Les lampions
sont éteints
Les célébrations
du soixantième anniversaire du débarquement de Provence
ont donc été accomplies avec le faste souhaité
par le président de la République, et, les lampions éteints,
il est loisible d’en tirer quelques conclusions…
Dans l’intention affichée,
il s’agissait de rendre hommage à ceux qui ont laissé
leur vie ou leur jeunesse dans cette aventure libératrice. Mais
ceux là, qui étaient-ils ? De bonne foi, nul ne peut
l’ignorer : l’Armée d’Afrique en majorité,
c’est-à-dire les Européens d’Afrique du Nord
et quelques évadés de France, avec des musulmans volontaires
de ces territoires, et des forces gaullistes très minoritaires,
auquel se joignait un fort contingent de troupes coloniales, le tout
soutenu par des parachutistes américains et par la logistique
US. La campagne était facilitée par les renseignements
fournis par la Résistance.
On a coutume, dans les pays civilisés,
de confondre dans un hommage commun tous les hommes tombés pour
la même cause, et il est clair qu’en exclure une partie à
raison de leur origine constitue une démarche assimilable à
du racisme. Or, qu’avons nous vu et entendu ? Un président
de la République recevant et décorant, à juste
titre, des anciens combattants venus d’Afrique pour la circonstance,
sans qu’un seul Français soit honoré, sans que, dans
le flot des discours officiels, le nom de " Français
d’Algérie " apparaisse une seule fois…. Peut
on rappeler pourtant que ces Français oubliés représentaient
176 000 hommes, 21 classes d’age et 16,40 % de la population de
recrutement, le chiffre le plus fort jamais relevé en France ?
Mais il y a pire que ce racisme
délibéré. A ces cérémonies frelatées
étaient invités les chefs d’Etats dont les territoires,
français à l’époque, avaient fourni des contingents
au corps expéditionnaire ; chefs d’Etats dont pas un
seul, d’ailleurs, n’avait participé à ces opérations…ça
ne mange pas de pain. Le hic, c’est que l’invité vedette
était le garçon de bains d’Oujda déguisé
en président de la république algérienne, le barbaresque
Bouteflika, l’homme du FLN dont les égorgeurs avaient pour
cible prioritaire ces anciens combattants de l’Armée d’Afrique
qu’on prétendait lui faire honorer ce jour là …l’homme
qui avait insulté la France et ses Harki au parlement et à
la TV française. Pourtant, trop, ce n’est jamais trop…il
a fallu l’indécente bouffonnerie d’une remise de la
Légion d’Honneur à la ville d’Alger pour mettre
un comble à l’équivoque, puisque rendre hommage à
la ville française de 1943 ne pouvait en rien concerner le président
de l’Algérie indépendante de 2004.
En somme, Chirac a réussi
le singulier exploit de transformer en insulte un éclatant hommage.
Non sans remous d’ailleurs, puisque à partir des premières
protestations, la décision fut prise de transformer la cérémonie
en revue navale, on n’est jamais trop prudent ! Ladite cérémonie
, c’est le moins qu’on puisse en dire, ne s’est guère
déroulé dans la sérénité : absence
des chefs d’Etats européens invités, de quelques
Africains retenus par leurs coups d’Etat ordinaires, polémiques
dans la Presse. Et ces maudits " rapatriés "
qui s’en mêlent… mais pour eux, on a vite trouvé
des solutions : blackout absolu, d’abord, et, comme on a ignoré
les morts, on va ignorer les vivants. Plus ingénieux encore,
on va monter en épingle les protestations des Harki, ce qui permet
de régner en divisant, et de montrer qu’on n’est pas
raciste …
La grande presse, plus servile
encore qu’à l’accoutumée, n’est pas en
reste ; la radio et la TV d’état ont atteint des sommets
dans la désinformation, les " historiens "
de service nous ont gratifié à Toulon - et peut-être
ailleurs ? - d’expositions fabriquées sur commande,
avec de savants amalgames et des croix de lorraine à la tonne ;
le Figaro, toujours à l’avant garde, a monté une
véritable opération stalinienne à partir d’une
interview falsifiée attribuée au Cercle Algérianiste,
et Nice-Matin s’est distingué : après avoir
réussi à tartiner cinq pleines pages sur la commémoration
sans évoquer une seule fois les Pieds Noirs sacrifiés
pour leur ingrate patrie, alors que ses lecteurs indignés lui
écrivaient tous les jours, ce quotidien a pondu un article insultant
et mensonger sur la seule contre manifestation organisée à
St Raphael, pourtant toute empreinte de dignité et de recueillement.
Il est piquant de noter que dans les griefs exprimés par le journaleux,
figurait le fait que les choses avaient pris un tour " politique "
et avaient tourné à l’exacerbation de la nostalgie
pour l’Algérie Française : quelle horreur !
quel crime ! on comprend son indignation… d’ailleurs,
assaillis de protestations, ces deux quotidiens ont répondu par
un méprisant silence. Une autre manif, à Agay, n’a
pas interessé les journaux mais passionné les CRS, venus
plus nombreux ( oh que oui ) que pour un casse de banque…
Significative est la réponse
du Bouteflika, silencieux lors des discours, à la lettre de flagornerie
de Chirac : Enveloppée dans des protestations d’amitié
toutes orientales, elle est un chef d’œuvre d’arrogance :
chaque phrase est une insulte, et le silence total est fait sur la fameuse
Légion d’Honneur à Alger, histoire de faire savoir
qu’il n’est pas concerné….on remarque d’ailleurs
que la presse algérienne, tres bien informée et beaucoup
moins conformiste que la notre, si elle a profité de l’occasion
pour baver beaucoup plus que de coutume sur la France, a pratiquement
ignoré ce " détail "…
Notons aussi la servilité
avec laquelle la Cour a suivi le Roy : après l’indécent
spectacle de " la " ministre des Armées
en tailleur Chanel dans les bras du nabot barbaresque en rouflaquettes,
on a pu admirer les contorsions du secrétaire d’Etat aux
AC, toute honte bue après l’affront à lui infligé
à Alger l’an passé…sans parler des autres.
Pendant cette période,
une intense campagne d’indignation collective était organisée
en France à propos des profanations de cimetières prétendument
racistes. Mais les cimetières chrétiens et juifs d’Algérie,
saccagés et pillés depuis des lustres, le monument aux
morts d’Alger bétonné sur lequel on n’accrochera
pas la fameuse croix, tout cela n’intéresse ni nos politiques,
ni notre opinion, ni nos media. Il y a, voyez vous, les bons morts et
les mauvais morts…ne pas confondre ! et tout se rejoint….
On pourrait épiloguer sur
la signification politique profonde de ces évènements,
qui marquent un palier majeur dans la descente aux enfers de " notre
démocratie "…laissons ce soin à d’autres,
mais n’en pensons pas moins ! pour l’heure bornons nous
au constat, le mot d’ordre des puissants est simple : Algérie
Française, connais pas…Français d’Algérie,
jamais vu….vivants et morts, passez votre chemin, y a rien à
voir…
M. LAGROT
Responsable CVR