Les célébrités
du ravin de la Femme Sauvage:
Jean Baptiste Pons
L'histoire
de ce mahonnais, qui défraya la chronique en 1905, fut immortalisée
par plusieurs cartes postales
Jean-Baptiste
PONS était propriétaire d'un lopin de terre au ravin de la
Femme Sauvage à Kouba où il avait construit une modeste maison
et s'y était installé avec sa famille. Comme la plupart des
mahonnais à cette époque il vivait de son bancalette
, travaillait son lopin de vigne et vendait ses légumes.
Un matin, il se leva et annonça que, dans
son sommeil, une voix lui avait annoncé que le trésor de Barberousse
était enfui dans son terrain Aussitôt, il s'arma de pelles
et de pioches et retourna entièrement sa terre, creusant des tranchées
et saccageant l'ensemble de ses plantations sous le regard médusé
de sa famille
Une
nuit, un convoi d'ânes prépose au ramassage des ordures ménagères
dans Alger passa devant sa propriété mais ne repassa point
les nuits suivantes. Jean-Baptiste Pons en conclut que les ânes lui
avaient tout simplement volé son trésor. Il remit en état
son jardin et retourna à ses légumes
Jean-Baptiste
Pons avait parait-il un don de guérisseur. Il I'exerça sur
le curé d'Hussein Dey, lui aussi mahonnais, et ce dernier guéri
se chargea de lui faire de la publicité. Chaque jour il recevait
des malades et se consacrait de moins en moins à son jardin quand
un matin il annonça qu'il avait vu le Christ sur un nuage.
Le
brave curé d'Hussein-Dey se chargea de faire connaître la nouvelle
et une véritable marée humaine se rendit chaque jour au domicile
de Jean-Baptiste Pons, envahissait son jardin et ceux de ses voisins qui
supportèrent de plus en plus difficilement cette situation au point
qu'il fut fait appel à la gendarmerie et à l'armée
pour canaliser cette foule composée aussi bien de malades que de
bien portants. Chaque jour, Jean-Baptiste Pons bénissait la foule
et la renvoyait chez elle guérie
Devant
un tel comportement un enquête fût ouverte auprès de
son entourage, enquête qui conclut qu'il ne buvait pas, à part
le vin de sa vigne, qu'il n'était pas pratiquant mais que Dieu avait
le droit de s'adresser à n'importe qui et, à part l'histoire
du trésor de Barberousse, il n'avait jamais fait parler de lui.
Certaines
personnes émirent l'hypothèse qu'il aurait été
manipulé par le curé d'Hussein-Dey qui caressait l'espoir
de faire du ravin de la Femme Sauvage un sanctuaire qui serait devenu un
lieu de pèlerinage. D'autres qu'il était tout simplement fou.
Toujours
est-il que les marchands du temple s'emparèrent de l'affaire et l'un
d'entre eux émit anonymement une carte postale de Jean-Baptiste Pons
accompagné de son épouse qui fut vendue sur les lieux en images
pieuses.
La
foule, toujours plus nombreuse, se pressait sur les lieux de l'apparition
et chaque fois que Jean-Baptiste Pons déniait sortir de sa maison
les gens se précipitaient pour le toucher. Dans l'une de ces bousculades
il fut pris d'étouffement et ne dut son salut qu'à la présence
de l'armée et de la police qui durent charger pour le dégager
Et,
lorsqu'il reprit ses esprits, il déclara tout simplement: Puisque
c'est ça je ne guérirai plus.
Jean-Baptiste
Pons, dès le lendemain se remit à cultiver son jardin et ne
fit plus parler de lui
Quant
à celui qui avait mis sur le marché la fameuse carte postale,
voyant ses sources de revenus tarir, il réutilisa son cliché
avec une nouvelle légende: Paysans espagnols de l'Oranie et
dépaysa la carte.
Un
autre éditeur L Schaefer publia une série de 12 cartes postales
retraçant l'épopée de Jean-Baptiste Pons elles furent
mises en vente uniquement chez les distributeurs d'Alger et des environs
jusque dans l'est Mitidja où la communauté mahonnaise était
importante
En
1962 on parlait encore dans le pays mahonnais, que ce soit à Fort
de l'Eau, Cap Matifou, Ain Taya, Rouiba ou Reghaia, des miracles du ravin
de la Femme Sauvage et " du docteur des mahonnais ", Jean-Baptiste
Pons que certaines familles avaient consulté et obtenu, parait-il,
des résultats.
Pierre
CARATERO
AFN-Collections
n°22 janvier 2000