« Honneur
à
Maillot, Laveran et aux frères Sergent »
par Fernand Destaing - Doyen de nos professeurs de médecine
Le Maréchal Bugeaud, le plus illustre des
Gouverneurs généraux de l'Algérie, n'était
pas seulement célèbre par sa casquette, mais aussi
par sa devise « l'Algérie sera conquise par
l'épée et la charrue ». Gloire donc aux
soldats français et aux colons, ces « maudits colons
» un million selon jean Paul Sartre, 12 en vérité
comme l'a écrit Germaine Tillon, dont 7000 possédaient
moins de 10 hectares.
Gloire aux médecins, sans lesquels les
soldats et les colons n'auraient pu accomplir leur tâche dans
cette Algérie insalubre, sous occupation turque depuis trois
siècles où vivaient trois millions de musulmans sans
histoire... le passé est mort (elle fat mat) et fatalistes
(mektoub).

Salle d'Honneur de l'Hôpital Maillot (Alger)
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 Hôpital
Militaire de Constantine
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La Mitidja et la plaine de Bône étaient
des foyers de fièvres. Dans les contingents militaires, un
tiers seulement était disponible; chez les civils, il en
mourait un sur dix, à un sur quinze vers 1840. Or, la plupart
de ces malades étaient des fiévreux. Sur 50 266
morts enregistrés entre 1830 et 1840, on n'en comptait que
1995 tués par l'ennemi. Et plus de 90 % étaient emportés
par la maladie. Dans la Mitidja, 90% de ces malades étaient
des fiévreux, parmi les fiévreux, 8 à 9 sur
10 étaient des paludéens. Comme l'a écrit le
journaliste Desjobert « le champ de bataille c'était
l'hôpital, l'ennemi, le paludisme »
Honneur donc à Maillot, jeune militaire
de 30 ans qui, dans la plaine de Bône imposa la quinine, car
sur 5 500 soldats de garnison, 4 000 étaient déjà
passés à l'hôpital pour fièvre. Avec
Maillot ce fut « l'orgie quinine » non pas à
0,20g ou 0,30g mais à des doses dix fois plus fortes, 2 à
3 g par jour. Maillot venait de découvrir le traitement du
paludisme !
Honneur à Laveran qui, 50 ans plus tard, en 1880 à
Constantine, chez un soldat du train des équipages remarqua
au microscope, au milieu des globules rouges ou hématies,
des filaments mobiles qui disparaissaient après le traitement
par la quinine. il venait de découvrir le parasite du paludisme,
l'hématozoaire, mais dût attendre jusqu'en 1907, le
prix Nobel...
Honneur aussi à l'Anglais Ronald Ross qui,
en 1898 à Calcutta, aux Indes, démontra que cet hématozoaire
était transmis par un moustique, plus précisément
par la femelle de l'anophèle qui, avide de sang au moment
de la reproduction, pique l'homme entre le coucher et le lever du
soleil. Qu'elle pique un paludéen et deux semaines plus tard,
un bien portant, elle inocule à ce dernier les hématozoaires
du premier ... non sans avoir injecté au préalable
un peu d'anesthésique, pour pomper tranquillement son sang.
Honneur
aux frères Sergent de l'Institut Pasteur d'Alger, installés
en pleine région malsaine, à Birtouta, au coeur de
la Mitidja où ils allaient intensifier la lutte contre l'anophèle.
Capture dans les étangs et les flaques d'eau, grillages aux
fenêtres et moustiquaires autour des lits, guerre aux larves
surtout, par le pétrole pour les asphyxier dans toutes les
eux stagnantes et avec des gambouses, ces petits poissons qui en
sont très friands, par des travaux de focardage et de colmatage
dans les oueds... et la Mitidja devint fertile, même à
la Réghaïa, à l'Alma et à l'Oued Djer,
tandis qu'on perçait la colline pour évacuer le lac
de Montebello jusqu'à la mer. On imposa encore la quinine
préventive journalière, une dragée rose à
0,20g, distribuée sur tous les marchés comme à
la table des cafés.
L'uvre fut immense, les résultats
impressionnants, les jugements définitifs. Le médecin
avait été avec le soldat et le colon, un des trois
fers de lance de la conquête.
Sans Maillot, sans Laveran, sans les frères
Sergent, il n'y aurait pas eu d'Algérie française.
En terre d'Afrique, pourra dire un jour Lyautey « un toubib
vaut un bataillon ». Bettarel médecin des hôpitaux,
pourra bientôt compléter la devise de Bugeaud «
L'Algérie a été conquise par l'épée,
par la charrue... et par la quinine ».
Et le maréchal Franchet d'Espérey
pourra lancer aux fêtes du centenaire en 1930, « la
lutte contre la malaria aura été le chef-d'uvre
colonial en Algérie ».
Lorsque nous l'avons quittée en 1962, nous
pouvions affirmer que le paludisme n'était plus un fléau,
seulement un souvenir...
Crédit: Plaquette "2
jours comme Là-bas" Nice les 21 et 22 mai 2006

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