Présent mercredi
13 mai 2009
Vous avez dit « mère-patrie
» ?
Dans la brume historique avec
un soldat oublié
J'étais là
devant mon écran, absorbé dans mes pensées,
regardant distraitement cette revue navale qu'une heureuse avarie
avait amputée, de la présence de ce porte-avions au
nom funeste, lorsque juste à la fin de l'énoncé
d'une plaidoirie de bar du port en faveur des valeurs de la République
et de la démocratie («ne l'appelez plus jamais France!»)
une fumée grise m'enveloppa, me laissant croire un instant
que mon poste, las de transmettre tant de contrevérités,
piquetées de silences coupables,
se consumait et retrouvait son honneur. C'est alors qu'un visage
m'apparut, empreint de douceur... Un seul visage, mais une double
image: celle d'un militaire du rang, dont l'uniforme, trahissait
plus qu'il ne cachait la fragilité juvénile ; et celle
d'un chef scout, en uniforme d'avant. Aussi frêle, mais bien
dans sa peau. Un visage ? Un regard, profond, fenêtre d'une
âme déjà tournée vers l'au-delà.
Issu
de Malte, cet enfant d'Alger m'aidait, dans tout mon jeune âge,
à apprendre l'histoire de France, tout en vivant l'histoire
de l'Eglise. Il m'avait parlé une fois des Petits Frères
du Père de Foucauld, au fin fond du Sahara. Je crois qu'il
se préparait à les rejoindre un jour, Mais il y avait
la guerre. Son engagement au sein des Scouts de France de notre
paroisse Saint-Augustin l'avait conduit à s'engager
en 1943, à pas encore19 ans. Sa santé fragile avait
failli le faire écarter, mais on avait besoin d'hommes. Et
la dernière fois que je le vis, ce fut pour son départ
avec son régiment, le 5e Chasseurs d'Afrique, dans 1e quartier
algérois du Champ de Manoeuvres. Un
jour d'avril 1945, on vint me chercher à l'école Dordor,
et l'on m'expliqua que le Bon Dieu avait appelé à
Lui mon grand cousin Jean. Trois semaines après, c'était
la fin de la guerre. Et il fallut attendre longtemps, longtemps,
pour voir son cercueil, ramené de France. Celui qui aurait
eu une parole d'aigreur à l'encontre de ce pays aurait été
considéré comme un blasphémateur. Il n'y avait
place pour rien d'autre que la douleur, la foi et l'honneur.
Jean,
soldat oublié des discours officiels, sais-tu que tu t'étais
battu vaillamment et que tu es mort pour la France, ce qui est inscrit
sur ta citation à l'Ordre de l'armée. « Comme si elle avait été
ta mère-patrie » ?
Pierre Dimech
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