Nous apprenons le décès de Pierre Lagaillarde, survenu le 17 août 2014.
Avec ce vaillant défenseur de l'Algérie française, tout un pan de la mémoire de notre lutte disparait.


Biographie succinte parue dans le Bulletin des Amis du Général Salan, N°17 du 2ème Trimestre 2008

Pierre Lagaillarde

Pierre Lagaillarde est né le 15 mai 1931 à Courbevoie. Son père, Henry, y est alors chef du contentieux de la compagnie d’assurance « L’Abeille ». Ses parents arrivent en Algérie en 1932. Tous deux avocats, ils s’inscrivent au barreau de Blida dont ils seront successivement bâtonniers. En 1944, Henry Lagaillarde est au cabinet d’Henri Queuille, membre du Gouvernement Provisoire de la République Française installé à Alger.

Pierre a deux frères plus jeunes : Jean né en 1937 et Jacques né en 1942.

Pierre Lagaillarde fait toutes ses études au lycée Duveyrier de Blida qu’il quitte en 1948 avec un baccalauréat de Philosophie. Il s’inscrit à la faculté de droit d’Alger qu’il quitte en 1950 pour celle de Paris où il obtient sa licence en 1951.

En novembre 1951, Pierre Lagaillarde s’inscrit au barreau de Blida. Il y exerce jusqu’en octobre 1955 et y assure la défense d’un terroriste F.L.N. dont il estime que c’est un lampiste et que les vrais responsables, eux, ne sont pas jugés. Il résilie son sursis et est affecté au 66ème Régiment d’Artillerie à Oran, au G.A.O.A. n°3 à Sétif, puis à l’école d’artillerie de Châlons sur Marne en avril 1956 dont il sort 34ème sur 226; il effectue un stage à la B.E.T.A.P. à Pau en septembre-octobre 1956, y obtient son brevet parachutiste et rejoint le 20ème Groupe d’Artillerie Parachutiste en Algérie. Pierre Lagaillarde est démobilisé avec deux citations et la Croix de la Valeur Militaire. Il rejoint le barreau de Blida et, parallèlement, s’inscrit en doctorat à la faculté de droit d’Alger, ce qui lui permet d’être élu à la présidence de l’Association Générale des Etudiants d’Algérie le 2 décembre 1957, à la suite de Jean Gautrot.

Pierre Lagaillarde s’est marié une première fois en mars 1953 avec Suzanne de Beaumont (née Durand) dont il a un fils Pierre-Jean et dont il divorce en novembre 1956. Il se remarie en mars 1957 avec Elizabeth (Babette) Meslet dont il a un fils, Marc, né en 1958.

Un comité de vigilance est créé à Alger, dont Pierre Lagaillarde fait partie en tant que président de l’association des étudiants d’Algérie; il rassemble de nombreuses associations : anciens combattants, étudiants royalistes, etc., et des personnalités comme Joseph Ortiz, Robert Martel, Roger Goutailler, le docteur Lefebvre. Léon Delbecque, de l’antenne à Alger du ministre gaulliste de la Défense Nationale Chaban-Delmas, manipule partiellement ce comité.
Le comité de vigilance organise le 13 mai 1958 une grande manifestation à Alger pour protester contre l’assassinat en Tunisie de trois militaires français prisonniers du F.L.N.

Pierre Lagaillarde, en uniforme de lieutenant de parachutiste, après la cérémonie au monument aux morts présidée par le général Salan, prend d’assaut le Gouvernement Général dont Robert Lacoste est absent. Il harangue la foule depuis la corniche du 5ème étage. Le général Massu, en accord avec le général Salan, crée sur place le 13 mai un Comité de Salut Public dont il prend la présidence et qui compte initialement sept civils (Lagaillarde, Paul Moreau, Gabriel Montigny, Joseph Jolivet, Baudier, Rodolphe Parachini, et Armand Perroud) auxquels sont adjoints quatre militaires (Massu et les colonels Ducasse, Thomazo et Trinquier). Léon Delbecque, initialement pris de vitesse entrera au Comité de Salut Public avec quelques compagnons un peu plus tard et saura lui donner l’orientation correspondant à la mission qui lui a été assignée par l’entourage du général De Gaulle.

Le 22 mai 1958, Pierre Lagaillarde est de la mission « clandestine » envoyée en Métropole avec le commandant Vitasse. Il rencontre le général Miquel à Toulouse puis se rend à Paris, dans le contexte de l’opération « Résurrection » destinée à faire pression sur les parlementaires pour leur faire voter l’investiture de De Gaulle comme Président du Conseil.

Le 4 juin 1958, à Alger, il est, en temps que membre du Comité de Salut Public, de ceux qui accueillent le général de Gaulle à l’aéroport de Maison Blanche puis qui sont reçus par lui au Palais d’Eté.

Le 23 novembre 1958, Pierre Lagaillarde est élu, tête d’une liste « Algérie Française », député d’Alger-Ville à l’assemblée nationale avec René Vinciguerra, Mourad Kaouah et Ahmed Djebbour.

Après le discours de De Gaulle du 16 septembre 1959 sur l’autodétermination, il exprime publiquement sa très ferme opposition à ce processus qui ne peut que conduire à livrer l’Algérie au F.L.N. Il noue ou renoue des relations avec diverses personnalités dont le général Salan, le général Jouhaud et le général Zeller qui vient de quitter la tête de l’Etat-Major de l’Armée.

A Alger, il participe à la création du Comité d’Entente des Mouvements Nationaux à la fin de novembre 1959.

Après l’affaire de l’interview par le journaliste Kempski de la Süddeutsche Zeitung du général Massu et le renvoi de celui-ci d’Alger, une grande manifestation est organisée le dimanche 24 janvier 1960. Pierre Lagaillarde décide d’occuper militairement la Faculté d’Alger et de contrôler ses entrées par des barricades. Ce deviendra « le camp retranché » ou le «réduit des facultés » pour la semaine. C’est là que, le dimanche, il entend la fusillade qui fait des victimes du côté des manifestants comme du côté des gendarmes. Il se rend sur place et a des contactsavec divers responsables militaires et du Comité d’Entente, dont Joseph Ortiz.

Le lundi 1er février 1960, Pierre Lagaillarde, en uniforme de lieutenant parachutiste, sort du camp retranché en défilant à la tête de ses troupes entre les parachutistes du 3ème R. P .C. et du 1er R.E.P. qui font la haie et présentent les armes. Emmené à Blida, il doit embarquer à bord d’un Nord-Atlas qui l’emmène à la base aérienne de Brétigny sur Orge. Il est incarcéré à la prison de la Santé. Edmond Michelet, Garde des Sceaux, enverra une lettre au président de l’assemblée nationale justifiant l’incarcération de Pierre Lagaillarde (ainsi que celles des députés Mourad Kaouah (Alger-Ville) et Biaggi (Seine-14ème)) bien que son immunité parlementaire n’ait pas été levée par un vote des députés (elle ne le sera que le 7 décembre 1960, après son départ pour l’Espagne).

Du 3 novembre 1960 au 2 mars 1961 se tient le « procès des barricades » devant le tribunal permanent des forces armées de Paris devant lequel comparaissent quinze personnes dont Pierre Lagaillarde, Jean-Jacques Susini, Serge Jourdes, Marcel Ronda, Alain de Sérigny et le colonel Gardes. Pierre Lagaillarde est accusé d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat. Les faits s’étant déroulés avant l’ordonnance 60-529 du 4 juin 1960 signée d’Edmond Michelet réformant le code pénal, fusionnant sûreté intérieure et sûreté extérieure de l’Etat et rétablissant la peine de mort pour crimes politiques, il ne risque pas la peine de mort. Il est défendu par Maître Gallot, Maître Macaigne et Maître Vignoles. Mis en liberté provisoire le 16 novembre, Pierre Lagaillarde se réfugie en Espagne au début de décembre 1960. Au terme d’un procès de 78 jours, le jeudi 2 mars 1961, il est condamné, in absentia, à 10 ans de détention, le procureur ayant requis une peine de 20 ans.

Entre temps, à Madrid, le 30 décembre 1960, avec le général Salan, Marcel Ronda et Jean‑Jacques Susini, Pierre Lagaillarde avait signé une adresse à tous leurs compatriotes d’Algérie leur signifiant leur solidarité et les pressant de voter « Non » au référendum du 8 janvier 1961.

Fin janvier-début février 1961, avec Jean-Jacques Susini, il fonde l’OAS dont les premiers tracts sont distribués à Alger fin février-début mars.

Le 23 avril 1961, le général Salan s’envole clandestinement de Madrid pour Alger à bord d’un avion léger dans lequel ont également pris place le capitaine Ferrandi et Jean-Jacques Susini.

Pierre Lagaillarde reste en Espagne et y est rejoint par les colonels Argoud et Lacheroy après l’échec du coup d’Alger. Ils forment « l’OAS d’Espagne » dont les positions divergent de l’OAS dirigée d’Alger par le général Salan.

Le 18 juillet 1961, le conseil constitutionnel déclare : « Est constatée de plein droit la déchéance , à compter du 5 mai 1961, du sieur Lagaillarde (Pierre) de sa qualité de membre de l’assemblée nationale », en raison de sa condamnation à 10 ans de détention criminelle.

En octobre 1961, Pierre Lagaillarde, Joseph Ortiz et les colonels Argoud et Lacheroy sont arrêtés par ordre du gouvernement du général Franco et assignés à résidence aux Iles Canaries.

Amnistié en 1968, Pierre Lagaillarde gagnera la métropole, reprendra son métier d’avocat et ouvrira un cabinet à Auch où son fils Pierre-Jean lui succédera.

Depuis la fin de l’Algérie française, Pierre Lagaillarde a conservé le silence sur cette période et sur les événements auxquels il a pris part.

La déclaration et l’interrogatoire de Pierre Lagaillarde à son procès ont été publiés par les éditions « La Table Ronde » en décembre 1960 sous le titre : « On a triché avec l’honneur ».

Mis en page le 19/08/2014 par RP