MEMOIRE

Nice-Matin du 21/05/2006

Pieds-Noirs ou la culture du souvenir d'un là-bas perdu

Les Journées de rencontres des Français d'AFN ont été organisées pour témoigner, une fois encore de l'œuvre des pieds-noirs en Algérie et de leur apport à la Métropole

»0n dira que ce fut un coup de Sirocco. Comme là-bas. Pour faire plus vrai.

Invité surprise hier des Journées nationales de rencontre des Français d'Afrique du nord et des Anciens coinbattants, le vent à fait s'envoler les assiettes à l'heure de la paëlla. Pas les illusions, depuis longtemps dans les limbes du désespoir. Et pas les souvenirs, chevillés à l'âme du peuple rapatrié.

Ce sont ces souvenirs que les organisateurs de ces deux jours comme là-bas, dont la Maison du Pieds-Noirs et de ses amis de Cagnes-sur-Mer animée par Gabriel Anglade, ont voulu faire revivre jusqu'à ce soir sur l'esplanade du MIN.

Le projet était ambitieux après une longue parenthèse - la dernière édition ayant eu lieu en 2002 à l'hippodrome - et avant le 45ème anniversaire du plus grand exode des temps modernes, anniversaire dont on ne sait pas encore la forme qu'il prendra. On peut être Pieds-Noirs et pas d'accord...

Sous la tente de l'Espace Albert-Camus, un concentré de la diversité du peuple Pieds-Noirs s'expose aux côtés des œuvres innocemment nostalgiques des artistes d'Alger, Sétif, Oran ou Mostaganem, céramiques, bijoux et tableaux couleur sable...

Le Parti Pied-Noir de Christian Schembré fait sa campagne ; les pin's de l'OAS ou du général Salan font écho aux écrits sur « les vérités historiques de l'œuvre maléfique du général de Gaulle »; les journaux des années 50-60 rappellent les heures noires et sanglantes d'une époque qui est toujours d'actualité dans le cœur des rapatriés ; les photos des disparus s'étalent ; celles des cimetières mutilés ou simplement abandonnés de tous aussi ; L'Aurore du mercredi 4 juillet 1962 proclame à sa une qui claque comme une déchirure « L'Algérie n'est plus française »...

C'est l'histoire, rien ne sert de vouloir l'occulter. Elle est adoucie par les actes d'amour dont font preuve les Pieds-Noirs envers leur terre natale: dans les allées on cherche les photos délicieusement noir et blanc, les cartes de la vieille France, celle perdue de Dunkerque à Tamanrasset, les vues des fronts de mer pour apercevoir « son » balcon.

A table, à l'heure de la kémia, on parle de là-bas, des voyages qu'il faut faire ou ne pas faire, on enseigne aux enfants et petits-enfants la beauté d'une terre où ils ont leur racine et le sentent confusément, on évoque Boutéflika, le traîté d'amitié, les erreurs commises, l'avenir, on se révèle sans se voiler la face, on n'espère plus mais on s'apaise en voulant préserver et transmettre ce qui était, pour tous, le temps de la jeunesse qui magnifie tout...

C'est tout cela qui est évoqué au MIN jusqu'à ce soir dans une ambiance de kermesse joyeuse et douloureuse à la fois. Juliana Chichmanian-Delpy, adjoint au maire de Nice, représentant Jacques Peyrat, Pieds-Noirs d'Alger, rapatriée le 30 juin 1962, a rappelé ces quelques faits et conclut : «  Je n'en dirai pas d'avantage, ça veut tout dire. Et ne me dîtes pas: je vous ai compris ». Applaudissements. Applaudissements aussi pour Christian Estrosi quand le ministre et président du conseil général, remarqua : « La France n'a pas à rougir de son histoire. »

Les pieds-noirs le savent. Et c'est leur histoire qu'ils cultivent pour qu'elle ne s'efface pas.

FRANÇOIS ROSSO

On remarquait à l'heure des discours la présence de différentes personnalités, dont les députés Jérôme Rivière et Monnet Luca, les conseillers généraux, José Calza et Jean-Auguste kart, le conseiller régional jean-Claude Frappa D'autres sont passées tout au long de la journée, d'autres sont attendues aujourd'hui.


Nice-Matin du 22/06/2006

L'invitation à l'union

Le rideau est tombé hier soir sur le rassemblement des rapatriés, organisé sur le site du MIN par la Maison du Pieds-Noirs et de ses amis de Cagnes-sur-Mer, présidée par Gabriel Anglade (Lire Nice-Matin d'hier).

Ce rassemblement, dans un contexte économique difficile, n'a peut-être pas connu l'ampleur populaire souhaitée, même si la communauté azuréenne a, elle, répondu largement présent. Il a cependant une fois encore permis de mesurer la force de l'attachement des Pieds-Noirs à leur terre natale. Cet attachement, ils l'ont manifesté en faisant étal de leur culture, de leur œuvre en Afrique du nord, de leur douleur toujours vive... Alors qu'il leur fut demandé de faire acte de pardon, au cours d'une grande et belle messe chantée, avec la participation de Danièle Salès et de la chorale l'Alliance, célébrée par l'évêque du diocèse de Nice, Mgr Sankalé, entouré des pères Garcia, Carruana et Scotto.

A l'issue de l'office, Jacques Peyrat, sénateur-maire de Nice, sut de son côté, trouver les mots pour susciter un grand ralliement. Il évoqua l'Algérie française dont il fut un partisan « jusqu'à toujours », la France actuelle du renoncement, les massacres d'Isly et d'Oran dans les oubliettes de l'histoire... Il fit huer la date du 19 mars 1962 comme marquant la fin de la guerre. Une cicatrice toujours béante

La cicatrice est toujours béante.

Le pardon semble sur une rive lointaine.
Au mieux peut-on s'attendre à la tolérance et à une vie intérieure plus apaisée. « Comment peut-on avancer avec les déclarations du président algérien » entend-on en écho.
Alors que le temps de penser aux célébrations du cinquantenaire de l'exode se rapproche, l'ensemble des responsables s'interrogent sur la façon de peser véritablement dans le débat politique. La réponse est unanime: par l'union des associations, la coordination des actions, la fin de l'éparpillement de l'engagement. La mise en place est plus difficile.

Rapprocher les moyens de la communauté

Fred Artz, président de la coordination nationale des Français d'Algérie (coordination.cnfa.free.fr) milite pour rapprocher l'ensemble des moyens de la communauté, organiser le travail des associations dont la finalité est la même, fournir la logistique nécessaire. Vaste entreprise pour cet ancien de Constantine qui proclame : « C'est à Constantine que l'on peut observer l'œuvre humaniste de la France. Aussi, nous traiter comme on le fait est intolérable ».
La conférence de Pierre Montagnon sur le rôle Positif de la France en Algérie aboutit à la même conclusion.
L'union est dans les têtes, alors que le monde Pieds-Noirs initial est appelé à rétrécir, elle doit se mettre en marche positivement.

La messe célébrée par Mgr Sankalé fut suivie par la communauté Pieds-Noirs qui avait porté au pied de l'autel, les statues de N.-D. d'Afrique et de Santa-Cruz, parmi tes symboles les plus forts de la présence française en Algérie.


Question à Gabriel Anglade Président de la maison du Pieds-Noirs de Cagnes-sur-Mer

Pourquoi ces Journées ?
Il est nécessaire, à une époque où la France cherche alors qu'elle a encore un grand avenir, de montter aux Français de Métropôle, comment nous vivions là-bas.

On mesure ici toute la diversité du monde rapatrié. Ne souffre-t-il pas de son éparpillement?
Je dirais qu'il faut réussir l'union de toutes les associations afin de peser sur les échéances futures. Sans l'union, les Pieds-Noirs ne peuvent pas réellement faire entendre leur voix.

Quel bilan tirez-vous du soir de la première journée?
Bon en dépit des conditions météo, nous avons réussi à montrer qui nous étions.

 

mis en page le 22/05/2006 par RP