MÉMORIAL DES FRANÇAIS RAPATRIÉS D’AFN ET D’OUTRE-MER CIMETIÈRE DE L’EST À METZ (MOSELLE) CÉRÉMONIE DE DEUIL ET DE RECUEILLEMENT DU 1er NOVEMBRE 2012 À 10H00
Allocution de Madame Danielle
Pister-Lopez, Vice-présidente du Cercle algérianiste,
section de Champagne-Grand Est, membre de l’Amicale, Maître de Conférences
honoraire à l’Université de Lorraine, site de Metz.
Mesdames
et Messieurs les Autorités Civiles et Militaires, Mesdames et Messieurs les
Présidents des Associations Patriotiques et du Souvenir Français, Mesdames et
Messieurs les Porte-drapeaux, Mesdames, Messieurs,
Chers
amis, Chers Compatriotes,
Le
Président, les membres et les sympathisants de l’Amicale des Pieds-Noirs de la Moselle, le Mouvement National des
Rapatriés d’AFN et d’Outre-mer, section Moselle et Marly, ainsi que leurs
frères Harkis, vous remercient d’être fidèles, depuis trente et un ans, à ce
rendez-vous du 1er novembre, pour cette cérémonie de recueillement en mémoire
des morts civils et militaires tombés en Afrique du Nord, toutes ethnies et
toutes confessions confondues.
Au terme
d’une année qui marque le cinquantième anniversaire de l’indépendance de
l’Algérie, obtenue dans des conditions qui ne cessent, depuis, de poser
problème de part et d’autre de la Méditerranée, on ne peut que s’interroger sur
la signification de cet hommage. Non pas que nous mettions en doute sa
légitimité. Pour nos associations, il s’agit au contraire d’un devoir sacré que
de saluer la mémoire de tous ceux qui sont tombés sur ces terres autrefois
étroitement liées à la France, par leur histoire commune et par la présence, en
ces lieux, de plusieurs générations de citoyens de nationalité française, tous
fidèles à une certaine idée de leur patrie, en termes de culture, d’humanisme et
de vertus républicaines que résume la devise nationale : Liberté, Égalité,
Fraternité.
Certes, la
mise en œuvre de ces principes a pu prêter à discussion et à débat. Nous sommes
les derniers à le nier, surtout que nous faisons partie des victimes de la trahison
des principes de notre République, alors qu’on nous impute la responsabilité de
les avoir bafoués. Mais, après le départ de la France, ces principes sont-ils
mieux respectés dans les anciens protectorats et dans les départements français
d’hier, voire même sur notre sol national, aujourd’hui ? Poser la question,
c’est y répondre au vu des tensions communautaires actuelles et des tragiques
événements de Toulouse, en mars dernier.
Alors,
quel sens donner à l’hommage que nous rendons à nos soldats et à nos
compatriotes, morts sur ces terres dont le destin nous a séparé et dont le
passé devient de plus en plus étranger à la mémoire historique de la France ?
Peut-on célébrer le sacrifice, consenti ou subi, de ces hommes, de ces femmes
et, hélas, de ces enfants, quand la France, faisant chorus avec l’Algérie, ne
cesse de dénoncer les « crimes » de la colonisation, quand l’on réduit
l’intervention des forces françaises à des massacres et à des actes de torture,
quand la colonisation ne signifie plus que spoliation et dévastation ? En toute
logique, il faudrait les vouer aux gémonies.
On ne
célèbre plus que la vertu des moudjahidines algériens dont on oublie l’action
terroriste dirigée, de 1954 à 1962, et encore au-delà, contre les civils
européens et musulmans, auxquels ils ont infligé torture et mort infâme. A
cette glorification s’ajoute celle des honorables porteurs de valises qui ne
semblent pas se poser la question morale de leur responsabilité, même
indirecte, dans la mort, les enlèvements et disparition de leurs compatriotes.
Si nous
sommes là, c’est que nous avons conscience d’être les derniers témoins qui
pouvons, parce que nous avons vécu les événements, dénoncer l’amnésie des
responsables politiques de tous bords, la désinformation, le lavage de cerveaux
auxquels les médias français soumettent les lecteurs des journaux nationaux et
les spectateurs de la télévision française. Celle-ci, en particulier, s’est
surpassée tout au long de cette année de commémoration du cinquantenaire de
l’indépendance de l’Algérie : toutes les émissions en première partie de
soirée, n’ont donné la parole qu’à des membres du FLN, ou à leurs soutiens inconditionnels,
reléguant les rares témoignages des Rapatriés au-delà de 23h. Immanquablement,
ils étaient accompagnés par des interventions contradictoires, de Pieds-Rouges
ou Verts, comme on a appelé ces métropolitains militants, arrivés en Algérie,
après l’indépendance. La palme revenant au Monde qui a publié, en date du 4
juillet 2012, un cahier spécial à la gloire du régime algérien actuel, dont le
lecteur distrait aura eu du mal à s’apercevoir qu’il s’agissait de pages
publicitaires achetées par le gouvernement d’Alger. Il fallait lire le
lendemain, dans le quotidien El Watan, la critique
acerbe que les Algériens, eux-mêmes, faisaient des informations diffusées par
leur propre régime. Des observateurs français expliquent la complaisance de certains
médias hexagonaux, par l’effet dévastateur des pétro-dinars dont ils
bénéficieraient.
Pour le
malheur des Pieds-Noirs et des Harkis, le
cinquantenaire de leur exil tombait en période électorale présidentielle. Par
conviction, ou par prudence, les candidats se sont bien gardés de manifester la
moindre sympathie à la mémoire des 80 victimes françaises tombées, alors qu’elles
manifestaient leur attachement à la France, le 26 mars 1962 à Alger, sous les
balles de l’armée françaises. Ils n’évoquèrent pas d’avantage les 750 disparus
français, selon l’estimation la plus basse, massacrés le 5 juillet à Oran, par
des éléments algériens, dits « incontrôlés », mais couverts par les nouvelles
autorités du pays, pour précipiter le départ des Français d’Algérie.
L’inqualifiable passivité du général Katz explique l’étendue de ce désastre.
Cet officier avait sous ses ordres une garnison de 18000 hommes chargés de
protéger la population. Pourquoi ces unités restèrent-elles consignées pendant
plus de six heures ? Katz agit-il ainsi avec l’aval de Paris ? Un demi-siècle après,
ce Silence d’Etat n’a pas été brisé.
Pas un
mot, au plan national, pour rappeler ce qu’a été le drame de l’arrivée, en
quelques semaines, d’un million de ressortissants français, dans une métropole
hostile. Ils furent l’objet d’injures racistes et de calomnies, diffusées même
par certains membres du gouvernement de l’époque et par des élus locaux, comme
le maire de Marseille, Gaston Deferre. Il ne manqua même pas, à l’initiative de
la CGT qui tenait le port de Marseille, des exactions, demeurées impunies,
contre les maigres biens ramenés par quelques familles : cadres plongés dans
l’eau de mer avant d’être fracassés sur les quais. Sans parler de l’odieux paillasson
déposé au pied des passerelles avec pancartes explicatives : « Prière d’essuyer
vos sales Pieds-Noirs », ou les banderoles
comminatoires : « Nous ne voulons pas de vous. Repartez chez vous ! ». Gaston Deferre,
en politique avisé, su récupérer plus tard les voix de ces Pieds-Noirs honnis.
Il faut
saluer l’initiative de certains quotidiens régionaux qui, tel le Républicain
lorrain, en mars de cette année, ont interrogé des témoins, de toutes opinions,
pour rappeler toutes ces souffrances. Dans notre département, seule la
communauté juive de Metz a commémoré solennellement l’arrivée, en Moselle, de
nos frères Sépharades et a publié une remarquable brochure, avec une belle et
émouvante préface du grand Rabbin de la Moselle, pour rappeler le drame de
l’exil. Rappelons que les Juifs d’Algérie résidaient sur ce territoire, pour une
partie d’entre eux, bien avant les invasions arabes. On peut regretter qu’à
Metz aucune autre autorité religieuse, n’ait cru devoir reconnaître les
souffrances et le courage avec lequel les Pieds-Noirs ont pris, seuls et méprisés, leur destin en mains, pour tenter de refaire leur
vie en métropole. Sans parler du silence assourdissant au niveau de l’Etat, si
prompt à s’émouvoir en d’autres occasions.
Récemment,
le Président de la République, François Hollande, s’est recueilli à New-York,
devant le mémorial des victimes du 11 septembre 2001. C’était légitime. Le 17
octobre dernier, il a tenu à « s’incliner » devant celles de la répression
d’une manifestation, à Paris, organisée à l’instigation de la Fédération de
France du FLN, légitimement interdite par les autorités françaises, en période
de guerre. Pourquoi le chef de l’Etat, débarrassé qu’il était des contraintes
électorales, n’a-t-il pas salué également la mémoire des 3000 civils et militaires
disparus, après le 19 mars 1962, date du prétendu cessez-le-feu ? Ce chiffre,
en l’absence de bilan officiel, ne tient pas compte de toutes les victimes des
attentats et des embuscades perpétrés sur le sol algérien, durant les sept ans
et huit mois qui séparent la Toussaint rouge de1954 de la célébration de l’indépendance,
le 5 juillet 1962, et bien au-delà, ?
Les
rapatriés attendent, toujours en vain, depuis cinquante ans, un mot de
compassion de la France. Comme si cela ne suffisait pas, le Sénat doit
officialiser le 19 mars 1962, comme marquant la fin de la guerre d’Algérie. Il
faut redire, hélas, que les victimes civiles et militaires, furent bien plus
nombreuses, après cette date et jusqu’aux premiers mois de 1963 que pendant
toute la durée de cette guerre. Oubliés le massacre d’au moins 80 000 Harkis,
la disparition de ressortissants français civils et militaires : ces crimes de
guerre n’ont jamais suscité la moindre condamnation officielle ni la moindre
recherche sérieuse de la part de la France.
Nous
sommes les derniers témoins du sacrifice de nos compatriotes. Notre mémoire
sera-t-elle leur dernier tombeau, destiné à disparaître avec nous, comme ont
été détruits nos monuments aux morts et nos cimetières en Algérie ?
En ce jour
de deuil, l’Amicale des Pieds-Noirs de la Moselle et
le Mouvement National des Rapatriés d’AFN et d’Outre-mer, section Moselle et
Marly, ainsi que leurs frères Harkis, veulent croire que votre présence exprime
votre volonté de maintenir la mémoire intacte et non falsifiée de l’histoire de
toutes ces victimes, militaires et civiles, tombées au nom de la France.
Leur
exemple nous donne encore la force de croire en notre patrie, et par respect
pour leur sacrifice, nous voulons dire, avec la ferveur qui a été la leur :
Vive la France !
Metz le
1er novembre 2012
Danielle
PISTER-LOPEZ,
Emile
JUAN, Président d’honneur,
Daniel
BOLUFER, Président de l’Amicale des Pieds-Noirs de
Moselle
Mis en page le 04 novembre 2012 par RP. |