R.A.B.I.A.

Parfois j’ai la « rabia », la colère, et pardonnez-moi si... heu... je ne m’excuse pas ! Je voulais une France démocratique, républicaine et fière d’être une grande Nation. Il me semble être loin de mon fantasme. Pour ces raisons, j’ai l’impression de dépasser le politiquement correct dans mes écrits, mes expressions et mon folklore, mais je revendique d’être pied-noir et de ne pas me sentir coupable.

C’est vrai que depuis cinquante et un ans, l’eau a coulé sous le pont de l’Harrach et Fort de l’eau n’est plus la petite ville que j’ai connue... Des images de mon enfance avec son Front de mer jusqu’au Lido et la place du village avec ses brochettes, ses merguez, le rosé du Domaine de la Trappe, propriété d’Henri Borgeaud sur la route de Cheragas, ou un « Limiñana », un anis blanc. Non. Je ne veux pas faire un brin de nostalgie, car ce temps est loin, là-bas, de l’autre côté de la Méditerranée mais, c’est un temps qui m’appartient. C’est celui de ma jeunesse jusqu’à l’année 1962, et je ne peux laisser à personne, ni homme politique sans honneur, ni journaliste en manque de déontologie équitable, ni faux historien rapide à jouer au croquemort avec mon histoire, ni faux philosophe nageant dans la fange nauséabonde du mensonge, un droit de critiquer 132 ans de l’Histoire de France. Beaucoup trop de ces individus sont catégoriques et sans appel dans un jugement à la Torquemada, en juge de l’inquisition sous la coupe d’un pouvoir en place et ils jouent avec des mots, des attitudes de saltimbanque pour se montrer, se faire voir dans un milieu « people » et futile de faux dévots. A tous ces gens, je leur interdis de « dire », car ils ne trouvent leur jouissance et leur béatitude que dans la critique, le souffre de la médisance et de la mauvaise foi. Ils ne parlent pas, ils déblatèrent. Ils n’argumentent pas avec des idées solides, des preuves, mais ils ont décidé que la seule vérité de ce temps du drame de l’Algérie française était leur fausse vérité : celle qui conduit à rendre coupables des innocents et à donner aux tueurs de femmes et d’enfants le titre de « résistant » puis, comme une amande amère sur un loukoum, à désigner une partie des musulmans attachée à la Nation, du nom de collaborateur.

Il me semble qu’il y a maldonne entre mon idée d’une République du droit, une démocratie respectueuse de son passé et fière d’être une Nation, et ce racisme flagrant d’une triste engeance condamnant la colonisation aux enfers. Elle refuse, rejette ce qui a bâti une plus grande France pour délayer la terre nationale dans une boue puante, un espace anonyme et sans frontière. Au nom d’une mondialisation perverse, parce qu’elle renferme l’idée d’abandon du passé ; d’un drapeau qu’on laisse brûler ; d’une chimérique universalisation et en effaçant la trace de nos monuments aux Morts et de ma mémoire, ces aliénés de l’honneur ne méritent rien d’autre qu’un asile pour refuge ! Ô mes souvenirs ! En revenant d’Antibes, je regarde le long du bord de mer la ville de Nice. Aux lumières du soir de la promenade des Anglais, la baie des Anges apparaît comme un collier de perles... alors je retourne en arrière et je vois depuis le Cap Matifou ou Fort de l’eau, après la route moutonnière, cette magnifique baie d’Alger illuminée comme un collier de diamants... Je roule et j’atteins le bord de la ville le long de l’immeuble du Maurétania, puis la Grande Poste et le Plateau des Glières que les Molochs parisiens transformeront en scène d’assassinats le 26 mars 1962.

Aujourd’hui la Grande Poste est dans un triste état, paraît-il ; le tribunal de la Haye n’a toujours pas condamné les meurtriers de cette sanglante tragédie et moi... je grimpe par l’avenue Pasteur et frôle l’entrée du tunnel des facultés jusqu’à ma rue aux pieds du G.G... C’était il y a plus de cinquante ans, mais le souvenir n’est plus la réalité du monde présent ! Un peu comme un visage dont on garde le souvenir et que l’on croisera sans le reconnaître, à cause du temps qui passe... J’ai reçu récemment une photo de mon immeuble – puis-je encore dire mon immeuble ? – Une porte d’entrée délabrée, en partie démolie. Il y avait aussi une photo du hall et des boites à lettres... des boites en bois verni... Il ne restait plus rien. Quelle désolation ! Pourtant c’est Alger ! La capitale d’un pays que nous avons créé et qu’un gouvernement de la France borné a offert, bradé, sans garantie pour une partie de son peuple.

C’est à se demander à qui, à quoi a servi cette indépendance sinon à abuser une population qui reste dans la misère et la crainte d’une dictature FLN sans pitié. Le peuple est pauvre et la jeunesse algérienne ne cherche à trouver son salut que dans la fuite d’un régime totalitaire, sans espace de liberté, contrairement au temps de l’Algérie française, de la colonisation. Pourquoi est-ce que je peux affirmer cet axiome ? Parce que nous avons tous eu des amitiés et connu des Arabes qui, au moment de la braderie gaulliste, ne souhaitaient qu’une chose : quitter cette terre meurtrie et nous suivre dans notre Exode.

Sans doute, de notre temps, il y avait des « marches » à franchir pour donner plus de droits aux Musulmans, mais n’était-ce pas de leur fait ce refus d’obtenir la nationalité française pour conserver leur religion ? Je me dis pourtant que... s’ils avaient accepté ce droit, certains seraient comme ces descendants de respectables familles juives qui, par racisme intellectuel de gauche, renient le terme « pied-noir » et critiquent ce temps de la conquête qui a permis – ce que beaucoup oublient – à la société juive d’Algérie d’obtenir cette nationalité française et cette liberté de clabauder, vilipender, que les Turcs leur refusaient.

Je ne suis plus au temps des illusions et la vie est tellement pleine de chausse-trapes et de mauvais esprits... Ce nouveau millénaire n’a rien changé et j’ai toujours une « rabia » manifeste qui s’élève, s’oppose à l’incompréhension maladive de gens bornés. Je reviens à ce temps passé... Ces tribus berbères, kabyles ou arabes étaient bien plus libres à mon époque, même si des mesures restrictives furent nécessaires au début de 1954 pour faire face aux attentats criminels contre des civils, européens ou arabes. N’étions-nous pas ensemble dans les collèges, les clubs sportifs ou les lieux de travail ? Je me souviens qu’en 1961, durant mon service militaire, lors d’une mission près d’un oued, le fellah qui cultivait son champ nous a salués. Rien ne le forçait à faire des signes d’amitiés et rien dans notre attitude ne ressemblait à une menace... mais l’Algérie dans ce Sud était française par son enseignement dans les écoles, ses apports dans les batailles contre les maladies. Cette mission, c’était en-dessous de Tébessa et de Bir-el-Ater... un bout de terre au milieu des ergs : Besseriani, sur la ligne Challe. C’était mon temps d’armée après une jeunesse un peu fantaisiste, un peu rêveuse... Etait-ce le fait d’appartenir à une famille d’artistes ? Un grand père à la Lyre algérienne... un oncle musicien de jazz et surtout une parente devenue une magnifique interprète des grands classiques de l’Opéra, de l’Opéra comique et de la Monnaie de Bruxelles. Léonide Olivier Sportiello fut une formidable artiste qui revînt à Alger en fin de carrière retrouver sa famille, dans les années cinquante. En 1958 elle chanta une émouvante Marseillaise au balcon du Gouvernement Général car, comme nous tous, elle croyait l’Algérie française éternelle.

           Que nous reste-t-il de ce temps ? Des souvenirs et l’envie de défendre une mémoire mise à mal par des mensonges ! Aujourd’hui, je constate que la France se vide de sa substance et brade son histoire. Ce n’est pas que le champagne des caves élyséennes qui est dispersé mais aussi son Savoir et son patrimoine. Déjà l’Education Nationale n’explique plus l’Histoire de la Nation et apprend plus facilement aux écoliers le règne des rois du Bénin, ex Dahomey, que l’épopée napoléonienne ! Comment rendre les enfants respectueux d’une France si grande mais devenue si minuscule dans les livres scolaires ?

Bien entendu personne ne peut affirmer que tout était bleu ou noir dans les Colonies, cependant être catégorique dans un sens ou un autre ne serait-ce pas une erreur, un excès ou une falsification ? L’esclavage a existé bien après son abolition en France et il existe toujours dans cet Orient que nous portons aux nues pour cause de matières premières ! Pourquoi tant de salamalecs avec ces despotes d’Orient ? Pourquoi refuser les aspects positifs de la colonisation ? Si à mon époque des excès ont été commis, jamais la natalité des autochtones n’a été aussi forte et les villes modernes, élégantes qui naquirent sur des terres sans nom, existent toujours... Mais, dans quel état ?

Aujourd’hui, j’ai « la colère » contre ces élus qui se trompent sur notre histoire et nous trompent par de fausses affirmations. En son temps j’ai critiqué et le RPR et l’UMP parce que j’espérais une droite qui ouvre les yeux sur ses dérives sociétales et ses mensonges. Je souhaitais qu’elle écoute ! Mais ces élites étaient dans le temps du complexe des colonies... A vrai dire je suis encore plus opposé à cette gauche socialo-communiste qui cire les babouches de l’Algérie FLN. Je m’élève encore plus contre cette ethnie « caviar et trotskiste » qui condamne les temps de la colonisation et accepte celui de la repentance.

C’est sûr, j’ai la « rabia » et il y a de quoi ! En 1962, je suis arrivé en Métropole en imaginant, innocemment, que je pouvais sans crainte parler, évoquer ma terre natale : l’Algérie. Que je pouvais décrire à haute voix mes souvenirs ou m’élever contre la façon – ou plutôt la « non-façon » – dont notre tragédie et notre Exode étaient traités en Métropole. Cela fait plus de cinquante ans... Des ancêtres nous ont voulus Français, et ils furent nombreux ceux qui défendirent la France contre la barbarie, sans demander autre chose que de conserver cette fierté d’appartenir à la Nation. C’est vers 1840 que le premier de la lignée maternelle est arrivé sur cette terre maghrébine sortie des griffes ottomanes. Il est mort d’une de ces pandémies qui décimèrent la Mitidja mais laissait une descendance qui grandit et s’épanouit au soleil d’Algérie... puis il y eut les événements... la froide haine d’un ex-général... les mensonges de Paris et l’Exode. Alors... souvent démunis de tout, les Pieds-noirs quittèrent leur terre en laissant derrière eux des souvenirs et leurs morts pour rejoindre une Mère Patrie qui semble toujours ni les comprendre, ni leur tendre la main.

Il n’y a pas photo ! Avec la Gauche, après le mea-culpa anti Pied-noir de François Hollande à Alger, nous serons enterrés vivants si nous ne réagissons pas. Avec la Droite et une UMP qui souhaite « un retour à un mai 1958 », c'est-à-dire un retour au gaullisme moyenâgeux et menteur, nous ne serons pas mieux lotis.

C’est la raison de mon combat et de ma « rabia » ... pour autre chose !

                                                          Robert Charles PUIG / mai 2013

Mis en page le 17/05/2013 par RP