Pieds-Noirs d'hier et d'Aujourd'hui
n°138 Février 2006
MARCEL SALVA
l'élégance et
la technique
Adieu Marcel ... Le meilleur défenseur
que le foot-ball d'Algérie ait connu vient de nous quitter...
à quelques jours de Noël dernier.
Au firmament des étoiles sportives d'Afrique
du Nord, ce grand champion avait rejoint, puis dépassé, Lucien Jasseron,
le modèle de sa jeunesse. Plus de quarante ans après ses derniers matchs
avec le Gallia d'Alger, il demeurait le personnage le plus entouré,
le plus sollicité, lorsqu'il apparaissait dans les divers rassemblements
de notre communauté ;
Né le 1er octobre 1922 à Alger, Marcel était
le sixième et dernier enfant des Salva, commerçants en bestiaux et laitiers
au « Climat de France », colline surplombant le quartier de Bab-el-Oued.
A quatre ans, il perdit son père et fut
obligé, son certificat d'études obtenu, de quitter la
communale pour, à l'exemple de ses trois surs et de ses
deux frères, aider sa maman à faire tourner la petite
entreprise familiale.
Dès l'âge de douze ans, il se mit à jouer au
foot-ball sous les couleurs rouge et bleu du F.C. Rochambeau, modeste
club de Bab-el-Oued.
En 1937, il rallia l'ASSE dans le quartier voisin
de Saint-Eugène.
Sous la houlette d'un entraîneur avisé, Paul
Baron, et côtoyant De Villeneuve, Stepanof, Pierre Izzo, ou le remarquable
meneur de jeu Charly Sas, le jeune Marcel progressa très vite. Grand,
costaud, il fut appelé, à 17 ans, en Sélection d'Alger.
En 1942, mobilisé, il endossa l'uniforme bleu
des aviateurs cantonnés à La Redoute mais put continuer à évoluer le
dimanche avec l'ASSE. Il fut Champion d'Alger en 1943 et 1944.
Dans l'équipe de l'Aviation, Salva retrouva
son ami de l'ASSE, Pierre Landi, son aîné Lucien Jasseron et Jean-Claude
Samuel du RUA, Pierre Ponsetti du Red Star d'Alger ainsi que l'Oranais
André Philippot.
Cette brillante phalange permit à l'équipe militaire
française de s'illustrer lors des Jeux Inter-Alliés, organisés à Naples
en 1944. Quelques mois plus tard, ils étaient à Paris, attendant d'être
démobilisés.
Cette présence fut une aubaine pour Paul Baron
qui venait d'arriver dans la capitale pour entraîner le Racing. Le club
« Ciel et Blanc » était alors en mauvaise posture : avant dernier du
Championnat, à mi-parcours, mais le renfort inespéré venu d'Algérie
permit un retournement spectaculaire.
Le Racing ne perdit plus un match, termina en
sixième position mais surtout remporta la Coupe de France !
Ce prestigieux trophée, obtenu le 6 mai 1945,
aux dépens de Lille, battu 3 à 0, sera suivi, quelques mois plus tard,
d'une autre grande joie sportive pour Marcel. Ses remarquables prestations
sans cesse renouvelées avec le Racing n'avaient pas échappées à l'Ïil
du sélectionneur et il fit sa première apparition dans l'Equipe de France.
Pour ce match contre l'Autriche, devant 55 000 spectateurs entassés
au Stade du Prater de Vienne, Salva avait à ses côtés l'Oranais Jean
Bastien, son ami Jean-Claude Samuel né à Guelma mais également la «
perle noire » : Larbi Ben Barek. Marcel avait si bien tenu sa place
que cinq autres sélections avec le coq gaulois sur le maillot suivirent.
Encore « amateur », il semblait promis au plus
bel avenir en devenant « pro » mais il décida de rentrer en Algérie.
Jeune marié, Salva qui considérait la carrière sportive aléatoire et
éphémère, préféra rejoindre ses frères qui avaient donné de l'ampleur
à l'entreprise familiale.
Ce départ lui causa quelques ennuis avec la
Fédération Française car les joueurs de cette époque étaient liés avec
leur club jusqu'à la fin de leur carrière sportive. En remboursant au
Racing quelques primes pourtant bien méritées, il put cependant revêtir
à nouveau le maillot rayé rouge et blanc de l'ASSE.
Les mois passèrent ... A Paris, on n'avait pas
oublié, ni remplacé Marcel du côté du Parc des Princes et du Stade de
Colombes. Les sollicitations répétées finirent par le décider. L'entreprise
algérienne était sur de bons rails, et il pouvait donc se lancer dans
cette aventure « pro ».
Cette période, de fin 1947 à l'été 1952 valut
à Salva une seconde Coupe de France, remportée en 1949. L'année suivante,
il échoua en finale contre le Stade de Reims. Sept sélections internationales
s'ajoutèrent à son palmarès et celui qui lui succéda, Roger Marche entra
dans la légende avec 45 matchs en Equipe de France.
Auréolé de ses succès métropolitains au plus
haut niveau, Marcel était attendu comme le Messie par les sportifs algérois.
Où
allait-il évoluer ? Quel club allait bénéficier
de son expérience et de son talent ?
Au grand dam des supporters de l'ASSE, il s'engagea
sous les couleurs rouge et bleu du Gallia Sports d'Alger (le G.S.A.)
qui évoluait au stade Municipal.
A la tête de ses « Coqs »,
Capitaine et entraîneur-joueur, Marcel remporta 3 championnats
de la ligue d'Alger en 1954, 1955 et 1958 et gagna la Coupe d'Algérie
en 1958.
Gagneur et meneur d'hommes hors pair, Salva
était également habile tacticien ; tout en
galvanisant son équipe, il pouvait à tout moment retourner
une situation compromise par d'intelligentes consignes de jeu.A
l'orée de la saison 1959, il décida de « laisser
la place aux jeunes » tout en continuant à diriger le jeu
et les entraînements du Gallia. La passion du foot était
toujours vivace chez lui 25 ans après ses débuts.
En 1962, la grande encyclopédie du foot-ball
rendait hommage au très grand joueur qui s'était illustré
sur les grands stades d'Europe, de Métropole et d'Afrique du
Nord : « Sportif racé, aux placement et jeu de tête
excellents, aux interventions sobres, efficaces et très intelligentes
».
1962 justement ... une année douloureuse pour
notre communauté et que Marcel avait si mal vécue.
Viscéralement attaché à sa terre natale et à
ses racines algéroises, il ne put jamais se consoler de ce départ d'Algérie
Française vécu comme un déchirement.
C'est à Salon de Provence, où
il s'était installé après l'exode, que j'ai eu
le plaisir de rencontrer et d'apprécier, ô combien, Marcel
Salva. Adolescent à Alger, j' étais un « fan »
du Gallia ; c'est dire si je connaissais déja le joueur !
Au cours d'innombrables repas pris ensemble
dans sa « Brasserie du Paradou », nous refaisions l'histoire... quand
ce n'était pas les matchs. Nous avions sympathisé presque immédiatement
et je pus ainsi découvrir l'homme de cÏur, discret, sensible et modeste
qu'il était.
Et à peine parti, mon ami Marcel me manque déjà...
John Franklin
NB En fin d'année 1957,
les Etablissements Salva, dirigés par François, furent
expropriés pour permettre l'édification de la Cité
géante de « Climat de France ». Réunies
à Dély-Ibrahim, sur la route de Chéragas, les nouvelles
installations qui recevaient tous les mercredis des vaches laitières
hollandaises, comtoises et tarentaises, étaient, en 1962, l'une
des plus modernes de toute l'Afrique du Nord.
Bibliographie :
Hubert Zakine - La mémoire du Foot-ball d'Afrique
du Nord
Revue T.A.M. n°252 Août 1947
Si le Gallia m'était conté... (50 ans de
la vie d'un grand club)
Quarantenaire de l'Association Sportive St-Eugènoise (19081948)
Elevages et Cultures en Afrique du Nord
n°106 - 1957 Dr Vétérinaire Jean Siagne, Technique
et production d'un lait propre et sain (Ets Salva et Cie)