Pour bien préparer
l'émission " INFRAROUGE"
La bataille d'Alger
diffusée sur la chaine nationale Antenne2,
le jeudi 11 janvier 2007 à 23H00
1- L'Echo
d'Alger du 30-1er octobre 1956
2- Opinion d'une victime
2- Témoignage
oral d'une victime
4-Témoignage de M. Marc Desaphy,
(Valeurs actuelles du 25 août 2006)
L'attentat du
Milk-Bar à Alger
Le 30 septembre, éclataient
à Alger deux bombes posées par le F.L.N. Marc Desaphy
fut une des victimes...
J'étais en Algérie
depuis le 11 mars 1956. Je servais en qualité de sergent
à la 60e CTAP sous les ordres du capitaine Egé.
Cette unité était stationnée à Hydra,
sur les hauteurs d'Alger, au siège de la 10ème division
parachutistes aux ordres du général Massu.
Le 26 juillet, éclate la nouvelle
de la nationalisation par Nasser du canal de Suez. Très
rapidement, nous sommes informés que trois régiments
parachutistes sont en alerte. La compagnie de quartier general,
la compagnie de transmission, les services médicaux et
les autres vont désigner les détachements concernés
qui doivent se préparer en vue du départ. Nous allons
recevoir des renforts en matériels, notamment des véhicules.
Désigné pour partir avec la fonction de trésorier
du détachement, je reçois une Jeep en charge. La
préparation en août et en septembre est intensive.
Entraînements d'embarquement et de débarquement sur
les barges LCT, sauts en parachute, en mer ou au sol, exercices
de conduite en convoi plus de cent véhicules à la
queue leu leu.
Le dimanche matin 30 septembre, a
lieu l'un de ces exercices de conduite en convoi qui nous mène
à Blida - environ quarante kilomètres - et retour
sur Hydra. A midi, le commandement fait savoir qu'il y aura des
autorisations de sortie pour l'après-midi. Je décide
d'aller à la piscine du Rua à Alger, en compagnie
d'une jeune fille d'Hydra. Pour accéder à cette
piscine en pleine mer, il faut emprunter un bateau navette. Après
la baignade, vers 17h30, nous sortons arpenter la rue d'Isly.
Nous entrons au Milk-Bar et nous nous installons debout au comptoir.
En entrant, j'aperçois un camarade de ma compagnie, le
sergent Paul M., attablé seul. Il rentre de la plage
et déguste une glace.
-À 18h30, c'est l'explosion-
Je réagis immédiatement
et réussis à me traîner, en rampant vers l'extérieur
sur le trottoir... mon pied gauche dans la main droite ! Je le
reconnais à la couleur de la chaussette... J'essaie de
me confectionner un garrot, mais les morceaux de tissu de ma chemise
en lambeaux n'y résistent pas. J'exerce une forte pression
avec les deux mains pour tenter d'arrêter le sang qui gicle.
Je vois alors arriver vers moi, un capitaine de la Légion
étrangère, qui retire sa cravate verte pour m'en
faire un garrot au-dessus du genou de la jambe gauche. Instantanément,
le sang s'arrête de gicler. J'explique que je suis militaire,
ce qui ne se voit plus : mes vêtements sont en lambeaux.
Immédiatement, des véhicules
militaires convergent vers le lieu de l'explosion, des véhicules
civils sont réquisitionnés. Je retrouverai plus
tard le capitaine Vitasse. Il commandait la compagnie de QG de
la 10ème DP. Il était de service ce jour-là
au commandement de la Xe région militaire, place Bugeaud.
Ce 30 septembre, en fin d'après-midi, il s'active à
organiser l'évacuation des
blessés vers les hôpitaux et cliniques de la ville.
Pour l'heure, on m'installe sur le siège avant d'une Jeep,
tenant toujours mon pied gauche à la main. Une femme est
couchée sur le siège arrière du véhicule.
Elle gémira tout au long du transport vers l'hôpital
militaire Maillot d'Alger.
Le chauffeur se trompe d'itinéraire.
Deux fois, je dois lui indiquer la route. Nous entrons dans la
cour de l'hôpital. Enfin, nous allons être soignés.
Mais non, je dois attendre : la femme qui est dans la Jeep est
plus atteinte que moi, son état nécessite une prise
en charge immédiate. Je m'entends encore dire : - Galanterie
française : les femmes d'abord. les hommes ensuite ! Mais
dépêchez-vous... - Nous étions dimanche soir,
il n'y avait qu'un chirurgien de garde. Il fallait laisser le
temps aux renforts d'arriver.
Dans ma douleur, je m'étais
pris à croire au miracle. Je me dis: « J'ai été
transporté rapidement à l'hôpital, mon pied
gauche est là, près de moi. Le garrot a produit
son effet, le chirurgien va pouvoir greffer artère, veine.
nerfs, tendons. Le surlendemain, quand je refais surface, mon
premier geste est de passer les mains sur ma jambe gauche : un
grand vide après le genou et, sur le mollet de la jambe
droite. un énorme pansement. Je suis quasiment sourd :
la violence du souffle de la déflagration a fait éclater
les deux tympans. Je ne récupérerai jamais totalement
mon audition.
Je partage ma chambre avec deux camarades.
qui ne se relèvent pas de blessures de guerre, et le sergent
Paul M., qui était au Milk-Bar en même temps
que moi. Lui aussi a dû être amputé d'une jambe.
Tout comme la jeune fille qui était avec moi, transportée
dans une clinique privée.
Quelques jours après la tragédie,
nous recevons la visite de Mme Massu - Je viens vous apporter,
de la part du général, des souhaits de réconfort
et de prompt rétablissement. Qu'est-ce qui vous ferait
plaisir ? - Du champagne, madame, pour fêter ce moment :
nous sommes encore en vie ! « Tu es gonflé ! »
me dit mon camarade. J'étais encore sous le choc des blessures,
morales et physiques, et de l'anesthésie. Un moment après,
Mme Massu revient avec du champagne et cinq verres. Elle débouche
la bouteille et en offre un verre aux quatre blessés. Nous
trinquons à notre guérison, à notre remise
sur pied. Un seul pied, pour Paul et pour moi.
Quelques jours plus tard, c'est le
général Massu qui nous rend visite. Il venait voir
ses soldats blessés, comme tout grand patron qui aime ses
hommes. Prévenu au dernier moment. j'avais eu, cependant,
le temps de penser à une question. Après ses souhaits
de prompt rétablissement, je lui demande s'il nous remet
une décoration, à mon camarade et à moi même.
Devant sa stupéfaction, je reprends , « - Dès
lors que vous ne nous décorez pas, c'est que nous allons
nous en sortir ». Qui ne se souvient avoir vu, dans
de telles circonstances, des remises de décorations et,
hélas, le lendemain ou les jours suivants, l'annonce du
décès du décoré ! Ne pas être
décorés était pour nous la garantie que nos
vies n'étaient plus en danger ! Après avoir
exprimé mes regrets de ne pouvoir partir pour Suez, après
toute la préparation effectuée, je précise
: - «Si je peux encore servir après mon rétablissement
dans un emploi en rapport avec mon handicap, sachez que je serai
volontaire ! »-
L'attentats du Milk-Bar et de la Cafétéria,
perpétrés le même jour par le FLN, firent
trois morts et des dizaines de blessés,dont plusieurs durent
être amputés.
Le sergent Marc Desaphy, 24 ans, en
1956, perdra une jambe dans l'attentat perpétré
par les poseuses de bombes du FLN. En 1957, il est mis à
la disposition de la Maison des Jeunes une œuvre sociale
créée par Mme Massu à Bab-el-Oued.