La guerre d’Algérie se termina en 1962, puisque la France finit par
reconnaître l’indépendance du pays revendiquée depuis le 1er novembre
1954 par le Front de libération nationale (FLN, mais on ne peut pas
indiquer une date plus précise. En effet, la fin de cette guerre
impliquait trois critères généralement confondus, mais qui sont restés
distincts : la fin des hostilités entre le FLN et la France ;
la reconnaissance d’un Etat algérien par la France ; la formation
d’un gouvernement algérien capable d’incarner cet Etat.
La fin des hostilités entre le FLN et la France fut la
conséquence des accords d’Evian signés le 18 mars 1962 par les
représentants du gouvernement français et ceux du Gouvernement
provisoire de la République algérienne (GPRA). Ces accords
prévoyaient : la formation d’un Etat algérien au terme d’une
période transitoire de trois à six mois (durant laquelle l’Algérie
resterait gouvernée par le haut commissaire de France coopérant avec un
exécutif provisoire franco-algérien désigné d’un commun accord) ;
la formation du futur Etat par un processus démocratique
d’autodétermination garantissant les droits de tous ses habitants ;
et les principes des futures relations de coopération entre les deux
Etats. Au terme de cette période, un référendum devait créer l’Etat
algérien et ratifier en son nom les accords d’Evian. En conséquence, un
cessez-le-feu devait entrer en vigueur le 19 mars à midi.
Le gouvernement français appliqua les accords. Le 8
avril 1962, il les soumit à un référendum en métropole, qui leur donna
une ratification éclatante par une très grand majorité des électeurs
(64,8% des inscrits et 90,6% des suffrages exprimés). dès la
proclamation officielle des résultats, le 13 avril, fut installé à
Rocher Noir l’exécutif provisoire franco-algérien présidé par
Abderrahmane Farès ; et à Paris, le Premier ministre Michel Debré
démissionna le 14 et fut remplacé par Georges Pompidou, alors considéré
comme un simple exécutant de la politique du président Charles de
Gaulle. Le 15 mai, la date du référendum algérien fut avancée au 1er
juillet, et ses résultats, ratifiant massivement les accords d’Evian
(par 91,23% des inscrits et 99,72% des suffrages exprimés, furent
proclamés le 3 juillet.
Mais l’Organisation armée secrète (OAS) avait répondu à
l’annonce du cessez-le-feu en intensifiant son action violente contre le
FLN et contre les forces gouvernementales. Elle aboutit à un désastre
pour la population française d’Algérie (fusillade sanglante de la rue
d’Isly, commise par un barrage de tirailleurs contre la foule
manifestant en faveur de la population de Bab-el-Oued le 26 mars à
Alger), mais l’OAS, bien qu’affaiblie par plusieurs arrestations (dont
celle de son chef le général Salan) intensifia son action terroriste
jusqu’en juin. L’organisation d’Alger négocia des accords avec le
président de l’Exécutif provisoire et le chef des ses membres FLN
(accords Susini-MostefaI du 17 juin), mais celles d’Oranie et du
Constantinois continuèrent leur action presque jusqu’à la veille du
référendum.
Cependant le FLN profita des accords d’Evian pour
reconstituer ses forces armées et pour étendre leur autorité sur une
grande partie du pays et de sa population. L’armée française s’y opposa
jusqu’au 8 mai, puis dut y renoncer. A partir du 17 avril 1962, le FLN
déclencha une vague d’enlèvements contre la population française,
supposée complice de l’OAS, dans les agglomérations d’Alger et d’Oran,
amis aussi dans l’intérieur de ces régions. Le 14 mai la Zone autonome
d’Alger, dirigée par Si Azzedine, rompit ouvertement le cessez-le-feu en
déclenchant une série d’attentats. C’est alors que le président de
Gaulle, tout en demandant au GPRA de la désavouer, accepta l’avancement
de la date du référendum algérien au 1er juillet proposé par l’Exécutif
provisoire. D’autre part, des enlèvements et des massacres avaient été
commis après le 18 mars contre d’anciens "harkis", en violation
flagrante des clauses d’amnistie des accords d’Evian ; des tracts
de l’ALN saisis par l’armée française faisaient craindre qu’une
épuration systématique soit déclenchée après le référendum. Le respect
de ces accords par le FLN semblait de moins en moins assuré, car le
Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA), réuni à Tripoli en
mai et juin, les avait qualifiés de "plateforme néo-colonialiste", puis
s’était divisé entre les partisans du GPRA présidé par Ben Khedda et
ceux de ses opposants rassemblés dans un "Bureau politique" par Ben
Bella. Mais pourtant le référendum du 1er juillet eut lieu dans
l’enthousiasme avec la participation du FLN faisant campagne pour le
oui.
Le 3 juillet, la France reconnut l’indépendance de
l’Algérie sous l’autorité de l’Exécutif provisoire, qui devait organiser
au plus vite l’élection dune assemblée constituante souveraine ;
mais cet exécutif ne pouvait fonctionner sans l’accord du FLN, lui-même
divisé depuis l’échec du CNRA de Tripoli. Le 27 juin, les membres du
groupe FLN de l’Exécutif provisoire avaient remis leur démission au
GPRA, et le président Farès avait remis sa démission au président Ben
Khedda le 3 juillet à Alger, mais il dut rester en place pour assurer
la continuité de l’administration. En même temps une lutte pour le
pouvoir, jusqu’au bord de la guerre civile, se déclencha entre deux
coalitions issues du FLN, reconnaissant l’une le GPRA, l’autre le Bureau
politique de Ben Bella soutenu par l’Etat-major général de l’ALN (Armée
de libération nationale) du colonel Boumedienne (destitué par le GPRA
le 30 juin). Absence d’autorité incontestée et compétition pour le
pouvoir déclenchèrent de nouvelles vagues d’enlèvements et de violences
meurtrières contre des Français d’Algérie (notamment des centaines
d’enlèvements à oran le 5 juillet) et contre d’anciens "harkis". Les
troupes françaises accueillirent et transférèrent en France les
fugitifs, mais le gouvernement leur interdit de les rechercher sans
l’accord des autorités algériennes.
Cette période d’anarchie prit fin à partir de septembre,
avec l’élection d’une Assemblée constituante composée de membres du
parti unique FLN, qui reçut le 25 les pouvoirs de l’Exécutif provisoire
et du GPRA, et qui investit le 26 un gouvernement présidé par Ahmed Ben
Bella. Les enlèvements de Français diminuèrent alors, et les enlevés
furent recherchés, mais les massacres d’anciens "harkis" durèrent encore
plusieurs mois, et leur emprisonnement, sous prétexte d’assurer leur
sécurité, près de dix ans.
Les accords d’Evian, voulus par le gouvernement français
comme la "solution du bon sens", se révélèrent donc une utopie, qui
échoua à ramener une vraie paix en Algérie. Le "rapatriement" des
Français d’Algérie, et celui de "Français musulmans" (que le général de
Gaulle ne considérait pas comme de vrais Français) s’imposèrent comme
des nécessités. De Gaulle maintint aussi longtemps que possible ce qui
restait de la politique de coopération pour éviter la faillite de
l’indépendance algérienne, en espérant que la France finirait par en
bénéficier un jour.
Guy Pervillé.