« Comment nous avons construit mon village de colonisation,
Ras El Aïoun... »

par Edmond Rosa - Docteur en médecine
Membre du bureau du Cercle Algérianiste de Nice et des Alpes-Maritimes

 

 

  Ras El Aïoun signifie « la tête des sources », mais aucun pied noir ne saurait dire où se trouvait cette tête. En gros, elle se situait à mi-chemin entre Sétif et Batna, le vrai bled ! Mais son avantage était évidemment qu'il était riche en eau, ce que les populations chaouias des environs connaissaient depuis longtemps.

  En 1909, le sous-préfet de Batna décide la construction d'un village. C'est un entrepreneur italien, Guido Canava, qui obtient la concession.

  Aussitôt, avec ses maçons Adolphe Canova, Guido Gibelo, Romildo Rosa mon père et Ruggero, il s'attaque à l'édification d'un long bâtiment divisé en petits appartements destinés à abriter les familles, deux chiens de chasse pour les jours de repos, et un vélo pour les « déplacements rapides ». Ni église, ni électricité... un seul médecin, le Docteur Demouzon résidant à Corneille à 25 km ne vient que le jour du marché.

  En 1912, l'eau coulant enfin de 4 fontaines, chacun de ces pionniers obtient une petite concession agricole sur laquelle il s'empresse d'élever sa maison ; et c'est ainsi qu'en septembre 1922, je suis né dans « ma maison ».

  La malaria, cette plaie des époques héroïques de l'Algérie faisait des ravages, et emporta même un bébé de huit mois. Le Dr Demouzon initia heureusement mon père à faire des piqûres intramusculaires de quinine dans les fesses de tout le village. Malgré cette vie plus que spartiate -et peut-être pour cela-, les relations humaines étaient excellentes entre les habitants.

  Louis Nuer assumait la fonction de maire, Cancelieri notre premier garde-champêtre mourut presque centenaire, pendant que son épouse devenait institutrice. Il ne manquait qu'un lieu de rencontre... il ne tarda plus avec l'ouverture du « Bar des amis », le bien nommé, par la famille Millet. L'autobus de Sétif s'y arrêtait et apportait chaque jour le courrier pour le sommaire bureau de poste tenu par un breton, M. Ansquer.

  Quand Napoléon III visita la région en 1865, on lui présenta la princesse Dahika qui s'était dès le début ralliée à la France avec sa tribu. Il lui fit construire une superbe demeure par le Génie militaire.

   Quand l'électricité parvint à Ras El Aïoun en 1950, c'était presque inespéré dans ce village qui reste dans la mémoire de tous ces habitants comme un lien d'amitié et de fraternité, ce qui a dû être le cas partout dans cette civilisation si décriée aujourd'hui.

 

Crédit: Plaquette "2 jours comme Là-bas" Nice les 21 et 22 mai 2006

mis en page le 23/05/2006 par RP