Texte de la DECISION
du GRAND SANHEDRIN
Convoqué à
PARIS en vertu des ORDRES de SA MAJESTE l'EMPEREUR et ROI.
le 8 Mars 1807
(Moniteur Universel du 11 Avril
1807, pages 398 à 400)
PRÉAMBULE.
Réunis aujourd'hui sous sa puissante
protection dans sa bonne ville de Paris, au nombre de 71 docteurs
de la loi et notables d'Israël, nous nous constituons en grand
sanhédrin, afin de trouver en nous le moyen et la force de
rendre des ordonnances religieuses conformes aux principes de nos
saintes lois, qui servent de règle et d'exemple à
tous les Israélites. Ces ordonnances apprendront aux nations
que nos dogmes se concilient avec les lois civiles sous lesquelles
nous vivons, et ne nous séparent pas de la société
des hommes.
En conséquence, déclarons que
la loi divine, ce pieux héritage de nos ancêtres, contient
des dispositions religieuses et des dispositions politiques.
Que les dispositions religieuses sont, par leur
nature, absolues et indépendantes des circonstances et des
temps.
Qu'il n'en n'est pas de même des dispositions
politiques, c'est à dire de celles qui constituent le gouvernement,
et qui étaient destinées à régir le
peuple d'Israël dans la Palestine, lorsqu'il avait ses rois,
ses pontifes et ses magistrats.
Que ces dispositions politiques ne sauraient
être applicables depuis qu'il ne forme plus un corps de nation.
Que, en consacrant cette discrimination déjà
établie par la tradition, le Grand Sanhédrin déclare
un fait incontestable, qu'une assemblée des docteurs de la
Loi réunis en grand sanhédrin pouvait seule déterminer
les conséquences qui en dérivent.
Que, si les anciens sanhédrins ne l'ont
pas fait, c'est que les circonstances politiques ne l'exigeaient
point, et que, depuis l'entière dispersion d'Israël,
aucun sanhédrin n'avait été réuni avant
celui-ci.
Engagés aujourd'hui dans ce pieux dessein,
nous invoquons la lumière divine, de laquelle émanent
tous les biens, et nous nous reconnaissons obligés de concourir
à l'achèvement de la régénération
morale d'Israël.
Ainsi, en vertu du droit que nous confèrent
nos usages et nos lois sacrées et qui déterminent
que dans l'assemblée des docteurs du siècle réside
essentiellement la faculté de statuer selon l'urgence des
cas, et que requiert l'observance desdites lois, soit écrites,
soit traditionnelles, nous procéderons dans l'objet de prescrire
religieusement l'obéissance aux lois de l'État en
matière civile et politique.
Pénétrés de cette sainte
maxime, que la crainte de Dieu est le principe de toute sagesse,
nous élevons nos regards vers le ciel, nous étendons
nos mains vers son sanctuaire et nous l'implorons pour qu'il daigne
nous éclairer de sa lumière, nous diriger dans le
sentier de la vertu et de la vérité afin que nous
puissions y conduire nos frères pour leur félicité,
et celle de leurs descendants.
Partant, nous enjoignons, au nom du Seigneur
notre Dieu, à tous nos corrélationnelles de tous sexes,
d'observer fidèlement nos décisions, statuts et ordonnances,
regardant d'avance tous ceux de France et du royaume d'Italie qui
les violeraient ou en négligeraient l'observation, comme
pêcheurs, notoirement contre la volonté du Seigneur
Dieu d'Israël.
Article Premier
POLYGAMIE.
Le Grand Sanhédrin, légalement
assemblé ce jour 9 Février 1807, et en vertu des pouvoirs
qui lui sont inhérents, examinant s'il est licite aux Hébreux
d'épouser plus d'une femme, et pénétré
du principe généralement consacré dans Israël,
que la soumission aux lois de l'État, en matière civile
et politique, est un devoir religieux.
Reconnaît et déclare que la polygamie
permise par la loi de Moïse, n'est qu'une simple faculté,
que nos docteurs l'ont subordonnée à la condition
d'avoir une fortune suffisante pour subvenir aux besoins de plusieurs
épouses;
Que dès les premiers temps de notre dispersion,
les Israélites répandus dans l'occident, pénétrés
de la nécessité de mettre leurs usages en harmonie
avec les lois civiles des États dans lesquels ils s'étaient
établis, avaient généralement renoncé
à la polygamie, comme à une pratique non conforme
aux murs des nations;
Que ce fut aussi pour rendre hommage à
ce principe de conformité en matière civile, que le
synode convoqué à Worms, en l'an 4790 de notre ère,
et présidé par le rabbin Guerson, avait prononcé
anathème contre tout Israélite de leur pays qui épouserait
plus d'une femme;
Que cet usage s'est entièrement perdu
en France, en Italie, et dans presque tous les États du continent
européen où il est extrêmement rare de trouver
un Israélite qui ose enfreindre à cet égard
les lois des nations contre la polygamie
En conséquence, le grand sanhédrin
pesant dans sa sagesse combien il importe l'usage adopté
par les Israélites répandus dans l'Europe, et pour
confirmer, et tant que besoin, ladite
décision du synode de Worms, statue et ordonne comme principe
religieux:
Qu'il est défendu à tous les Israélites
de tous les États où la polygamie est défendue
par les lois civiles, et en particulier à ceux de l'Empire
de France et du Royaume d'Italie, d'épouser une seconde femme
du vivant de la première, à moins qu'un divorce avec
celle-ci, prononcé conformément aux dispositions du
Code Civil, et suivi du divorce religieux, ne l'ait affranchi des
liens du mariage.
Article Deux
REPUDIATION
Le Grand Sanhédrin, ayant considéré
combien il importe aujourd'hui d'établir des rapports d'harmonie
entre les usages des Hébreux, relativement au mariage, et
le Code Civil de France, et du royaume d'Italie, sur le même
sujet, et considérant qu'il est de principe religieux de
se soumettre aux lois civiles des États, reconnaît
et déclare:
Que la répudiation permise par la loi
de Moïse n'est valable que pour autant qu'elle opère
la dissolution absolue de tous les liens entre les conjoints, même
sous le rapport civil.
Que d'après les dispositions du Code
Civil,, qui régit les Israélites comme Français
et Italiens, le divorce n'étant consommé qu'après
que les tribunaux l'ont ainsi décidé par un jugement
définitif, il suit que la répudiation mosaïque
n'aurait pas le plein et entier effet qu'elle doit avoir, puisque
l'un des conjoints pourrait se prévaloir contre l'autre du
défaut de l'intervention de l'autorité civile dans
la dissolution du lien conjugal:
C'est pourquoi, en vertu du pouvoir dont il
est revêtu, le grand sanhédrin statue et ordonne comme
point religieux:
Que dorénavant nulle répudiation
ou divorce ne pourra être faite selon les formes établies
par la loi de Moïse, qu'après que le mariage ait été
déclaré dissous par les tribunaux compétents
et selon les formes voulues par le Code civil.
En conséquence, il est expressément
défendu à tout rabbin, dans les deux États
de France et royaume d'Italie, de prêter son ministère,
dans aucun acte de répudiation ou de divorce, sans que le
jugement civil qui le prononce lui ait été exhibé
en bonne forme, déclarant que tout Rabin qui se permettrait
d'enfreindre le présent statut religieux serait regardé
comme indigne d'en exercer à l'avenir les fonctions.
Article Trois
MARIAGE.
Le Grand Sanhédrin, considérant
que, dans l'Empire français et le royaume d'Italie, aucun
mariage n'est valable qu'autant qu'il est précédé
d'un contrat civil devant l'officier public.
En vertu du pouvoir qui lui est dévolu,
statue et ordonne:
Qu'il est d'obligation religieuse pour tout
Israélite français et du royaume d'Italie, de regarder
désormais, dans les deux États, les mariages civilement
contractés comme emportant obligation civile.
Défend en conséquence à
tout Rabin, ou autre personne dans les deux États, de prêter
son ministère à l'acte religieux du mariage, sans
qu'il leur ait apparu auparavant l'acte des conjoints devant l'officier
civil, conformément à la loi.
Le Grand Sanhédrin déclare en
outre que les mariages entre Israélites et Chrétiens,
contractés conformément aux lois du Code Civil, sont
obligatoires et valables civilement et, bien qu'ils ne soient pas
susceptibles d'être revêtus des formes religieuses,
il n'entraîneront aucun anathème.
Article Quatre
FRATERNITE.
Le Grand Sanhédrin, ayant constaté
que l'opinion des nations parmi lesquelles les Israélites
ont fixé leur résidence depuis plusieurs générations,
les laissent dans le doute sur les sentiments de fraternité
et de sociabilité qui les animent à leur égard,
de telle sorte que ni en France, ni dans le royaume d'Italie, l'on
ne paraisse point fixé sur la question de savoir, si les
Israélites de ces deux états regardaient leurs concitoyens
chrétiens comme frères, ou seulement comme étrangers.
Afin de dissiper tous les doutes à ce
sujet, le grand sanhédrin déclare:
Qu'en vertu de la loi donnée par MoÏse
aux enfants d'Israël, ceux-ci sont obligés de regarder
comme leurs frères, les individus des nations qui reconnaissent
Dieu créateur du ciel et de la terre, et parmi lesquels ils
jouissent des avantages de la société civile, ou seulement
d'une bienveillante hospitalité.
Que la sainte écriture nous ordonne d'aimer
notre semblable comme nous mêmes, et que, reconnaissant comme
conforme à la volonté de Dieu, qui est la justice
même, de ne faire à autrui que ce que nous voudrions
qu'il nous fût fait, il serait contraire à ces maximes
sacrées, de ne point regarder nos concitoyens, français
chrétiens, comme nos frères.
Que, d'après cette doctrine universellement
reçue, et par les docteurs qui ont le plus d'autorité
dans Israël, et par tout Israélite qui n'ignore point
sa religion, il est du devoir de tous d'aider, de protéger,
d'aimer leurs concitoyens, et de les traiter, sous tous les rapports
civils et moraux, à l'égal de leurs co-religionnaires.
Que, puisque la religion mosaïque ordonne
aux Israélites d'accueillir avec tant de charité et
d' égards les étrangers qui allaient résider
dans leurs villes, à plus forte raison leur commande-t-elle
les mêmes sentiments envers les individus des nations qui
les ont accueillis dans leur sein, qui les protègent par
leurs lois, les défendent par leurs armes, leur permettent
d'adorer l'Eternel selon leur culte, et les admettent, comme en
France et dans le royaume d'Italie, à la participation de
tous les droits civils et politiques.
D 'après ces diverses considérations,
le grand sanhédrin ordonne à tout Israélite
de l'Empire français, du royaume dItalie, et de tous autres
lieux, de vivre avec les sujets de chacun des Etats dans lesquels
ils habitent, comme avec leurs concitoyens et leurs frères,
puisqu'ils reconnaissent Dieu créateur du ciel et de la terre,
parce qu 'ainsi le veut la lettre et l'esprit de notre sainte loi.
Article V
RAPPORTS MORAUX
Le Grand Sanhédrin, voulant déterminer
quels sont les rapports que la loi de Moïse prescrit aux Hébreux
envers les individus des nations parmi lesquelles ils habitent,
et qui, professant une autre religion, reconnaissent Dieu, créateur
du ciel et de la terre:
Déclare que tout individu professant
la religion de Moïse, qui ne pratique pas la justice et la
charité envers tous les hommes adorant l'Eternel indépendamment
de leur croyance particulière, pêche notoirement contre
sa loi.
Qu'à l'égard de la justice, tout
ce que prohibe l'Ecriture Sainte comme lui étant contraire,
est absolu, et sans acception de personne.
Que le Décalogue et les livres sacrés
qui renferment les commandements de Dieu à cet égard,
n'établissent aucune relation particulière, et n'indiquent
ni qualité, ni condition, ni religion, auxquels ils s'applique
exclusivement; en sorte qu'ils sont communs aux rapports des Hébreux
avec tous les hommes en général, et que tout Israélite
qui les enfreint envers qui que ce soit est également criminel
et répréhensible aux yeux du Seigneur.
Que cette doctrine est aussi enseignée
par les docteurs de la loi, qui ne cessent de prêcher l'amour
du Créateur et de sa créature (Traité d'Abot,
chap 6, f.6), et qui déclarent formellement que les récompenses
de la vie éternelle sont réservées aux hommes
vertueux de toutes les nations: qu'on trouve dans les prophètes
des preuves multipliées qui établissent
qu'Israël n'est pas l'ennemi de ceux qui professent une autre
religion que la sienne; qu'à l'égard de la charité,
Moïse, comme il a déjà été rapporté,
la prescrit au nom de Dieu comme une obligation. " Aime ton
prochain comme toi-même " car Je suis le Seigneur"."
L'étranger qui habite dans votre sein, comme celui qui est
né parmi vous. Vous l'aimerez comme vous même, car
vous avez été étrangers en Égypte ;
Je suis l'Eternel votre Dieu (Lévit., chap. 19, v.34). David
dit: la miséricorde de Dieu s' étend sur toutes ses
uvres. (Ps 145, v. 9): Qu'exige de vous le Seigneur, dit Michée
? Rien de plus que d'être juste . Exercez la charité
(chap. 6, v. 8) Nos docteurs déclarent que l'homme compatissant
aux maux de son semblable, est à nos yeux comme s'il du sang
d'Abraham " (Hirubin, chap.7)
Que tout Israélite est obligé
envers ceux qui observent les Noachides, quelle que soit
d'ailleurs leur région, de les aimer, comme ses frères,
de visiter leurs malades, d'enterrer leurs morts, d'assister
leurs pauvres, comme ceux d'Israël, et qu'il n'y a point d'acte
de charité dont ils puissent se dispenser envers eux.
D'après ces motifs, puisés dans
la lettre et l'esprit de l'Ecriture Sainte;
Le Grand Sanhédrin prescrit à
tous les Israélites, comme devoir essentiellement religieux
et inhérent à leur croyance, la pratique habituelle
et constante, envers tous les hommes reconnaissant Dieu créateur
du ciel et de la terre, quelque religion qu'ils professent, des
actes de justice et de charité, dont les livres saints leur
prescrivent l'accomplissement.
Article VI
RAPPORTS CIVILS ET POLITIQUES
Le Grand Sanhédrin, pénétré
de l'utilité qui doit résulter pour les Israélites
d'une déclaration authentique qui fixe et détermine
leurs obligations comme membres de l'Etat auquel ils appartiennent,
et voulant que nul n'ignore quels sont à cet égard
les principes que les docteurs de la loi et les notables d'Israël
professent et prescrivent à leurs co-religionnaires, dans
les pays où ils ne sont point exclus de tous les avantages
de la société civile, spécialement en France
et dans le royaume d'Italie.
Déclare qu'il est de devoir religieux,
pour tout Israélite né et élevé dans
un état, ou qui en deviennent citoyens par résidence
ou autrement, conformément aux lois qui en déterminent
les conditions, de regarder ledit état comme sa patrie
Que ces devoirs qui dérivent de la nature
des choses, qui sont conformes à la destination des hommes
en société, s'accordent par cela même avec la
parole de Dieu.
Daniel dit à Darius qu'il n'a été
sauvé de la fureur des lions que pour avoir été
également fidèle à
son Dieu et à son roi. (chap. 6, v. 3)
Jérémie recommande à tous
les Hébreux de regarder Babylone comme leur patrie; concourez
de tout votre pouvoir, leur dit-il, à son bonheur (Jer, chap.
3). On lit, dans le même livre, le serment que fit prêter
Guédalya aux Israélites. " Ne craignez point,
leur dit-il, de servir les Chaldéens.; demeurez dans le pays;
soyez fidèles au roi de Babylone, et vous vivrez heureusement
" (ibid. chap. 24, v. 9)
Crains Dieu et ton souverain, a dit Salomon
(Prov. chap.24, v.2 1)
Qu'ainsi tous ont prescrit à l'Israélite
d'avoir pour son prince et ses lois le respect, l'attachement et
la fidélité dont tous ses sujets lui doivent le tribut.;
Que tout l'oblige à ne point isoler son
intérêt de l'intérêt public, ni sa destinée,
non plus que celle de sa famille, de la destinée de la grande
famille de l'état; qu'il doit s'affliger de ses revers, s'applaudir
de ses triomphes, et concourir, par toutes ses facultés,
au bonheur de ses concitoyens.
En conséquence, le Grand Sanhédrin
statue que tout Israélite, né et élevé
en France et dans le royaume d'Italie, et traité par les
lois des deux Etats comme citoyen, est obligé religieusement
de les regarder comme sa patrie, de les servir, de les défendre,
d'obéir aux lois, et de se conformer, dans toutes ses transactions,
aux dispositions du Code Civil.
Déclare en outre, le Grand Sanhédrin,
que tout Israélite, appelé au service militaire, est
dispensé par la loi, pendant la durée de ce service,
de toutes les observances qui ne peuvent se concilier avec lui.
Article VII
PROFESSIONS UTILES
Le Grand Sanhédrin, voulant éclairer
les Israélites, et en particulier ceux de France et du royaume
d'Italie, sur la nécessité où ils sont et les
avantages qui résulteront pour eux, de s'adonner à
l'agriculture, de posséder des propriétés foncières,
d'exercer les arts et métiers, de cultiver les sciences qui
permettent d'embrasser des professions libérales, et considérant
que, si, depuis longtemps, les Israélites des deux Etats
se sont vus dans la nécessité de renoncer aux travaux
mécaniques, et principalement à la culture des terres,
qui avait été, dans l'ancien temps, leur occupation
favorite, il ne faut attribuer ce funeste abandon qu'aux vicissitudes
de leur état, à l'incertitude où ils avaient
été, soit à l'égard de leur sûreté
personnelle, soit à l'égard de leurs propriétés,
ainsi qu'aux obstacles de tous genres que les règlements
et les lois des nations opposent au libre développement de
leurs industries et de leur activité.
Que cet abandon n'est aucunement le résultat
des principes de leur religion, ni des interprétations qu'en
ont pu donner leurs docteurs tant anciens que modernes, mais
bien un effet malheureux des habitudes que la privation du libre
exercice de leurs facultés industrielles leur avait fait
contracter !
Qu'il résulte, au contraire, de la lettre
et de l'esprit de (la) législation mosaïque, que les
travaux corporels étaient en honneur parmi les enfants d'Israël,
et qu'il n'est aucun art mécanique qui leur soit nominativement
interdit, puisque la Sainte Ecriture les invite et leur recommande
de s'y livrer.
Que cette vérité est démontrée
par l'ensemble des lois de Moïse, et de plusieurs textes particuliers;
tels entre autres que ceux-ci:
Psaume 127 " Lorsque tu jouiras du labeur
de tes mains, tu seras bien heureux, et tu auras l'abondance "
Prov. Ch 28 et 29: " celui qui laboure
ses terres aura l'abondance, mais celui qui vit dans l'oisiveté
est dans la disette ".
Ibidem, ch.26 rt 27 " Laboure diligemment
ton champ, et tu pourras après édifier ton manoir
".
Misna, Traité d'Abot, ch.1 "
Aime le travail et fuis la paresse "
Qu'il suit évidemment de ces textes non
seulement qu'il n'est point de métier honnête interdit
aux Israélites, mais que la religion attache du mérite
à leur exercice et qu'il est agréable aux yeux du
Très Haut que chacun s'y livre, et en fasse, autant qu'il
dépend de lui; l'objet de ses occupations.:
Que cette doctrine est confirmée par
le Talmud qui; regardant l'oisiveté comme la source des vices,
déclare positivement que le père qui n'enseigne pas
une profession à son enfant, l'élève pour la
vie des brigands (T, Kidaschim, chap.1er).
En conséquence, le Grand Sanhédrin,
en vertu des pouvoirs dont il est revêtu,
Ordonne à tous les Israélites,
et en particulier à ceux de France et du royaume d'Italie,
qui jouissent maintenant des droits civils et politiques, de rechercher
et d'adopter les moyens les plus propres à inspirer à
la jeunesse l'amour du travail, et à la diriger vers l'exercice
des arts et métiers, ainsi que des professions libérales,
attendu que ce louable exercice est conforme à notre sainte
religion, favorable aux bonnes murs, essentiellement utile
à la patrie, qui ne saurait voir dans des hommes désoeuvrés
et sans état, que de dangereux citoyens.
Invite en outre le Grand Sanhédrin, les
Israélites des deux Etats de France et d'Italie, d'acquérir
des propriétés foncières, comme un moyen de
s'attacher davantage à leur patrie, de renoncer à
des occupations qui rendent les hommes odieux ou méprisables
aux yeux de leurs concitoyens, et de faire tout ce qui dépendra
de nous pour acquérir leur estime et leur bienveillance.
ARTICLE VIII
PRÊT ENTRE ISRAELITES
Le Grand Sanhédrin, pénétré
des inconvénients attachés aux interprétations
erronées qui ont été données au verset
19, chapitre 23 du Deutéronome, et autres de l'Ecriture Sainte
sur le même sujet, et voulant dissiper les doutes que ces
interprétations ont fait naître, et n'ont que trop
accréditées sur la pureté de notre morale religieuse
relativement au prêt,
Déclare que le mot hébreu nechech,
que l'on a traduit par celui d'usure, a été
mal interprété;
qu'il n'exprime dans la langue hébraïque qu'un intérêt
quelconque, et non un intérêt usuraire:
que nous ne pouvons entendre par l'expression française d'usure
qu'un intérêt au-dessus de l'intérêt légal,
là où la loi a fixé un taux à ce dernier;
de cela seul que la Loi de Moïse n'a pas fixé ce taux,
l'on ne peut pas dire que le mot hébreu nechech signifie
un intérêt illégitime.;
qu'ainsi, pour que là qu'il y eût lieu de croire que
ce mot eût la même acceptation que celui d'usure, il
faudrait qu'il en existât un autre qui signifiât intérêt
légal: que ce mot n'existant pas, il suit nécessairement
que l'expression hébraïque nechech ne peut point
signifier usure .
Que le but de la loi divine, en défendant
à un Hébreu le prêt à intérêt
envers un autre Hébreu était de resserrer entre eux
les liens de la fraternité, de leur prescrire une bienveillance
réciproque, et de les engager à s'aider les uns les
autres avec désintéressement,
Qu'ainsi il ne faut considérer la défense
du législateur divin que comme un précepte de bienfaisance
et de charité fraternelle,
Que la loi divine et ses interprètes
ont permis ou défendu l'intérêt selon les divers
usages que l'on fait de l'argent. Est-ce pour soutenir une famille
? L'intérêt est défendu. Est-ce pour entreprendre
une spéculation de commerce qui fait courir un risque aux
capitaux du prêteur, l'intérêt est permis quand
il est légal, ou qu'on peut le regarder comme un juste dédommagement.
Prêter au pauvre, dit Moïse; Ici le tribut de la reconnaissance,
l'idée d'être agréable aux yeux de l'Eternel,
est le seul intérêt; le salaire du service rendu est
dans la satisfaction que donne la conscience d'une bonne action.
Il n'en n'est plus de même de celui qui emploie des capitaux
dans l'exploitation de son commerce: là il est permis au
prêteur de s'associer au profit de l'emprunteur.
En conséquence, le Grand Sanhédrin
déclare, statue et ordonne, comme devoir religieux, à
tous les Israélites, et particulièrement à
ceux de France et du royaume d'Italie, de n'exiger aucun intérêt
de leurs co-religionnaires, toutes les fois qu'il s'agira d 'aider
le père de famille dans le besoin par un prêt oilicieux;
Statue en outre que le profit légitime
du prêt entre co-religionnaires n'est religieusement permis,
que dans le cas de spéculations commerciales qui font courir
un risque au prêteur, ou en cas de lucre cessant, selon le
taux fixé par la loi de l'Etat.
ARTICLE IX
PRËTS ENTRE ISRAELITES
ET NON-ISRAELITES.
Le Grand Sanhédrin voulant dissiper l'erreur
qui attribue aux Israélites la faculté de faire l'usure
avec ceux qui ne sont pas de leur religion, comme leur étant
laissé par cette religion même, et confirmée
par leurs docteurs talmudistes,
Considérant que cette imputation a été,
dans différents temps et dans différents pays, l'une
des causes des préventions qui se sont élevées
contre eux, et voulant faire cesser dorénavant tout faux
jugement à cet égard, en fixant le sens du texte sacré
sur cette matière;
Déclare que le texte qui autorise le
prêt à intérêt avec l'étranger
ne peut et ne doit s'entendre que des nations étrangères,
avec lesquelles on faisait du commerce, et qui prêtaient elles-mêmes
aux Israélites; cette faculté était basée
sur un droit naturel de réciprocité.
Que le mot nochri ne s'applique qu 'aux
individus des nations étrangères, et non à
des concitoyens que nous regardons comme nos frères:
Que même à l'égard des nations
étrangères, l'Ecriture Sainte, en permettant de prendre
d'elles un intérêt, n'entend point parler d'un profit
excessif et ruineux pour celui qui le paie, puisqu'elle nous déclare
ailleurs que toute iniquité est abominable aux yeux du Seigneur.
En conséquence de ces principes, le grand
sanhédrin, en vertu des pouvoirs dont il est revêtu,
et afin qu'aucun Hébreu ne puisse à l'avenir alléguer
l'ignorance de ses devoirs religieux en matière de prêts
à intérêt envers ses compatriotes, sans distinction
de religion.
Déclare à tout Israélite
et particulièrement à ceux de France et du royaume
d'Italie, que les dispositions prescrites par la décision
précédente sur le prêt officieux ou à
intérêt d'Hébreu à Hébreu, ainsi
que les principes et les préceptes rappelés par les
textes de l'Ecriture Sainte en cette matière, s'étendent
tant à nos compatriotes, sans distinction de religion, qu'à
nos co-religionnaires.
Ordonne à tous, comme précepte
religieux, et en particulier à ceux de France et du royaume
d'Italie, de ne faire aucune distinction à l'avenir en matière
de prêt, entre concitoyens et co-religionnaires, le tout conformément
au statut précédent.
Déclare en outre, que quiconque transgressera
la présente ordonnance viole un devoir religieux et pêche
notoirement contre la loi de Dieu.
Déclare enfin que toute usure est indistinctement
défendue, non seulement d'Hébreu à Hébreu;
et d'Hébreu à concitoyen d'une autre religion, mais
encore avec les étrangers de toutes les nations, regardant
cette pratique comme une iniquité abominable aux yeux du
Seigneur.
Ordonne également le Grand Sanhédrin,
à tous les rabins, dans leurs prédications, et leurs
instructions, de ne rien négliger auprès de leurs
co-religionnaires pour accréditer dans leur esprit les maximes
contenues dans la présente décision
Nous soussignés certifions véritable
la présente, et conforme au registre des procès verbaux
du Grand Sanhédrin.
Paris, le 8 Mars 1807
Le chef du Grand Sanhédrin D. SINTZHEIM
SEGRE, rabin, premier assesseur
COLOGNA, rabin, second assesseur
Michel BEER, scribe-rédacteur
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