32ème Congrès du Cercle Algérianiste
Marseille, le 12
novembre 2005
«
De l'amitié à la repentance »
Intervention de Monsieur Thierry
ROLANDO
Président du Cercle Algérianiste
:
Ainsi, mes chers amis, le principe
semble désormais acquis, l'idée retenue, la France
signera, dans les prochains jours, dans les prochaines semaines,
à l'initiative du Président de la République,
un traité d'amitié avec l'Algérie.
Cette annonce, nous le savons tous,
a provoqué chez nombre de nos compatriotes, de vives interrogations
ainsi qu'une légitime émotion liées non pas
tant au principe même de la signature d'un tel traité
mais plutôt aux contours qui pourraient être le sien
tant en effet l'opacité et le mystère qui ont été
entretenus autour de ceux-ci sont grands et ont donc avivé
les craintes.
Et cette crainte, que n'est pas apaisée
du tout aujourd'hui, loin s'en faut, en l'absence d'ailleurs de
toute parole officielle, les échos de la presse tant française
qu'algérienne en sont la seule traduction, porte un nom
qui résonne pour nous sinistrement vous le savez : c'est
la repentance unilatérale.
Alors force est de reconnaître
mes chers amis, en effet, qu'en dépit des dénégations
affirmées en haut lieu et des propos rassurants, j'ai assisté
récemment à une réunion au Quai d'Orsay,
sur le fait que la repentance ne saurait être la pierre
de soutènement du futur traité, malheureusement
la jurisprudence récente ne plaide pas, un tant soit peu,
en faveur de cette thèse, et fait que notre scepticisme
est loin d'être infondé.
Parce que on peut en juger sur les
évènements des derniers mois :
A Sétif, il y a quelques mois,
la France, par la voix de son ambassadeur en Algérie, a
reconnu la tragédie inexcusable qui s'y est déroulée
en 1945, en omettant de souligner le fait générateur
de ces dramatiques évènements, à savoir le
massacre de plus d'une centaine de nos compatriotes.
L'Algérie d'ailleurs ne s'y
est pas trompée, qui a bien cru percevoir dans cet acte,
et je reprends les termes : « les frémissements
des prémices d'une courageuse reconnaissance par l'Etat
Français des atrocités commises en Algérie ».
A Madagascar, quelques semaines plus
tard, le Président de la République dénonçait,
quant à lui, le caractère inique des répressions
engendrées par « les dérives du système
colonial », repentance a minima reconnaissaient les
observateurs, mais repentance tout de même.
Et puis, comment oublier le lourd
silence du chef de l'Etat face aux outrances, aux insultes, aux
dérapages renouvelés du Président Algérien
BOUTEFLIKA plaçant chaque jour davantage la barre de la
provocation toujours plus haute jusqu'à atteindre le sommet
de l'ignominie avec son inacceptable comparaison entre la présence
française en Algérie et l'occupation nazie.
La seule réponse officielle
fut celle de Monsieur MUSELIER, que l'on pourrait qualifier de
« Régional de l'étape » déclarant,
à Alger, que « chacun s'exprime comme il croit
devoir s'exprimer ».
Enfin, il est permis de s'interroger
sur la réelle volonté du Chef de l'Etat de défendre
la loi portant reconnaissance de la Nation en faveur des français
rapatriés du 23 février 2005 dont l'abrogation a
été exigée, certes par le groupe socialiste,
nous en avons parlé, mais aussi vous le savez, au mépris
de toutes les règles de non ingérence dans les affaires
d'un autre Etat par ce même BOUTEFLIKA.
Cette exigence n'a en effet, rencontré
jusqu'alors que la réponse rassurante, par pour nous mais
pour Monsieur BOUTEFLIKA, de Monsieur DOUSTE-BLAZY annonçant
la création d'une Commission Mixte d'universitaires franco-algériens
chargée sans doute, en quelque sorte, de dire la vérité.
Quant au Ministre de l'Education
Monsieur de ROBIEN, il s'est contenté de déclarer,
il y a quelques jours sur Canal +, que cette loi ne changerait
rien pour les manuels scolaires.
C'est bien ce que l'on appelle un
faisceau d'indices concordants qui nous porte à penser
que le risque existe vraiment.
A cela, nous répondons très
simplement que la repentance française, qu'elle soit d'ailleurs
unilatérale ou non, ne peut être à notre sens
le prélude nécessaire à une véritable
amitié avec l'Algérie, qui conditionnerait éventuellement
d'ailleurs celle semblable des autorités algériennes.
En effet, chacun sait que si les
mauvaises consciences en France sont légions, et d'ailleurs
chaque jour se développent, les mauvaises consciences algériennes
se sont rarement exprimées, on peut même se demander
s'il y en a quelques unes, et que l'on sache aucune tentative
de réévaluation de l'histoire officielle algérienne
n'a été engagée du côté d'Alger.
Alors si ces mauvaises consciences
continuent de proliférer en France, celles de l'Algérie
demeurent bien cachées dans l'opacité des discours
du parti unique.
Oui, mes chers amis, l'amitié,
comme le veut la formule, ne se décrète pas.
Le chemin de la réconciliation
entre la France et l'Algérie, que nous appelons de nos
vĻux, nous ne sommes pas évidemment contre l'amitié
entre les peuples, exige le respect mutuel et que chacun accomplisse
sa part de vérité.
C'est à cette condition que
la France et l'Algérie pourront signer un traité,
et qui sera gage d'une réelle et franche amitié.
Et puis, si nous élargissons
le champ de notre réflexion, nous pouvons légitimement
nous interroger sur la nature profonde de cette amitié
aujourd'hui avec le gouvernement algérien.
Etait-ce celle qui consiste depuis
plus de 6 mois de dérapages, d'insultes, et d'outrances,
à accabler votre ami en le comparant à un occupant
nazi, en le traitant de négationniste et de révisionniste
?
Etait-ce celle qui consiste à
réaffirmer, comme l'a récemment fait le Ministre
de l'Agriculture Algérien, Monsieur BARKAT, que les enfants
de Harkis ne seront les bienvenus en Algérie que lorsqu'ils
auront dénoncé les crimes de leurs parents ?
Etait-ce celle, encore, qui consiste
à refuser toute réconciliation, je reprends la formule,
« avec les traîtres, les harkis et les pieds-noirs »
comme l'a proclamé le Secrétaire Général
du FLN ?
Etait-ce, enfin, celle qui consiste
à exiger de la France qu'elle reconnaisse selon les paroles
du Président BOUTEFLIKA « qu'elle a tué
et exterminé de 1830 à 1962 » en faisant
de la repentance unilatérale un préalable à
tout acte d'amitié ?
Pour nous cela est clair, l'amitié
sur ces bases n'a aucun sens, et les conditions, nous l'avons
déjà dit, et nous le réaffirmons aujourd'hui,
ne sont à l'évidence pas remplies pour la signature
d'un tel traité
Alors, s'il y a quand même
traité, puisqu'il y a tout à penser qu'il y aura
traité, il est non moins clair que nous serons vigilants
et exigeants pour que :
- celui-ci ne laisse pas dans l'ombre
le drame vécu et les crimes subis par des dizaines de milliers
de nos compatriotes harkis qui n'envisageaient d'autre avenir
qu'avec la France en laquelle ils avaient confiance et ont payé
un lourd tribut à cette fidélité ;
- ce traité ne rejette pas
dans l'oubli l'exode de toute une population livrée à
la fureur des nouveaux conquérants et les massacres et
enlèvements et disparitions de milliers de nos compatriotes.
Si la France s'engageait dans la
voie de cette omission, nul doute bien sûr que cela provoquerait
une blessure irréparable pour toute notre communauté
déjà meurtrie, et résonnerait pour elle comme
une insupportable provocation annihilant tous les efforts entrepris
pour reconnaître l'oeuvre qui a été la sienne.
Cela aurait aussi pour signification
de trahir la mémoire de tous les anciens combattants qui
ont fait leur devoir en Algérie, ont servi la France dans
l'honneur et pour beaucoup y ont laissé leur vie.
Si la France doit faire un pas supplémentaire
en direction de l'Algérie, elle ne saurait le faire sans
ignorer toutes les souffrances et toutes les blessures, et sans
associer dans le souvenir tous les drames et toutes les victimes.
Le devoir de mémoire et de
vérité exige donc, Monsieur le Président,
que la France ne se livre pas à un exercice d'auto flagellation
supplémentaire car la vérité historique ne
peut reposer, nous l'avons déjà dit, sur une vision
hémiplégique de l'histoire.
La France et les Français
d'Algérie qui ont fait par milliers le sacrifice de leur
vie pour contribuer au développement d'un pays auquel ils
étaient charnellement attachés, n'ont pas à
rougir, et nous le réaffirmons aujourd'hui, cela a été
la ligne directrice de ce que nous avons évoqué
ce matin, de l'oeuvre accomplie outre-mer.
C'est la raison pour laquelle, m'adressant
au Président de la République très humblement,
nous ne pouvons que l'inviter, au moment où il va apposer
sa signature dans quelques jours, dans quelques semaines, au bas
de ce traité, à s'inspirer de ces quelques mots,
de ces quelques phrases que je vous livre :
« Pacification, mise en
valeur des territoires, diffusion de l'enseignement, fondation
d'une médecine moderne, création d'institutions
administratives et juridiques, voilà autant de traces de
cette oeuvre incontestable à laquelle la présence
française a contribué (...) Traces matérielles,
certes, mais aussi apport intellectuel, spirituel, culturel (...)
Aussi, après le retour en Métropole de ces Français,
il convient de rappeler l'importance et la richesse de l'oeuvre
que la France a accomplie là bas et dont elle est fière
(...) Les uns et les autres ont mérité les honneurs
de la Mémoire ».
Nous sommes convaincus Monsieur le
Président de la République que vous ne sauriez les
renier puisqu'elles furent prononcées par un certain Jacques
CHIRAC le 11 novembre 1996.
Si tel n'était pas le cas,
nous n'aurions d'autre ressource, et j'en prends à témoin
bien sûr les nombreux présidents présents
dans cette salle, que d'exercer le moment venu notre devoir de
mémoire.
Merci de votre attention.
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