A nos détracteurs...
quelques petits cadeaux que nous avons laissés en Algérie

par Gabriel Conesa - Ancien journaliste à Paris-Match
Membre du bureau du Cercle Algérianiste de Nice et des Alpes-Maritimes

 

En 1967 -5 ans après-, je débarque à Alger pour Paris-Match, et apprends que le jour même, le gouvernement donne une conférence de presse. Je m'y précipite, brûlant de curiosité. A ma gauche, parmi une vingtaine de journalistes, un homme blond de mon âge. Au bout d'un instant, il se penche vers moi... « je suis un journaliste soviétique J'ai compris que vous êtes d'ici. Dites moi la vérité : toutes ces magnifiques constructions, "ils" veulent me faire croire qu'ils les ont édifiées ».

J'étouffe un rire. « Je m'en doutais »

A la Pravda, les journalistes n'étaient aveugles que sur ce qui se passait dans leur pays, mais à l'extérieur, les mêmes yeux dans le dos.

Il partait le lendemain. Je n'eus donc pas le temps de lui expliquer qu'en 1830, quand les Français débarquèrent à Sidi-Ferruch, ils ne trouvèrent aucune route pour se rendre à Alger. Ce pays -qui n'était pas encore l'Algérie comptait suppose-t-on 10 habitants au km2, Alger sa capitale 30 000, Constantine 25 000, Bône 12 000.

Dès 1836, les militaires ont déjà tracé 400 km de routes et même créé un service de diligences autour d'Alger... Trois pénétrantes sont en même temps lancées : Alger-Laghouat, Oran-Tlemcen, Philippeville-Constantine-Biskra, un réseau qui très vite atteindra 3 500 km. Dans ce pays d'où à cause des caravanes, la roue a pratiquement disparu, la vie apparaît. En même temps des villes sortent de terre: Philippeville (1838), Orléansville et Ténès (1843).

Puis le Général Lamoricière lance la construction de Tiaret, Batna, Souk-Ahras et Aumale, et « en passant » relève Mascara, Miliana, Médéa, Blida, Cherchel, Bône, Bougie, Djidjelli ravagés par la guerre.

Le port d'Alger, agrandi en 1838, permet dès 41 une rotation régulière d'un paquebot avec Marseille en 50 heures. Dans la Mitidja, 200 Km de drainages et 2 510 hectares asséchés dès 42, rendent au prix de vies humaines, cette région abandonnée, à la culture.

A Alger, le Colonel Marengo (ex-soldat de Bonaparte) crée le jardin qui porte son nom, en même temps qu'apparaît le jardin d'essais. En 1860 Chassériau bâtit l'Opéra ; la Place du Gouvernement devient « la Place du cheval » grâce à la statue du Duc d'Orléans, et l'Hôpital Maillot voit le jour dans les jardins du Dey.

En 1830, 21% seulement des terres sont cultivées. En 1954, les Algériens possèdent l0 millions d'hectares dont la moitié arables, et les Européens 2.750.000, les meilleures souvent arrachées à la malaria par leurs ancêtres. En 1890, le frère Clément invente l'incomparable primeur, ma clémentine. En revanche les forêts sont dans un état désastreux à cause des charbonniers espagnols et surtout des chèvres.

On élève 17 barrages (plus de petites retenues d'eau) qui capteront 800 millions de M3 et donneront 3 milliards de Kw/h en 1968.

Tout cela est évidemment relié par 8 447km de voies, prolongées jusqu'au Maroc et en Tunisie. La France creuse 23 ports, élève une gare maritime et, en 1954 Alger est le 3ème port français pour les passagers. Les aéroports se multiplient, si bien qu'à la même date l0% de la population voyage communément par avion sur l00 liaisons hebdomadaires avec ce qui est encore « la métropole ».

Abrégeons : 829 bureaux de poste et 1500 facteurs se chargent du courrier ; 117 000 téléphones sont posés et les chèques postaux brassent 20 milliards de francs. Et l'enseignement ? En 1835 le grand Lycée, notre cher Bugeaud ne comptait que l0 élèves ! En 1909 une université ouvre ses portes ; en médecine elle deviendra une des plus réputées de France.

Je n'en jette plus ; si mon confrère soviétique trop brièvement croisé, avait eu le loisir de tout visiter, peut-être aurait il eu honte de rentrer chez lui...

Barrage de Bou-Hanifia
Barrage du Ghrib

Crédit: Plaquette "2 jours comme Là-bas" Nice les 21 et 22 mai 2006

mis en page le 23/05/2006 par RP