Les cimetières sont bien utiles

Depuis quelques temps, la Presse et le monde politique (l’un ne va pas sans l’autre dans la République de France) se jettent goulûment sur l’existence des cimetières français d’Algérie ; les mêmes media qui ont totalement ignoré les français d’Afrique du Nord quand on prétendait honorer les combats de Provence et d’Italie dont ils étaient les premiers acteurs, qui les ont bassement insultés à cette occasion, s’aperçoivent soudain que nos cimetières là-bas, à deux ou trois exceptions près, sont en bien piètre état depuis 1962, et qu’ " il y a problème "...

Soudain tous s’avisent que les Pieds Noirs ont laissé là-bas des sépultures, qu’ils ne les ont pas oubliées, et que le sujet reste " sensible ". Et puis le président Chirac, lors de sa visite chez son excellent ami Bouteflika, avait effleuré la question avec quelques promesses à la clé….bref, la mode s’en empare ! et comme des Français d’Algérie organisent, à titre privé, des visites sur place, là, quelle sollicitude ! articles et reportages se succèdent, mais toujours avec l’art consommé du mensonge qui fait le charme de la presse française : à commencer par la présentation du " retour " des Pieds Noirs comme une nouveauté, le but étant évidemment de faire croire que le réchauffement des relations politiques avec les Barbaresques a des effets immédiats et bénéfiques ; et de présenter l’accueil chaleureux fait à ces " nouveaux " visiteurs comme une chose précédemment impensable ; et de sciemment falsifier les propos tenus par un responsable d’association en lui faisant dire que les cimetières n’ont pas été profanés mais sont victimes de " l’érosion " ( sic) du temps…et il serait du dernier mauvais goût de poser la question qui vient aux lèvres : pourquoi un graffiti sur une tombe musulmane ou juive en France fait-il plus de bruit que mille tombes chrétiennes violées en Algérie ?

Le pompon revient au Figaro, qui, renchérissant sur un papier de l’AFP, présente ce prétendu rush comme se faisant en dépit des associations, présentées comme proches de l’extrême droite et   allant jusqu’à des expéditions punitives contre des immigrés algériens " ! le signataire (Aït Arbi, un orfèvre de la diffamation) de l’article serait bien en peine de citer un seul exemple et n’en a cure, l’impunité étant assurée lorsqu’il s’agit de nous diffamer... L’AFP, quant à elle, s’était contentée d’écrire que ces visites au pays se faisaient " en bravant le discours aigri des associations ". Pour Nice-Matin, premier responsable du canard sur l’ " érosion " des cimetières, on joue plutôt sur la corde sentimentale, en se targuant avec une hypocrisie consommée de ne pas aborder le domaine politique…propos tronqués, récits censurés, attendrissements reconstitués, fournissent une bonne dizaine de pages de copie dans le genre " enfants de tous pays etc. " , avec volés dans les bras des voleurs, cocus heureux de l’être etc.; rendons lui justice tout de même d’avoir publié une photo d’une tombe vandalisée (une seule, en passant vite, mais enfin….). Le tout est épicé des démêlés verbaux de l’adjointe aux rapatriés de Marseille avec le président du Conseil Général des BdR.. 

La vérité, on la connaît : l’immense majorité des cimetières français d’Algérie a été profanée, pillée, vandalisée, voire effacée de la carte, les restes mortuaires ayant même parfois servi à des rites de sorcellerie maraboutique reparus depuis que le pays est si heureusement sorti de la " nuit coloniale "… le fait est bien connu de la représentation française sur place et a été dénoncé par la presse algérienne elle même à plusieurs reprises .Il n’a pas été ignoré ici et une association a mené avec une ténacité digne de tous les éloges le combat de longue haleine, plus de dix ans maintenant, sans lequel la question serait, elle, enterrée définitivement depuis longtemps déjà ; c’est l’ASCA, aidée, il est juste de le relever, par le conseil général des BdR et par l’ambassade de France à Alger. Elle travaille à la réhabilitation, dans tous les sens du terme, de ces cimetières lorsqu’ils existent encore. Une autre association, récemment née aussi à l’initiative privée d’un industriel Pieds-Noirs, vient de se créer dans le même but, dans une démarche différente, hélas affectée de la malencontreuse appellation de " France-Maghreb "….tout cela n’ayant rien à voir avec les mamours politiques de nos présidents ou de leurs peu glorieux ministres…

La vérité, c’est aussi que les Français ont toujours pu retourner sur place s'ils le voulaient et qu’ils ont toujours été accueillis chaleureusement sans que les autorités s’en mêlent. Et encore, que pendant des décennies, le problème a été renvoyé aux familles sous prétexte de l’application de la Loi, comme s’il s’agissait de Romorantin ou de Bécon les bruyères...

Mais maintenant, ô miracle, " les Pieds-Noirs reviennent " ! Tout le monde n’est-il pas content ? grâce à la géniale politique de notre gouvernement et à la mansuétude du grand Barbaresque, on va pouvoir réconcilier les morts avec les vivants, et prouver à l’univers admiratif que l’Algérie est un grand pays civilisé, comme la France qui traite ses " rapatriés " avec tant de bonté……et puis, faut bien que les affaires marchent ! la discrète publicité pour l’agence de voyage algérienne organisatrice des retrouvailles, accompagnant les articles de presse n’est là que pour nous servir, rassurons nous, comme les embrassades ennamourées de notre ministre des Armées, si utiles au petit commerce...

D’ailleurs, la presse algérienne, toujours attentive, s’est indignée que des Pieds Noirs spoliés, qui n’attendent pourtant que depuis quarante deux ans, déposent une plainte au Tribunal international contre l’Algérie juste à ce moment . Salauds de pauvres ! Alors que même les morts venaient de voter pour l’indépendance de l’Algérie...

Oui, décidément, il y a des cimetières qui sont bien utiles !

M. LAGROT

Responsable CVR

 


En complément informatif (de la rédaction)

Mis en page le 28/09/2004 par RP