L'apologie du terrorisme
La chaîne
de TV franco allemande ARTE nous gratifie hebdomadairement
d'une émission historique habituellement assortie
de documents inédits ou de témoignages rares.
Une de ces émissions,
dérogeant quelque peu à son objet originel, était consacrée
récemment à une biographie / interview de l'avocat Paul
Vergès, vedette chouchoutée de l'extrême gauche, qui s'intitule
lui même dans un livre le « salaud lumineux » .
Pourquoi lumineux ? rien dans la présentation de ce
ténébreux personnage ne permet de répondre à cette question....
On y apprend,
si l'on l'ignorait, que la carrière de cet obscur
avocat débutant s'est véritablement ouverte
avec la défense, en 1957, de la poseuse de bombes
Djemila Bouhireb, celle là même qui parade
de nos jours, à nos frais, dans les palaces parisiens
et les hôpitaux du pays qu'elle vomit par tous ses
pores. Vergès s'y affiche d'emblée comme un
militant, utilisant cette tribune, non pour sauver sa cliente,
mais pour attaquer passionnément la France et sa
politique, par la provocation et le scandale (en chambre
et sans risque), avec une science consommée de la
publicité, usant de tous les réseaux gauchistes
de l'époque pour mettre en place la stratégie
que l'on connaît : axer tous les procès
du FLN sur les tortures supposées de l'Armée
française. C'était bien vu ; on connaît
le résultat, jusqu'à nos jours, mais
l'aveu est intéressant. La méthode est poussée
jusqu'à l'ignominie, puisqu'il va jusqu'à
prétendre que la Bouhired fut torturée sur
son lit d'hôpital... accusation monstrueuse et même
matériellement impossible, sur une affaire que par
ailleurs on connaît bien, dont on sait que les rapports
entre la « victime » et son pseudo
tortionnaire le Capitaine Graziani étaient d'une
toute autre nature...
Intéressante
aussi l'attitude de la terroriste, qui, à l'annonce de sa
condamnation à mort, éclata de rire, d'après son avocat,
ce qui peut passer pour une manifestation de courage, mais
que l'on n'a pas de mal à comprendre : tous savaient
que l'exécution n'aurait jamais lieu, et Vergès, mieux que
quiconque, savait jouer de la comédie judiciaire en homme
qui connaissait son monde. En cela, il s'est révélé authentique
révolutionnaire... on connaît l'épilogue romanesque de l'affaire,
les épousailles de l'avocat et de la condamnée, évidemment
amnistiée... après Corneille, le roman photo !
L'étrange
personnalité de ce révolutionnaire s'éclaire
un peu lorsqu'il se définit lui même comme
métis de mère vietnamienne et de père
réunionnais, sans précision (oû est
la race réunionnaise ?).
On sent dès
l'origine la haine de l'Occident si souvent présente en
pareil cas, et l'on songe irrésistiblement à Franz Fanon
dont la haine pathologiquement anti colonialiste trouvait
sa racine dans ce complexe. D'ailleurs, parmi les invités
de cette émission figurait un jeune journaliste politiquement
correct jusqu'à la caricature et qui prétendait voir dans
la vedette du jour le type même du colonisé : le comble
de l'absurdité pour un Français de la Réunion qui, même
de mère indochinoise qui n'a sûrement pas été déportée sur
l'Ile, ne peut pas être un « colonisé ».
Révolutionnaire,
Vergès l'est d'abord par l'amoralité assumée : au fil
du documentaire, il est clair que la cause à défendre devient
prétexte, le nihilisme, le goût de l'ombre, la volupté morbide
sont les véritables moteurs de son action ; il était
plaisant d'entendre le journaliste cité plus haut affirmer
qu'il ne voyait pas son héros poser des bombes lui même :
sans doute! Il y faudrait un courage physique qui n'est
pas son fort... mais les enfants français mutilés sont visiblement
pour le héros un objet de délectation... alors que même le
sinistre Yacef Saadi, interviewé, se croit obligé de prendre
un air gêné devant un mal nécessaire. On songe à l'anarchiste
russe des « Justes » d'Albert Camus : « Vous
êtes tous là à marchander ce que vous faites, au nom de
l'ignoble amour...mais moi je n'aime rien et je hais, oui,
je hais mes semblables ! ».
La couleur est,
sans complexe, donnée d'emblée : l'émission s'ouvre
sur un bref éloge de Pol Pot, un ami.... Par ailleurs le personnage
du révolutionnaire façon XIX¡, ascétique et martyr, est
sérieusement à revoir dans le cas présent : notre homme
est un jouisseur comme on sait l'être maintenant, et sa
haine souriante ne s'exprime jamais mieux que le havane
au bec, dans un décor luxueux. Décor dont l'origine est
entrevue, lorsqu'on apprend par une collaboratrice de l'avocat
que, au terme d'une ténébreuse mission, il était revenu
d'Afrique avec une valise de billets. Il est question dans
cette affaire de la disparition de Mo•se Tchombé, le tombeur
de Lumumba au Katanga, assassiné dans les geôles du FLN
en 1963 et là encore, le rôle de Vergès est des plus obscurs.
On devine des choses...
On devine aussi
que la défense des terroristes algériens n'était pas tout
à fait sans arrière pensée : après l'indépendance,
le jeune avocat s'installe à Alger avec son héro•ne, espérant
régner sur le Barreau : las, il ne sera jamais que
le mari de Djemila Bouhired, condition humiliante dont il
ne dit pas si c'est elle qui l'a conduit au divorce. Il
repart donc pour épouser au Proche Orient la cause des Palestiniens
dans les années les plus chaudes des prises d'otages et
des détournements d'avions. Là encore la haine de l'Occident
est au cÏur de son action, sur laquelle il n'est pas très
disert. Il l'est un peu plus pour ridiculiser ceux qu'il
a bernés pendant ses années de « disparition »
pendant lesquelles il prétend être resté à Paris... tout en
complotant avec Carlos et collaborant de près, comme il
le laisse deviner, avec les génocideurs du Cambodge.
Au terme de
ce parcours plein de zones d'ombre, Vergès est désormais
un bourgeois respecté, écrivain choyé des media, vedette
aux mains blanches des Bobos parisiens.
En bref, on
a pu assister pendant deux bonnes heures à une saisissante
apologie du terrorisme. Passionnante et déprimante
démonstration historique, sur laquelle on ne peut
manquer de s'interroger : devant l'efficacité
d'un révolutionnaire de cabinet, dont on mesure,
sans vouloir l'exagérer, le rôle qu'il a pu
jouer dans notre drame, comment comprendre la paralysie
de notre civilisation, inhibée dans ses défenses
élémentaires, l'incapacité de notre
société à réagir ?
et comment n'y pas voir la plongée aux abimes qu'annonçait
si clairement la mort de l'Algérie française ?