; par les médias
désinformant à plaisir et l’information et l’histoire, notre Histoire !
J’ai honte parfois, auprès d’étrangers, de
mon statut de français dans ce panier de cabres de magouilleurs et de menteurs
mais j’ai la conviction, un jour, d’un retournement de situation... Pour
moi ? J’en doute. Pour mes enfants ou mes petits enfants, j’en suis
sûr ! Ce temps viendra et c’est pour cette raison que nous ne devons pas
baisser les bras, nous les Pieds-noirs ! Surtout, nous ne devons pas nous
laisser convaincre par les sirènes perverses du nouveau pouvoir. Pourtant,
retournons à ce passé encore récent... pourtant c’est François Mitterrand qui a
rendu leur honneur à nos soldats perdus, à ces militaires du putsch !
Il a été le seul. D’ailleurs je suis
toujours resté sceptique sur sa qualité de « socialiste ». Un opportuniste
tout simplement. Il n’était pas ma tasse de café mais, et les suivants ?
Un Jacques Chirac gaulliste et qui nous a prouvé sa capacité à considérer
Bouteflika, comme un président « normal »... Un mot repris par François
Hollande... Comme Jacques Chirac qui flattait l’Algérie, attendons-nous au
pire, lorsque viendra le temps du 14 juillet avec le FLN... une commémoration
des « accords déviants » du 19 mars et la repentance. Jacques Chirac l’avait
presque prévu, après avoir offert à Bouteflika une médaille commémorative pour
le rôle d’Alger pendant la deuxième guerre mondiale... Hollande nous imposera
ces « festivités événementielles » ! Nous allons tomber de Charybde
en Scylla !
Entre temps, Nicolas Sarkozy a-t-il fait
mieux ? Il a fallu attendre la fin de son mandat pour qu’il se rende
compte que les Pieds-noirs, les Harkis, tous les Musulmans fidèles à la Patrie
existent... Je me répète, à la fin de son mandat. Cela ne lui a pas porté
chance, d’autant plus qu’une partie de ses troupes UMP étaient plus proches des
socialistes que de son idée, tardive, d’une nouvelle droite française.
Nicolas
Sarkozy n’a pas été le Président que l’on espérait. Hollande n’est pas le
Président que nous attendions. Notre rêve de réconciliation nationale à
l’occasion du cinquantenaire de notre exode s’éloigne... peut-être encore pour
cinq ans, avec le vote des étrangers du Maghreb ; la naissance d’une
France du genre ; d’une justice qui défendra la délinquance contre
l’ordre et permettra au drapeau français d’être brûlé ; d’une police sous
contrôle des associations, des réseaux sociaux et des ligues communautaristes,
sans plus aucun pouvoir et d’une éducation vouée à la déchéance des jeunes
générations.
Bien entendu, il nous reste les législatives.
Prochaines, imminentes. Une fois de plus il sera nécessaire de faire abstraction
de notre mémoire, de notre passé, de notre ressentiment contre cette politique
aberrante que nous subissons depuis tant de temps. Il va nous falloir faire un
choix utile à défaut de faire un choix de cœur, au deuxième tour. C’est notre
lot depuis si longtemps ! Nous ne pouvons pas, malgré nos rancœurs, notre
mémoire souvent bafouée laisser à la gauche tous les pouvoirs.
Au deuxième tour, une fois de plus, si c’est
le cas, je ferai contre mauvaise fortune bon cœur et je voterai pour le moins
pire : celui qui ne se dira pas un homme de gauche pour que le nom du pont
Bayard perdure.
Si ce simple
souhait ne se réalise pas nous entrerons, avec les socialo-mélenchonistes ayant tous les pouvoirs entre leurs serres d’aigle, dans une longue nuit de
« Kristalnach », une « nuit de cristal » ou notre passé,
nos souvenirs et notre mémoire bruleront, pour disparaître.
Pensons-y et ne laissons pas le pont Bayard devenir le
pont de la honte.
Robert
Charles Puig / juin 2012.
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