La
Maison Indigène à Alger
ou
La
maison Claro
ou
" Voir sans être vu "
Pour
" le Centenaire " et la postérité.
" Sur
proposition de M.Brunel, Maire dAlger, le conseil supérieur
du Centenaire a pensé quil serait bon de construire à
Alger une maison constituant la reproduction exacte (autant quil
se peut) dune habitation indigène en 1830.
Des précédents existaient en France ( métropolitaine) :
une maison " alsacienne " a été
construite à Strasbourg ; une maison " provençale "
dans le Midi.
La
proposition ayant été adoptée la réalisation
du projet fut confié à M.Léon Claro, architecte
diplômé par le Gouvernement, professeur à lécole
des Beaux Arts, architecte des Monuments Historiques de lAlgérie.
Les entrepreneurs furent : MM.Paul Picquot, pour la maçonnerie,
Marsali Mustapha pour la menuiserie.
La
Maison Indigène est située au centre de la Place dEstrées
sur lemplacement dun ancien marché, dont laspect
sordide avait déjà provoqué, de la part de la
commission municipale des marchés, le vote dun crédit
destiné au nettoiement et à laménagement
de la place.
La
Maison Indigène est la reproduction des maisons que lon
rencontre en plein cur de la Casbah, ou plutôt, elle a
emprunté à chacune delles les détails caractéristiques
quelle pouvait posséder. La construction est donc une
Maison-type. On la bâtie en observant aussi soigneusement
que possible les pratiques des maâllems.
La
caractéristique essentielle est la cour intérieure,
entourée de portiques, desservant des chambres et des escaliers.
Un
petit vestibule carré précède une " sqifa "
de forme allongée ; le vestibule et la sqifa sont couverts
par une voûte darête. Sur lun des côtés
de la sqifa, dans lépaisseur du mur, sont aménagés
des arceaux portés par des colonnettes doubles qui reposent
sur des bancs de marbre. La blancheur de celui-ci contraste agréablement
avec de fort jolies faïences de couleur. A lextrémité,
cette sqifa est éclairée par une courette qui rappelle
les premiers impluviums. Un passage voûté conduit de
la sqifa à la cour intérieure. Autour de la cour sensiblement
carrée, six colonnes de pierre supportent des arcs en fer-à-cheval
brisé, enjolivés de bandes de faïence dorigine
italienne.
Sur
la cour, centre de la maison, souvrent les portes des chambres,
dont les murs sont percés de niches fermées par des
volets de bois. Des losanges et des rosaces ornent ces volets.
Les
plafonds des galeries et des chambres sont constituées par
des rondins en thuya et des solives en sapin recouvertes de planches.
Au milieu du mur, faisant face à lentrée de chaque
pièce se trouve un " défoncement "
fortement accusé en façade par un " encorbellement "
que soutiennent des moulures et des contrefiches. Les rondins formant
solives sont ainsi soulagés. Il est à noter que ces
encorbellements sont caractéristiques de la Maison Indigène
dAlger ; leffet qui en résulte en façade
nest pas moins typique . Les voûtes darête
et les coupolettes se rencontrent dans lescalier ainsi que dans
les niches surmontées dune étagère en forme
darc aplati. Ce sont les seuls ornements de la maison avec les
revêtements de faïences. Il faut ajouter les claustras
de plâtre ajouré derrière lequel des verres de
couleur font jouer la lumière.
Le
sol est partout recouvert de dalles de marbre ou de carreaux de faïence,
dorigine italienne, hispano-sicilienne, tunisienne ou espagnole.
Ces faïences recouvrent également les murs et renferment
tout une nomenclature quil est intéressant détudier
au double point de vue de la couleur et du dessin. La Maison Indigène
de la Place dEstrées est dailleurs particulièrement
riche en carreaux, puisquon y voit des sujets aussi variés
que peuvent lêtre lillet, la tomate, létoile
de mer et toutes les scènes que présentent les carreaux
hispano-siciliens, paysages en miniature et bateaux à voiles.
Aucune
fenêtre nouvre sur lextérieur, à lexception
toutefois de celles éclairant le logement du gardien, au-dessus
de la sqifa.
Mais
on sait que les Indigènes ont lhabitude, pour satisfaire
leur curiosité, de percer de petits trous dans la muraille.
Aussi a-t-on aménagé, de point en point sur le flanc
ou sur la face des niches, de petites ouvertures. Les chambres sont
aérées par des fenêtres carrées barraudées,
prenant jour sur les galeries. A lintérieur ces fenêtres
sont garnies de volet en bois ouvragé et surmontées
dune étagère cintrée. Au-dessus de celle-ci
se trouve quelquefois une claustra.
Lordonnance
des pleins et des vides nest dailleurs jamais régulière
et il est difficile de saisir dans la composition un axe fixe. Lirrégularité,
la dissymétrie et lexcentricité naturelle sont
les caractéristiques de cette architecture dont les accidents
et la hardiesses créent loriginalité et le charme.
Des jardins clos plantés de figuiers, de lauriers rose et de
fleurs aux couleurs vives, comme les aiment les Arabes , entourent
la maison. Celle-ci sépare lancienne place en deux jardins :
lun est réservé aux hommes, lautre aux femmes.
Cest pour cela quil y a deux portes daccès
au lieu dune seule. Les jardins sont limités sur la rue
de la Casbah par des boutiques.
Limmeuble
situé au point culminant de la casbah offre aux Indigènes
et aux touristes un abri tranquille et ombragé, contraste agréable
après lascension des ruelles et des impasses obscures.
Un grand
merci à monsieur Claro pour son uvre et à son
élève Michel Lagrot pour nous avoir donné loccasion
de rappeler ce quétait la Maison Indigène du Centenaire.
Théo BRUAND d'UZELLE
(Cercle Algéraniste de Lons le Saulnier)