Incroyable article du « Monde
diplomatique » de Mai 2008, intitulé « Sans
valise ni cercueil, les pieds noirs restés en Algérie...
Il s'agit de démontrer que les Français
d'Algérie sont partis en 1962 sous l'effet d'une peur
irraisonnée, et que, s'ils n'avaient été
des racistes invétérés, leur avenir était
assuré dans une Algérie FLN bienveillante et
ouverte à tous ses enfants. Il a fallu pour cette
démonstration deux « envoyés spéciaux »
interviewant sur place des Pieds noirs (ou supposé
tels) restés au pays.
Bien
sur, on note la « coïncidence »
avec un grotesque et récent colloque d'universitaires
parisiens sur le thème « De quoi les Pieds
noirs ont ils eu peur ? » . Question à
laquelle ces derniers avaient répondu à peu
près unanimement il y a 45 ans en fournissant tous
les mêmes témoignages, corroborés par
la lecture de la presse quotidienne de l'époque,
en une sinistre litanie étalée sur des mois
et des mois... et à laquelle de toute manière
ils étaient les seuls à pouvoir répondre :
moyennant quoi, le colloque en question leur fut pratiquement
interdit !
Ce
qui frappe dans l'article du Monde est d'abord le caractère
systématiquement mensonger des faits historiques,
à commencer par les chiffres, tous faux : monstrueuse
affirmation de départ suivant laquelle « à
la fin de la guerre, deux cent mille Pieds Noirs ont décidé
de demeurer dans le nouvel Etat » ... On croit
rêver ! d'ailleurs si c'était vrai, ils
seraient restés... les deux envoyés très
spéciaux ne semblent pas réaliser la contradiction...
et ne s'interrogent pas un instant sur ce qui, même
dans cette hypothèse, les aurait fait changer d'avis
par la suite, et qui est pourtant le cÏur de la question...
On peut réfuter chaque ligne
de ce singulier reportage. N'en retenons que quelques bribes :
on lit par exemple que les enlèvements d'Européens étaient
ciblés ! c'est vrai à condition de comprendre qu'ils
étaient ciblés sur la chasse au faciès exclusive, ou
que l'enlèvement de pur banditisme pour voler une voiture
ou occuper un appartement était « ciblé »... Là
encore le chiffre des enlèvements est minoré d'au moins
40 %... Puis on cite l'ineffable Benjamin Stora qualifié
de « un des meilleurs historiens de l'Algérie »
écrivant que « les rapatriés ont cherché à faire croire que la seule
raison de leur
départ était le risque qu'ils couraient ».... En somme
des peureux qui ne voyaient pas que le FLN ne leur voulait
que du bien et qui n'avaient rien compris à rien, comme
d'habitude. D'ailleurs on n'échappe pas au couplet sur la
responsabilité de l'OAS, qui, comme chacun sait, assassinait
des braves musulmans sans défense et sans aucune raison.
Les récits, tous convergents, du documentaire de Gilles
Perez « Les Pieds noirs, histoire d'une blessure »
sont qualifiés de version mythifiée de l'Histoire !
Alors
que l'affirmation d'un des singuliers témoins entendus sur
place disant que « la valise ou le cercueil, ça n'existait
pas » est rapportée avec le plus grand sérieux.
Les témoignages recueillis sur
les Français vivant là-bas sont intéressants, en ce sens
qu'ils émanent presque tous de communistes ou sympathisants
du FLN qui, sachant bien qu'ils sont honnis et méprisés
de leurs compatriotes (ils le disent) se justifient par
un plaidoyer sur le thème du racisme, du colonialisme etc.
chanson connue ! il n'est pas mentionné que, même les
collabos du FLN qui croyaient se tailler une situation privilégiée
dans le nouvel Etat ont, pour la plupart, quitté le
pays par la suite, chassés par les nouveaux maîtres. Aucun
commentaire non plus sur la vie misérable et l'absence de
tout droit de ceux qui se sont retrouvés coincés par
la solitude, l'âge, la pauvreté, et ne sont restés que contraints
et forcés, abandonnés par leur patrie. L'ensemble de tous
ceux là représentant un groupe infime en nombre puisque
l'Ambassade de France a récemment donné le chiffre de cinquante
personnes de naissance française en Algérie vivant encore
sur place : cinquante sur un million ! peut être
l'exode le plus massif de l'histoire... mais là encore, nos
journaleux produisent des chiffres falsifiés, profitant
de ce que les services consulaires mêlent dans leurs statistiques
les double nationaux de fraîche date sans faire la distinction,
ce qui laisse croire à une présence française considérable
et prospère, loin de la misérable réalité.
On notera un argument significatif
de la part d'un des communistes interviewés : « la
grande majorité des pieds noirs a quitté l'Algérie, non
parce qu'elle était directement menacée, mais parce qu'elle
ne supportait pas la perspective de vivre à égalité avec
les Algériens ! » Peut-on sérieusement penser
qu'une raison de cet ordre aurait justifié un départ précipité et
l'abandon de tout ? et où a-t-il été question d'une
égalité avec les Algériens qui n'existait que dans les Accords
d'Evian, auxquels personne ne croyait, et les Musulmans
moins encore ? On entend aussi une femme affirmant
que son oncle aurait gardé sa ferme de trente hectares s'il
avait bien voulu se faire algérien... Elle semble ignorer
qu'une loi du FLN a spolié tous les propriétaires agricoles
de toutes conditions, même algériens ; on ne connaît
aucun cas d'un colon resté sur sa ferme, sauf à l'état de
cadavre, assassiné au lendemain de l'indépendance par ceux
qui convoitaient ses biens et surtout ses récoltes.
Un élément capital est passé
sous silence, qui pourtant ressort simplement de la chronologie
des évènements : pendant huit ans de terrorisme aveugle
du FLN, les populations ont vécu sous la protection de l'Armée.
Or, le 26 mars 1962 à Alger, lorsque cette même armée a
tiré dans la foule de façon délibérée et sur ordre, le cinq
juillet à Oran lorsqu'elle a laissé sous ses yeux les Oranais
se faire assassiner par centaines sans intervenir, la conclusion
ne pouvait faire de doute : les Français d'Algérie
étaient désormais livrés désarmés à des égorgeurs. Faut
il l'exégèse de nos savants intellectuels pour savoir pourquoi
ils ont fui ?
Sur le fond de la question,
la réponse est donnée par les nationalistes eux mêmes :
lorsque Ben Badis en 1930 émettait son premier manifeste,
il énonçait clairement que l'Algérie serait sa patrie, arabe
et musulmane. Aucune place pour les Européens... dès 1945
le clou était enfoncé avec le slogan « La valise ou le cercueil »...
puis le radicalisme affirmé du FLN au congrès de la Soummam,
et l'éradication du MNA supposé plus accessible à une présence
française dans une Algérie indépendante. La proclamation
du GPRA le 17 août 1960, censée rassurer les Européens n'était
émise, à la demande de De Gaulle, que pour donner un argument
au vote de la Métropole en faveur de l'indépendance et nullement
destiné aux Pieds Noirs qui n'en croyaient pas un mot et
qui, pour la plupart, n'en ont même pas eu connaissance.
Le mot de la fin revient au mieux placé pour en juger, et
c'est Ben Bella lui-même, leader du FLN et premier président
de la jeune république, qui déclara à la télévision française
quelques années après qu'il ne voyait pas quelle place les
Européens auraient pu trouver dans la République algérienne...
On ne saurait être plus clair !
Ce qui est clair, en tous cas,
c'est le désastre d'une Algérie privée
de sa colonne vertébrale, à la recherche de
son identité et de son équilibre depuis 45
ans. Le diagnostic, nous laisserons à Aït Ahmed,
nationaliste anti-français de la première
heure, le soin de l'énoncer, lorsqu'il a déclaré
en substance il y a quelques années : «
Le plus grand crime, la faute irréparable que
nous avons commise fut de chasser les Pieds-Noirs, je dis
bien les Pieds-Noirs et non les Français »
Y a-t-il un mot à ajouter ?