MOSQUÉES
et ÉGLISES en ALGÉRIE
On entend souvent
dire que, à leur arrivée à Alger en 1830, les Français
se sont empressés de convertir toutes les mosquées existantes
en églises. Le fait que la Mosquée de la Pêcherie,
construite vers 1660, et que la Grande Mosquée, qui, elle, remonte
au XIème siècle, n'ont jamais cessé de servir de
lieu de culte musulman peut laisser penser que cette affirmation est
sans doute un peu hâtive. Et une étude de ces faits permettrait
sans doute de préciser les choses.
Il faut savoir que les
Sunnites, se divisent en quatre écoles de droit, qu'on appelle
souvent rites. Car cela peut avoir, entre autres, une influence sur
la façon de prier (par exemple, la position des mains au début
de la prière). L'énorme majorité des Musulmans
d'Afrique du Nord suit le rite Malékite, sauf, bien sûr
les Mozabites. Mais, ce ne sont pas des Sunnites. Par contre, les Turcs
étaient et sont toujours de rite Hanéfite. Et chaque rite
a ses propres mosquées.

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Alger - Statue du Duc d'Orléans
et Mosquée Djemaa Djedid
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Alger - Rue de la Marine et Mosquée
Djemaa Kebir
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A 1'époque de la
Régence d'Alger, le peuple des autochtones était donc
Malékite, et avait ses mosquées. Et les Janissaires, élevés
dans la tradition Turque, étaient Hanéfites, et avaient
les leurs. Après la chute d'Alger en Juillet 1830, le Dey s'en
alla, et il fut accompagné par la totalité de ses Janissaires
(Hanéfites) qui vendirent leurs biens, et abandonnèrent
leurs mosquées. Et les Malékites en furent bien embarrassés.
Car elles n'avaient plus les fidèles qui venaient y prier, et
assuraient leur entretien et les frais de leur fonctionnement.
Aussi, lorsque les Français
en demandèrent une, les Malékites ne se firent prier que
le strict nécessaire pour que le cadeau eût un prix raisonnable.
Ils cédèrent, comme par hasard la Ketchaoua, celle qui
jouxtait le Palais d'Hiver, résidence en ville du Dey à
l'époque où sa vie n'était pas menacée,
et de l'administration turque, (le Divan), puis française.

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Alger - Cathédrale Saint-Philippe
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Alger - Notre-Dame des Victoires
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Mais il restait d'autres
mosquées hanéfites à Alger et dans sa très
proche banlieue. Il y avait celle qu'on appelait Ali Bitchnin, en bas
de la Vieille Ville. Puis, il y avait celle qui jouxtait la forteresse
de la Kasbah, Djemaa Kasbah Barani, puis, celle qui se trouvait tout
contre le Palais d'Été du Dey, dans le quartier de Mustapha
Supérieur. Et il y avait, entre la vieille ville et le port,
la Djemaa el Djedid, pour nous la Mosquée de la Pêcherie
Tout naturellement, parmi
ces mosquées, trois suivirent le même sort que celui de
la nouvelle église Saint Philippe, ex Ketchaoua. La mosquée
Ali Bitchnin devint l'église Notre Dame des Victoires, rue Bab
el Oued. Celle qui jouxtait la forteresse de la Kasbah, Djemaa Kasbah
Barani, devint l'église Sainte Croix. Et enfin, la troisième
fut appelée Notre Dame de Mustapha Supérieur. La mosquée
de la Pêcherie resta mosquée, mais son minaret fut, très
vite orné d'une horloge, pour donner l'heure aux flâneurs
de la Place du Gouvernement et au Duc d'Orléans, qui s'en souciaient
peu, et plus tard, aux trams des C.F.R.A, dont le terminus se trouvait
juste à côté.
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Alger - Eglise Sainte-Marie à
Mustapha supérieur
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Alger - Eglise Sainte-Croix
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Et, lorsque, en 1837,
Constantine tomba aux mains des Français, tout naturellement,
la mosquée hanéfite qui se trouvait entre la rue Caraman
et la Place du Palais, tout contre Dar el Hamra, palais du Bey de Constantine,
fut elle aussi récupérée par les Français
pour en faire une église, la future cathédrale de Constantine

Constantine - La Cathédrale
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Constantine - Intérieur de
la Cathédrale
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Alors, les Français
ont bien transformé des mosquées en églises. Oui,
presque toutes, mais presque toutes les mosquées hanéfites,
et seulement ces cinq là. Et ils ont laissé la mosquée
de la Pêcherie au culte musulman !!!
Mais, pour comprendre
ce point d'histoire, il faut savoir que les Musulmans d'Algérie
sont de rite Malékite, et les Turcs, donc les janissaires, de
rite Hanéfite.
Maurice BEL.
Nota: Barani veut dire
" Étranger ". Doit-on comprendre " paysans ",
ou plutôt " Turcs " ?
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