Nice le 20 septembre 2008
Congrès
VERITAS
Intervention de Jean-Marie
AVELIN
Un homme, ça
s'empêche ...
Je viens d'avoir quarante ans, et
ma mère m'a dit, en m'embrassant : « juste
qu'ici, tu étais un jeune homme, maintenant tu deviens
un homme jeune, mais reste toujours un homme, mon fils. ».
Et je ne sais pas pourquoi, en entendant
cette phrase, j'ai pensé au « premier homme »
de Camus... Je crois que c'est dans ce livre que notre prix Nobel
écrivait : « Un homme, ça s'empêche... ».
Je n'ai jamais foulé le sol
de votre pays natal, mais je le porte en moi, dans chaque goutte
de mon sang comme un miracle de beauté, une fresque aux
couleurs trop vives, aux parfums trop lourds, la perpétuelle
résurrection d'une Méditerranée aux reflets
trop azurés, animée par des vagues mousseuses dont
l'enchantement ne cesse qu'au moment où le ciel se givre
d'étoiles, reliant la splendeur terrestre à la gloire
divine...
Je sais que, de génération
en génération, depuis mon premier ancêtre,
ce soldat-laboureur succombant au charme de cette terre que mes
parents revendiquaient comme la leur, et qu'ils ont fait mienne
sans que je n'ai n'y soit jamais allé, vous y avez tout
construit, tout bâti à partir de rien, tout édifié
sur des ruines, sur un désert...
Tout ce qui existe là-bas
est votre œuvre, le fruit de vos sacrifices, de votre sueur, de
vos larmes, et de votre sang...
Si ce pays se dit, aujourd'hui, une
nation, il vous le doit, car c'est vous qui avez construit des
villes, qui avez jeté des ponts sur les rivières,
qui avez ouvert des routes au travers des montagnes, qui avez
rendu à des paysages de pierres, l'or des moissons, et
qui avez transformé des marécages en vergers fleuris...
Vous avez fait tout cela, je le sais
et j'en ai porté témoignage, en classes primaires,
en classes secondaires, en université...Certains esprits
ouverts m'ont écouté, d'autres, idéologues,
m'en ont sanctionné, tandis, qu'autour de moi, d'autres
fils de Pieds Noirs baissaient la tête, et me reprochaient,
à la sortie, de ne pas tourner la page...
Mais cela m'a
aidé à avancer vers ce que mes chers parents voulaient que je
sois, et que je suis, aujourd'hui, un homme prêt à faire l'Histoire,
et non à la subir, prêt, aussi, à se battre pour défendre la mémoire
des siens, et qui saura la transmettre à sa descendance et j'en
veux pour preuve, la présence volontaire de ma fille de 11 ans
dans cette salle.
Oui, vous avez fait tout cela, et
voilà que dans une France égarée, ayant perdu
toutes les valeurs qui ont fait d'elle une grande Nation, on vous
le reprocherait comme un crime ?
C'est une véritable malédiction
qui vous a frappés... Pourquoi tant de haine contre vous ?
Pourquoi tant de rancunes ? Pourquoi cette vengeance stérile
qui vous poursuit et que rien ne peut assouvir ?
Et pourtant, c'est vous qui avez
dû faire face à la terreur, une terreur monstrueuse, barbare,
inhumaine, perpétrée par des êtres maléfiques
aux mains sanglantes qui ont égorgés, couchés
par balles, ou déchiquetés par bombes, tant d'innocents !
C'est d'eux dont parlait Camus, lorsqu'il
disait « Ces gens là ne sont pas des hommes, car,
un homme, ça s'empêche... »
Pour ces barbares, chaque nouveau
mort poussait les survivants vers leur propre tombe, inventant
chaque fois de nouveaux supplices selon la technique de la terreur
qui enferme l'homme dans un aparté permanent avec la peur,
jusqu'à le pousser aux actes les plus désespérés,
jusqu'à allumer les feux de votre Résistance, qui,
si elle fut écrasée, a le mérite et la gloire
d'avoir existé !
Et je suis fier, oui je suis fier,
d'avoir un père qui, servant dans les unités territoriales,
a participé aux Barricades d'Alger en 1960, où il
a vu tomber, à côté de lui, d'autres territoriaux
victimes du piège machiavélique qui frappait indifféremment
les gendarmes et les patriotes insurgés pour creuser un
fossé entre Français, entre la métropole
et vous, Français d'Algérie, alors que, même
actuellement, même courbés par l'âge, vous
relevez vos têtes blanchies par l'usure du temps, et ceci
parce, qu'en vous, la flamme du patriotisme ne veut pas s'éteindre...
Oui, je suis fier de mon père
qui voulait garder française sa terre natale et y défendre
son drapeau tricolore...
Il fut, après le putsch de
l'élite des Généraux français, auquel
il avait participé, arrêté et torturé
dans les officines du colonel Debrosse, à la caserne des
Tagarins... Certains connaissent...
Mais mon père a eu le courage
et la volonté de rester silencieux sous la torture, car
il voulait préserver un ami proche, un merveilleux chef
de guerre, le dernier des patriotes, auquel je me dois de rendre
hommage ici, et qui fut un jeune Résistant de la première
heure pendant la seconde guerre mondiale, Roger Degueldre .................
Celui-ci résista, de même,
en Algérie, contre le mensonge et la trahison, jusqu'à
sacrifier sa vie pour éviter l'effondrement dont nous sommes
les témoins, pour éviter votre exode, ou la fin
de vos frères dans quelques immondes charniers...
Et pour éviter, aussi, M.
Sansal ne me contredira pas, la misère actuelle du peuple
algérien, les harragas qui préfèrent le naufrage
à leur vie, le désespoir de la jeunesse dans ce
pays en ébullition, en somme deux formes de la même
souffrance : le passé définitivement gâché,
et l'avenir vidé même de l'espoir !
C'est contre tout cela que mon père,
comme tant d'autres, s'est dressé, c'est pour cela qu'il
a connu les geôles françaises, et il n'est pas le
seul ...
Je suis fier, aussi, du lien affectif
profond qui me lie au dernier maire d'Alger, lequel, a connu des
épreuves encore plus lourdes, puisqu'il a échappé
miraculeusement à la mort, et n'a jamais courbé
la tête, ni hier, ni aujourd'hui, où, face à
moi, avec une pugnacité extraordinaire, il se bat encore
contre toutes les techniques politiques mises en place par le
plus grand des imposteurs, pour vider les mots de leur sens et
les bourrer d'un sens exactement inverse !
Lorsque votre parti, le parti de
la France en Algérie fut anéanti par un chef d'Etat indigne et
pervers, on ne vous a donné, dégradante réalité, que le choix
entre la valise et le cercueil...
Ceux qui, hélas, n'ont pas
pu fuir, ont été enlevés, ravagés,
déchiquetés par la monstrueuse coalition de l'aveuglement
et de la barbarie...
Et quand ils n'ont plus eu de vivants
à martyriser, les barbares se sont tournés vers
les cimetières, en tentant de tuer une seconde fois les
victimes reposant dans ce champ du silence où, normalement,
devrait se taire la colère des hommes...
Là-bas, sur cette terre qui
était votre, que vous avez tant aimée et que vous
aimez encore, cette frénésie cette haine fanatique,
s'est, ensuite, dévoré, elle-même, dans le
paroxysme de sa propre fureur...
Et cette indépendance, dont
le nom résonnait aux oreilles des plus ingénus comme
une formule magique, s'est révélée être,
pour les Algériens, un mirage...
Aujourd'hui, ici, dans cette France
désaxée qui a perdu toute notion de civisme, de
morale, et même d'humanisme, cette France qui courbe la
tête devant l'ennemi d'hier, cette France qui fait preuve,
à la fois de veulerie et de masochisme, prête à
reconnaître « les crimes qu'elle n'a pas commis »
pour pouvoir pactiser avec ceux qui en sont les véritables
auteurs, croyez-vous que, lorsque vos voix se seront tues, vos
fils seraient capables de hurler avec les loups ?
Vos fils sont devenus des hommes,
et un homme, ça s'empêche... ça s'empêche
de trahir les siens, de détruire leur mémoire, et,
au contraire, ça la prend en charge, dignement, comme un
trésor, parce que l'œuvre accomplie est éclatante
de beauté et d'abnégation et que, biologiquement,
chacun de vos descendants devrait la porter en lui !
Et je lance un appel solennel aux
enfants de Pieds Noirs... Ouvrez les yeux sur le mal qu'on a fait
à vos parents... On ne s'est pas contenté de les
chasser de leurs demeures, de leurs souvenirs, de leurs certitudes...
On a eu peur de leurs dépositions de proscrits car ils
sont les derniers témoins d'un abominable déni de
justice ...
Alors, de victimes, on en a fait
des coupables, et la France actuelle, pour préserver un
mythe, est prête à s'agenouiller pour reconnaître
les fautes qu'ils n'ont pas commises...
Méfions-nous du politiquement
correct, méfions-nous de ces films à but commercial
qui ne dévoilent qu'une partie tronquée, dénaturée,
de l'œuvre française en Algérie, car vos descendants
pourraient croire que là est la vérité...
Alors, levez-vous, Enfants de Pieds-Noirs...
Empêchez vos parents de s'enliser dans une agonie sans fin... Prenez,
à votre charge, orgueilleusement, la mémoire de l'œuvre accomplie,
et jetez là à la face de ceux qui la dénigrent, car cette œuvre
était extraordinaire, éblouissante, admirable !
Si vous avez le courage et la
volonté d'agir ainsi, la mémoire de l'Algérie
Française ne se perdra pas... Au contraire, elle se bonifiera
au cours des ans et des générations, et, dans les
champs de la mémoire, les moissons seront belles parce
que les semailles auront été bien faites !
Je vous remercie de votre attention.