CELEBRATION DU 24 JANVIER 1960
50ème
ANNIVERSAIRE
Par
le Docteur Jean-Claude PEREZ
PRESENTATION DU
CONFERENCIER
Voici trois dédicaces
du général Salan qui constituent la meilleure présentation
possible de Jean-Claude PEREZ.
PREMIERE DEDICACE

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DEUXIEME DEDICACE

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TROISIEME DEDICACE

AVERTISSEMENT
Lors de cette conférence
du 23 janvier 2010 à Cagnes-Sur-Mer, je me suis employé à décrire,
préférentiellement, les évènements auxquels j'ai participé. Ou
plutôt, les évènements que j'ai suscités, provoqués ou ordonnés.
C'est la raison
pour laquelle vous noterez un emploi abusif mais incontournable
du « je ».
Il est certain
que lors de cette conférence, il ne me sera pas possible de décrire
toutes les péripéties de cet évènement dans leur intégralité.
Je me suis permis d'en relater l'essentiel. Mais, chaque fois
que possible, je ne laisserai pas passer l'occasion de situer
cette Semaine des Barricades d'Alger, dans la totalité du drame
de l'Algérie française. En précisant, à maintes reprises :
-
l'identité capitaliste, fondamentale et exclusive de la motivation
première de l'abandon de l'Algérie ;
-
le rôle pratiquement nul, joué par le parti communiste et les
forces de gauche en général dans le déclenchement
de cette guerre ;
-
le rôle négligeable du parti communiste dans le déroulement
des opérations militaires anti-françaises en Algérie ;
-
lorsque j'évoquerai le rôle des chrétiens progressistes, je
prendrai soin de souligner leur dépendance à l'égard des sectes
capitalistes qui ont prôné le délestage économique du débouché
algérien, dans le but d'augmenter la valeur ajoutée des capitaux
investis ;
-
parmi ces sectes capitalistes, je soulignerai le rôle décisif,
ou plutôt décisionnaire qu'a tenu la fraction pompidolienne
du capitalisme financier moderne. Le « pompidolisme »,
par l'intermédiaire de Monsieur Pompidou évidemment, a joué un
rôle « magistral » dans la prise du pouvoir
par le général De Gaulle. Celui-ci était, en réalité, le chargé
d'exécution du délestage de l'Algérie pour le compte de cette
fraction « pompidolienne » du capitalisme financier.
C'est, d'ailleurs, cette même fraction pompidolienne du capitalisme
financier qui, en 1969, participera d'une manière décisive
au départ du général De Gaulle à Colombey-les-Deux-Eglises.
Encore une fois,
pardonnez-moi de relater ces évènements à partir du point d'observation
qui fut le mien. Retenez simplement qu'il s'agit d'un point d'observation
à la fois essentiel et privilégié.
Avec mes sentiments
les plus cordiaux, en souvenir d'un combat que je ne renie pas.
Jean-Claude PEREZ
CELEBRATION DU 24 JANVIER 1960
Conférence donnée par le docteur Jean-Claude PEREZ
à Cagnes-sur-Mer, le 23 janvier 2010 à 10 H 30
A l'initiative du Collectif du Rassemblement National
des Français d'Algérie, de la Maison du Pied-Noir et de ses Amis
de Cagnes sur Mer et sur invitation de Gabriel Anglade.
Je
vous transmets une rédaction qui retouche à peine le contenu de
ma conférence.
Mesdames et Messieurs,
La
journée du 24 janvier 1960, il y aura demain 50 ans, fut la journée
au cours de laquelle fut gaspillée la meilleure chance, qui fût
offerte de sauver l'Algérie française.
Pourquoi ?
Pour
deux groupes de raisons.
Des raisons civiles
Des raisons militaires
A/
LES RAISONS CIVILES
A
cette époque, il existait en France un terroir politique, qui
n'était pas encore totalement hostile à l'Algérie française.
1°/ Certes, il existait une majorité à l'Assemblée Nationale,
regroupée dans un parti politique : l'U.N.R.. Mais
nous savions que la majorité de cette majorité s'était fait élire sur le thème de l'Algérie française.
Beaucoup de réunions électorales se sont déroulées au Chant
des Africains.
Il semblait raisonnable d'envisager que dans l'éventualité
d'un départ anticipé du général De Gaulle à Colombey-les-Deux-Eglises,
cette majorité de la majorité n'aurait éprouvée aucune répugnance
à revenir à ses véritables convictions.
2°/ Le Centre National des Indépendants et Paysans, siègeait
à côté de l'UNR. Il était en opposition, à propos de sa politique
algérienne, avec le général De Gaulle. C'était un parti représentant
des classes moyennes en France, dont on peut dire qu'il illustrait
une fraction lucide et raisonnable de l'esprit national français.
Un véritable séisme, à l'intensité mal évaluée à cette époque,
se manifesta cependant au sein de ce parti dans le courant de
l'année 1960. C'était après les Barricades d'Alger.
Nous étions alors à la prison de la Santé. Un député de ce CNI,
de l'Isère, manifesta par voie de presse, sa décision de se rallier
désormais à la politique algérienne du Général de Gaulle.
Immédiatement, se constitua un nouveau groupe parlementaire, celui
des indépendants giscardiens puisque c'est Giscard d'Estaing qui présida ce groupe.
Un groupe qui se ralliait, officiellement, à la politique algérienne
du général De Gaulle.
A posteriori,
il est facile de considérer que ce nouveau groupe, qui se
portait, en apparence, au secours de la politique algérienne
du général De Gaulle, représentait en réalité, à l'échelon
parlementaire français, une fraction très opérationnelle du capitalisme
financier moderne. Plus précisément de la fraction pompidolienne
du capitalisme financier. Celui-ci, avait prétendu démontrer
que la valeur ajoutée des investissements, pour être améliorée,
exigeait le délestage économique du débouché algérien.
Ce groupe parlementaire va apporter à l'UNR un soutien parlementaire
qui révèle la vigueur sous-jacente et presque silencieuse « du
pompidolisme » dans la mise en route de la politique
algérienne du général De Gaulle
Dès
la prise du pouvoir par le Général De Gaulle en 1958 en tant que
dernier président du Conseil de la IVème République, Pompidou
occupa les fonctions de chef du cabinet du général. Immédiatement,
il produisit un document : le document Pompidou, sur
lequel les historiens ne sont pas prolixes. Dans ce document,
élaboré avec l'aide de Brouillet et de Tricot, furent précisées
des modalités de prises de contacts rapides avec l'Organisation
Extérieure de la Rébellion Algérienne. Dans le but d'amorcer des
négociations pour aboutir, au plus tôt, à un cessez-le-feu. Un
lieu de rencontre avait été choisi. C'était en Espagne franquiste,
à Barcelone plus précisément. Les services spéciaux espagnols
avaient déjà pris toutes leurs dispositions pour protéger les
émissaires FLN contre toute tentative d'agents français qui auraient
été animés de mauvaises intentions à leur égard. Pompidou, ancien fondé de pouvoir de la banque Rothschild,
se révélait être un chargé d'exécution d'élite de la thèse capitaliste,
fondamentale et exclusive, du largage de l'Algérie française.
Celle-ci fut abandonnée pour le bénéfice espéré du grand argent
et non pas pour promouvoir un essor économique du peuple algérien.
Le délestage économique, voilà
qui résume le pourquoi de la décolonisation en général, et plus
précisément du délestage de l'Algérie française. C'était une stratégie
exclusivement capitaliste. Il est utile de le rappeler sans arrêt.
Malgré
le ralliement extrêmement productif de cette fraction des indépendants
giscardiens à la politique algérienne du général De Gaulle,
il restait néanmoins une fraction majoritaire du CNI,
encore favorable et militante à la thèse de l'Algérie française.
Qui s'efforçait de faire entendre sa voix.
3°/Par ailleurs, il nous faut rappeler que dans les milieux
de la presse, l'unanimité n'était pas faite pour sonner l'hallali
de l'Algérie française. A Paris, deux quotidiens au moins défendaient
la survie de cette terre, en tant que terre française : L'Aurore
et Combat. En province, de nombreux autres périodiques défendaient
la vie des départements français d'Algérie.
De
multiples associations d'Anciens Combattants, d'Officiers de réserve,
de Combattants de l'Union française, soutenaient, chacune à sa
place, notre terre française d'Algérie.
B/ LES RAISONS MILITAIRES
En Algérie, l'armée française était majoritairement acquise
à la thèse et à l'espérance de l'Algérie française.
Une adhésion qui était confortée par les brillants succès
que remportaient nos soldats sur les crêtes, dans le combat anti-FLN.
Le général Challe, commandait en chef.
Le général Massu, jusqu'au début du mois de janvier 1960,
commandait le corps d'armée d'Alger et assurait la gestion administrative
de tous les départements de l'Algérois. Le colonel Argoud occupait
les fonctions de chef d'état-major du corps d'armée d'Alger.
Le colonel Godard assurait les fonctions de chef de toutes
les polices d'Algérie, de la frontière marocaine à la frontière
tunisienne.
Le général Faure commandait en Kabylie.
Le général Miranbaud commandait les Territoires du Sud.
Le colonel Bigeard commandait le secteur de SAIDA.
Dans le Constantinois, le colonel Vaudrey commandait
le secteur de Philippeville, le colonel Romains-Desfossés commandait
le secteur de Collo.
Les commandos de chasse, les divisions aéroportées, et
surtout les Harkis étaient majoritairement favorables à l'Algérie
française et disposés à s'engager dans un mouvement salvateur
de cette terre, certes, mais salvateur en même temps de la France,
de l'Europe et de l'Occident.
Car nous avions conscience de lutter avant tout pour
la France, mais aussi pour l'Europe et l'Occident. Un Occident
qui à cette époque, se terminait au niveau du mur de Berlin et
du rideau de fer, avec au-delà, un grand point d'interrogation
quant à l'avenir de ces terres et des peuples de l'est européen.
Je le souligne encore : ce 24 janvier fut la journée
qui n'aurait jamais dû être gaspillée. Gaspillée par ceux qui
n'ont pas voulu comprendre que la révolte d'Alger était en réalité
une invitation à la victoire. La victoire de la France, de l'Europe
et de l'Algérie française.
Au
début de l'année 1959, mon camarade et frère d'armes, Joseph Ortiz,
décida de lancer un nouveau mouvement : le Front National
Français.
Nous
avions interprété avec d'autres, comme il se devait, la signification
de la prise de pouvoir par le général De Gaulle à partir du mois
de juin 1958, après le fameux 13 mai 1958.
Nous
avions refusé, avec très peu d'autres, le OUI au référendum du
28 septembre 1958. Parce que nous avions compris qu'à n'importe
quel moment, l'intégrité nationale, c'est-à-dire l'intégrité
territoriale française, pouvait être remise en question par voie
de référendum. Cette constitution de 1958 mettait notre patrie
à la merci des aléas politiques qui pouvaient surgir sur le territoire
métropolitain et ailleurs.
C'était
la base de notre anti-gaullisme de 1958-1959 et nous avons évidemment
entrepris des recherches de renseignements pour connaître les
véritables intentions opérationnelles du général De Gaulle.
Au
moment du référendum, dans ma volonté désespérée d'engager mes
compatriotes à voter NON, je m'appuyai sur un article publié dans
la revue des « DEUX MONDES », au début de l'année 1958.
C'est au printemps 1958, 50 jours environ avant le 13 mai 1958,
que j'eus connaissance de cet article.
Il
s'agissait en réalité d'une interview de Bourguiba, rapportée
dans cette revue, qui exposait ses prévisions sur l'avenir de
l'Algérie. Il divisait les Français en deux grandes catégories.
-
Les « nordistes » : c'est le terme qu'il employait. Les nordistes,
qui regroupaient essentiellement les partis de gauche et le monde
syndical français. Ceux-là, précisait Bourguiba, étaient favorables
à l'indépendance de l'Algérie.
-
Les « sudistes » : c'est le terme qu'utilisait encore une fois,
Bourguiba. Il y regroupait les Français d'Algérie, les Français
de métropole qui, normalement militaient dans des mouvements qui
représentaient l'ensemble de la droite nationale française.
Bourguiba
déclarait en substance :
« Les
sudistes sont prêts à s'appuyer sur l'armée, à solliciter son
concours pour un éventuel coup de force dans le but de garder
l'Algérie à la France. Et dans cette perspective, ils n'hésiteront
pas à faire appel au général De Gaulle. Mais, ils ignorent que
le général De Gaulle est celui qui leur imposera l'indépendance
de l'Algérie et qui va se jouer d'eux pour les engager dans une
politique qui n'est pas du tout favorable à l'Algérie française ».
J'ai
utilisé le contenu de cet article au cours de différents contacts,
durant l'été 1958, auprès de mes confrères médecins, auprès de
notables de l'Algérie française, auprès de mes amis personnels,
dans ma famille, auprès de mes patients, pour essayer de les convaincre
de voter NON au référendum prévu pour le 28 septembre 1958.
Je
me suis fait, la plupart du temps, traiter de tous les noms d'oiseaux
que vous pouvez imaginer.
Certains
sont même allés jusqu'à me dire :
« En
réalité, tu es un marxiste parce que tu raisonnes comme eux ».
Cette
réflexion de ceux qui étaient prêts à se laisser tromper, dans
l'enthousiasme, par le général De Gaulle, me fut souvent opposée.
En
France, lorsque vous proposiez une technique de raisonnement bien
argumentée, bien structurée, on avait tendance à vous traiter
de « marxiste », comme si les marxistes étaient les
seuls à être capables de conduire un raisonnement supposé logique.
Mais,
aussi bien Ortiz que moi-même, avons cherché à savoir. Et nous nous sommes informés auprès de sources de renseignements
qui étaient extrêmement fiables, sources de renseignements émanant
souvent de la Sécurité du Territoire et des Services de Renseignements
Militaires. Renseignements fournis grâce à une osmose de sympathie
entre quelques membres de ces services et nous.
Et
nous avons appris ceci.
En 1956, le général De Gaulle était souvent présent rue
de Solferino à Paris dans le 7ème arrondissement, dans les locaux
de l'ancien RPF. Il avait constitué un bureau politique, à l'initiative
et sous la direction d'Olivier Guichard.
Ce cabinet politique n'avait d'autre but que d'étudier
un processus de négociation avec l'Organisation Extérieure
de la Rébellion Algérienne. A partir de la rue de Solferino, le général De Gaulle
nouait des contacts avec Bourguiba, ainsi qu'avec l'Organisation
Extérieure de la Rébellion Algérienne.
Je vous rappelle qu'à cette époque le GPRA n'existe pas
encore : il verra le jour 10 jours avant le référendum du
28 septembre 1958, au Caire, en présence de deux émissaires gaullistes
clandestins : Farès et l'écrivain Amrouche.
En 1956 existait encore le CRUA, qui
avait fait suite à l'Organisation Secrète (l'OS) née du MTLD, qui
fut la base de la constitution du FLN. Plus tard, vont naître,
après le congrès de la Soumam, le CNRA et le CCE.
Donc en 1956, il existe une Organisation Extérieure de
la Rébellion Algérienne, représentée en Suisse, en Tunisie, en
Egypte et un peu partout dans le monde, y compris en Espagne et
en Italie.
Les contacts entre De Gaulle d'une part, Bourguiba et
le FLN extérieur d'autre part, vont s'exercer par l'intermédiaire
de plusieurs personnalités parmi lesquelles :
1.
Son excellence l'ambassadeur de Tunisie à Paris, Monsieur
Masmoudi.
2.
Un journaliste autrichien, très engagé dans la thèse
de l'indépendance de l'Algérie qui s'appelait Rosenberg.
3.
Monsieur Palewski, ambassadeur de France à Rome..
4.
Maître Boumendjel. Celui-ci assura à Berne, capitale
fédérale suisse, des contacts avec des chefs FLN puis avec Ferhat
Abbas, dès que celui-ci eut rejoint le FLN en 1956. Boumendjel
rendait compte au général De Gaulle, rue de Solferino, de ses
entretiens avec les différents leaders de la rébellion algérienne.
Et il s'entendit dire par le général De Gaulle : « Il
est bien certain que l'Algérie sera indépendante ».
En
1959, nous n'étions pas en possession d'informations aussi bien
structurées, comme je crois vous les présenter aujourd'hui même.
Mais
« on » avait pris soin de nous avertir de ces contacts.
Depuis lors, elles ont été confirmées par des ouvrages,
en particulier les études du général Jacquin qui, je vous le rappelle,
avait été le dernier patron du BEL, Bureau d'Etudes et de Liaisons.
Celui-ci avait succédé au CCI, Centre de Coordination Interarmes,
l'une des ultimes structures des services spéciaux militaires
en Algérie.
Pour nous, en 1958 et 1959, le général De Gaulle était
animé de la volonté d'abandonner l'Algérie française. C'était
une certitude absolue.
Une conviction basée sur une étude de renseignements particulièrement
fiable.
Ce qui nous a conduits à créer ce mouvement le FNF, comme
je vous l'ai rappelé précédemment.
C'était un mouvement essentiellement patriotique.
Ortiz était certes engagé politiquement, avec Goutallier
et d'autres, dans le poujadisme. Il avait occupé des responsabilités
dans l'UDCA et en 1955, j'avais pris contact avec
lui pour coordonner nos opérations anti-terroristes. Nous avions
passé en 1957 deux mois en prison, à Barberousse, lorsque je fus
inculpé de tentatives de destruction d'édifices publics et de
tentatives de provoquer la mort, lors de mon engagement dans le
contre-terrorisme.
Je n'avais jamais fait de politique. Je continue à ne
pas faire de politique et je ne suis membre d'aucun parti. J'ai
toujours été indépendant, libre mais convaincu à outrance du combat
qu'il a fallu mener.
Le FNF éprouva, au début, quelques difficultés à trouver
des adhérents. Nous y sommes parvenus néanmoins, mais à vrai dire,
c'était bien pauvre, à l'instar d'ailleurs, de tous les autres
mouvements patriotiques d'Algérie. Les Pieds-Noirs furent très
longs à comprendre que tout reposait, avant tout, sur leur volonté
de combattre le pouvoir mortel, qui s'était emparé de la France
par surprise, dès le mois de juin 1958.
Tout a changé brutalement à partir de deux évènements :
1.
le discours du 16 septembre 1959 prononcé par le général
De Gaulle,
2.
l'affaire Massu, lorsque le général Massu fut rappelé
à Paris par le général De Gaulle, au début de l'année 1960. Evènement
qui servira de déclencheur à la manifestation du 24 janvier 1960.
Il EST IMPORTANT D'INSISTER TOUT D'ABORD
SUR LE DISCOURS DU 16 SEPTEMBRE 1959
Ce
discours exprime, avant toute autre considération, un véritable
dégoût à l'égard de l'Algérie. Un dégoût éprouvé par le chef de
l'état, un dégoût suscité, suggéré, et projeté vers l'auditoire.
En
dehors de toute autre interprétation, le chef de l'état a voulu
générer dans l'esprit de nos concitoyens métropolitains, par les
mots qu'il emploie, un refus de l'Algérie.
Mais
quand il évoquait l'Algérie, il ne pouvait éviter évidemment,
de s'exprimer sur les femmes et les hommes qui y vivaient. Que
dit-il à leur propos ?
« Là,
végètent des populations »
Il
ne prend pas de gant. Il exprime, par ce propos, un mépris absolu
à l'égard de l'œuvre française en Algérie. Il utilise le verbe
« végéter » avec une délectation pleine de dédain pour ces populations,
dont il avait dit seize
mois plus tôt, qu'elles étaient constituées de Français à part
entière. A propos de cette formulation que l'on doit au général
De Gaulle, au début du mois de juin 1958, lors de son discours
au Forum d'Alger, permettez-moi d'apporter ici, une précision
que je ne peux différer.
Ce
jour-là, le général De Gaulle ne fait qu'exprimer une vérité vieille
de 128 ans. En effet,
les sujets français, c'est-à-dire
les indigènes algériens de confession musulmane, sont titulaires
de la nationalité française depuis l'arrivée de la France. Ils
sont soumis au code pénal français, au droit constitutionnel français
et tributaires, en vertu de celui-ci, au devoir de conscription
depuis 1912.
Mais
ils ne sont pas citoyens français. Leur
refus de se soumettre au code Napoléon, comme tous les autres
citoyens français, ne leur permet pas d'accéder à la qualité de
« citoyens français ». Celle-ci impose une renonciation
définitive au code coranique et par voie de conséquence, une soumission
au code Napoléon.
Donc,
je me permets d'insister : lorsque le général De Gaulle déclare
« Il n'y a ici que des Français à part entière », il n'offre rien. Il fait un constat.
Revenons
à ce discours du 16 septembre 1959. Voulant enfoncer encore plus
le clou du mépris qu'il éprouve à l'égard de ces populations, il précise :
« Une
population, doublant tous les 35 ans »
Vient
alors une autre précision qui illustre le summum de son dédain,
quant il soutient :
« Elles
sont, pour les trois-quarts, plongées dans une misère qui est
comme leur nature »
Nous
avons bien compris : la nature de ces populations c'est
d'être miséreuses.
Conclusion
logique qu'il veut susciter chez son auditoire :
« Que
voulez-vous que l'on en fasse chez nous ? »
Si
ce propos n'est pas un propos discriminatoire, il faudrait nous préciser ce qu'il est vraiment. Car
je ne vois pas, aujourd'hui, un chef d'Etat traiter une population
africaine, ou une population insulaire des Caraïbes, de « populations
dont la nature est d'être miséreuse ». L'accusation
de racisme serait
formulée avec une véhémence qui inviterait l'auteur de ce propos
à un silence prudent.
Mais
que va-t'il proposer à ces populations ?
Une
auto-détermination
La première question
qui surgit, c'est celle-ci : Quand ?
Le
général De Gaulle n'est pas avare de précisions car il indique
avec un aplomb surprenant :
« au
plus tard quatre années
après
le retour effectif à la paix »
Oui,
mais comment définir la paix ?
« C'est
une situation telle, qu'embuscades et attentats n'auront pas coûté
la vie à 200 personnes en 1 an »
Nous
avons bien retenu le message :
-
jusqu'à 200 cadavres par an c'est la paix,
-
à partir de 201 cadavres par an, c'est la guerre.
Je
me suis permis, lors du procès des Barricades, quelques mois plus
tard, de souligner la puérilité de ce propos, devant mes juges
du Haut Tribunal Militaire de Paris.
Quelles
options va-t'il offrir à ces populations dont la nature est d'être
miséreuse ?
Il
propose « trois solutions ».
Attention, il propose « 3 solutions concevables »
Je
souligne l'importance de cet adjectif « concevable ».
PREMIERE OPTION : LA SECESSION
C'est
la première option « concevable » qu'il envisage dans un premier temps.
Qu'en
pense-t'il ? Son opinion est nette :
« ...
un tel aboutissement serait invraisemblable et désastreux ».
Soulignons,
en passant, qu'il n'ose pas utiliser le terme « d'indépendance ».
Quand
il utilise le terme de « sécession », il veut imputer la décision de cette solution aux Algériens
eux-mêmes. Mais, dans le cadre de cette option, il croit opportun
d'ajouter une précision frappée du sceau du ridicule le plus
absolu. Après avoir évoqué le chaos qu'elle provoquerait, l'égorgement
généralisé et l'extraordinaire malheur qu'elle entraînerait, il
précise qu'il redoute l'installation de :
« la
dictature belliqueuse des communistes ».
Aujourd'hui
on se rend compte, quand on relit ce discours avec attention,
que lui-même n'en croit pas un mot ! Le général De Gaulle,
en effet, en septembre 1959, est parfaitement informé que les
communistes algériens ne jouent absolument aucun rôle dans les
opérations de la guerre d'Algérie.
Nous
avons vu précédemment, que le déterminisme stratégique de l'abandon
de l'Algérie était exclusivement capitaliste. Il s'exprimait dans
la thèse du délestage économique de l'Algérie. Dans le but capitaliste
d'améliorer la valeur ajoutée des investissements.
Sur
le plan tactique, en 1956, Hadjerès, chef du PCA, sollicite en
insistant, la participation des communistes au combat livré par
le FLN. Il s'adresse au chef de la ZAA, Ben Khedda qui lui répond par un refus,
en obéissance aux consignes qui lui sont transmises par l'Organisation
Extérieure de la Rébellion Algérienne.
A
propos de cette Organisation Extérieure de la Rébellion Algérienne,
permettez-moi de vous rappeler qu'à cette époque, en 1956, il
n'existe pas de gouvernement en exil. Il
existe encore, nous l'avons vu, un vague CRUA, Comité Révolutionnaire
d'Union et d'Action. Celui-ci est né au mois de juin 1954. Il
est né à partir de l'Organisation Secrète, l'OS, qui est une fraction
dissidente du MTLD de Messali Hadj, permettez-moi de le souligner
une fois de plus.
En
1954, cette même fraction belliqueuse du MTLD, va convoquer une
réunion préparatoire de la guerre d'Algérie.
Où
va-t'elle se tenir, cette réunion ?
En
Belgique, dans le Brabant, dans la petite ville de Hornu. Dans
une salle de cinéma.
Quand ?
Le
matin du premier dimanche de juillet 1954.
Par
qui est-elle organisée ?
Cette
réunion fut organisée à l'initiative de deux leaders anti-français,
particulièrement militants :
-
Khidder, membre
actif de l'OS, ancien du MTLD, ancien du PPA de Messali Hadj,
-
Lahouel,
qui lui, remplit les fonctions d'adjoint du maire FLN d'Alger
Jacques Chevallier.
Ces
deux hommes, vont obtenir de l'assemblée réunie ce jour-là à Hornu
dans le Brabant, une décision opérationnelle. Celle-ci sera différée
à cause du tremblement de terre d'Orléansville qui va survenir
dans le courant de ce même mois de Juillet 1954.
Mais,
par qui étaient mandatés Lahouel, adjoint du maire FLN d'Alger
Jacques Chevallier et Khidder, membre de l'OS, l'Organisation
Secrète ?
Etaient-ils
mandatés par le Parti Communiste français ? Par le Parti
Communiste algérien ? Par les Services Secrets soviétiques ?
Pas
du tout.
Ils
étaient mandatés et manipulés par la C.I.S.L.
Il
s'agit de la Confédération Internationale des Syndicats Libres,
émanation européenne de l'énorme Fédération Américaine
du Travail, qui est une fédération intersyndicale de droite. Elle prétendait supplanter en Europe, les organisations
syndicales de gauche, dont elles pensaient qu'elles étaient soumises
à l'influence soviétique. Cette CISL n'hésite pas à financer cette
première décision de déclencher la guerre d'Algérie.
Le
premier financement se monte à 500.000 dollars. Dès le mois de
juillet 1954 ils seront attribués à Khidder et à Lahouel. Cet
argent, est fourni pour 50 % par la CISL elle-même. Les autres
50 % sont fournis par les pétroliers de l'ARAMCO, consortium dont
l'un des principaux actionnaires est un puissant financier américain,
M. Hammer, fils. Celui-ci, intervenant financièrement sur directives
des services spéciaux américains.
Le
général De Gaulle ne peut dont ignorer que depuis 1954, c'est
une organisation capitaliste internationale qui est à l'origine
du déclenchement de la guerre d'Algérie.
Il s'agit d'une fraction du capitalisme financier moderne qui
s'exprime en France à cette époque-là, par l'intermédiaire d'une
mouvance capitaliste très active, que j'ai déjà évoquée :
il s'agit de la mouvance pompidolienne. C'est elle qui actionne
De Gaulle, en réalité. C'est elle qui en 1969, l'obligera à quitter
le pouvoir.
Nous
avons vu que cette fraction du capitalisme financier, avait décidé
qu'il était stratégiquement nécessaire de mettre en œuvre les
opérations
de délestage économique du débouché algérien dans
le but d'augmenter la valeur ajoutée des investissements
Cette
opération de délestage, d'un point de vue tactique strict, consistait
à se débarrasser des peuples ou plutôt pour s'exprimer comme le
général De Gaulle, des populations qui y végétaient et dont
la nature était d'être miséreuse.
Nous
détenons ainsi la preuve que le parti communiste français, algérien
et international, n'était intervenu en rien dans le déclenchement
de la guerre d'Algérie d'une part. D'autre part, il n'intervenait
en rien en 1956, dans les opérations du FLN déclenchées sur le
terrain. Et c'est pratiquement en larmoyant que le communiste
Hadjérès a mendié à Ben Khedda, l'autorisation de participer à
la guerre.
Le
premier refus de Ben Khedda, fut annulé secondairement. Sur recommandation
de l'extérieur, il accepta la participation des communistes algériens
dans le combat, à la condition,
d'un
silence absolu en ce qui concerne les convictions et le programme
politique communistes.
En
aucun cas Hadjérès n'était autorisé à faire du prosélytisme
au sein des maquis FLN.
Hadjérès
répliqua : « mais c'est notre mort politique que
tu recherches ! »
Il
accepta néanmoins. Il tint cependant à enrichir cette corbeille
de mariage d'un beau cadeau. Ce fut l'origine de l'affaire
de l'aspirant Maillot.
Celui-ci
vola un camion d'armes, aux dépens de 20ème BT de Miliana.
Ce
camion d'armes fut partagé en deux lots.
1°/Le premier
lot fut affecté à l'équipement d'un maquis organisé dans le Haut-Chélif,
pas loin de Lamartine. Ce maquis était commandé par un instituteur
communiste, Laban, qui s'était illustré pendant la guerre civile
espagnole, dans les Brigades Internationales. Maillot, va s'incorporer
à ce maquis, comme commandant en second. Ce maquis sera encerclé
par le 1er REP et anéanti par des hommes du contingent,
du 20ème BT.
2°/Un deuxième
lot sera stocké dans une villa algéroise. Il s'agit d'une villa célèbre du clos Salembier, à
l'est d'Alger, dans un ensemble immobilier à vocation socio-humanitaire dirait-on aujourd'hui. Cette villa était sous la dépendance
administrative et économique du maire FLN d'Alger, Jacques Chevallier.
Dans cette villa étaient hébergés des ennemis de l'Algérie française.
C'est un rôle qui fut attribué à cette villa, jusqu'en 1962
inclus : y accueillir tous les ennemis de l'Algérie française,
de toutes origines. Y étaient cachés à cette époque, en 1956, le docteur
Chaulet et son épouse, catholiques progressistes qui s'étaient
inscrits dans le camp du FLN, dès le 1er novembre 1954.
Madame Chaulet n'hésitait pas à affirmer :
« ne dites pas de nous que nous sommes pour le
FLN. Nous sommes du FLN ».
C'est madame Chaulet qui réussit à incorporer une fraction
importante de cet armement dans une voiture américaine :
fusils, carabines, PM et FM. Munie des documents qui lui permirent
de passer à travers tous les barrages de police, madame Chaulet
parvint à livrer cet armement au chef rebelle Khodja qui opérait
en Grande Kabylie, dans le secteur de Palestro.
C'est à l'est
de cette ville franco-kabyle que fut montée une embuscade
contre une section de fantassins français. Il s'agissait
de rappelés qui, dès leur arrivée en Algérie,
furent engagés dans une opération extrêmement
périlleuse. 18 de ces soldats furent odieusement massacrés
et achevés : les yeux crevés, le ventre
ouvert, la gorge tranchée et les couilles entre les dents.
Car pour le FLN il ne s'agissait pas seulement de tuer. Il
s'agissait aussi, de frapper l'imagination.
Donc,
l'extraordinaire malheur, prévu
publiquement et verbalement par De Gaulle en cas de sécession
ne pouvait pas être imputable au parti communiste, dont la dictature
n'était pas à redouter en Algérie. C'était un leurre, utilisé
depuis longtemps pour occulter, par tous les moyens, l'identité
capitaliste exclusive de cette guerre d'Algérie.
DEUXIEME OPTION : LA FRANCISATION
C'est
un terme qui fut choisi par le général De Gaulle. On sait qu'il
refusa le terme d'intégration. Pourquoi ?
Parce qu'il s'agissait d'un mauvais terme ?
Pas
du tout.
Le
général De Gaulle, comme il l'exprima à un journaliste, refusa
d'employer le terme « d'intégration » parce que l'on
s'obstinait à lui demander de le faire.
Ce
refus d'employer
ce terme, cet entêtement terminologique, traduisait une volonté
obsessionnelle à la limite du « paranormal ».
Il proposa la francisation, en des termes extrêmement instructifs,
en précisant les conséquences de celle-ci, selon lui :
« ...
les Algériens pouvant accéder à toutes les fonctions publiques... »
« ....résidant
ou travaillant où bon leur semble... »
« ...
devenant parti intégrante du peuple français... »
« ....
qui s'étendrait dès lors, EFFECTIVEMENT DE DUNKERQUE A TAMANRASSET... »
Il
manquait un commentaire de sa part qui aurait pu être celui-ci :
« voilà
ce que vous subirez en cas de francisation de l'Algérie ».
Il
ne voulait qu'une chose : provoquer une réaction de refus,
de rejet, de crainte chez nos compatriotes de la mère-patrie.
Comment
s'exprimerait-il aujourd'hui devant un état de fait qu'il redoutait
et qui, grâce à lui, est en train de s'établir en France, dans
des conditions extrêmement défavorables pour l'avenir ethnico-religieux
de la France. Il devait savoir, déjà, à cette époque, en 1959
que Ben M'hidi avait déclaré en 1957 :
« Vous
voulez la France de Dunkerque à Tamanrasset, je vous prédis moi
que vous aurez l'Algérie de Tamanrasset à Dunkerque ».
Ce
qui ne manquera pas de se réaliser, progressivement et à bas-bruit,
si l'arabo-islamisme fondamentaliste continue à jouir encore des
moyens nécessaires au déploiement de son influence révolutionnaire
sur l'ensemble du territoire français.
TROISIEME OPTION : UNE ALGERIE EN UNION ETROITE
AVEC LA FRANCE
I
– Comment ?
« Par
l'intermédiaire d'un lien de type fédéral », souligne-t'il.
II
– Pourquoi ?
De
manière à protéger chacune des communautés religieuses d'Algérie.
Il évoque donc :
1°/
un lien fédéral entre l'Algérie nouvelle et la France.
D'un point de vue institutionnel, c'est une impossibilité.
Pourquoi ? Parce que la France n'est pas une République fédérale.
La France n'étant pas une république fédérale, il est impossible
en vertu de la constitution de 1958, d'envisager un lien fédéral
avec un autre Etat.
2°/ Il évoque
aussi les garanties
à rechercher pour l'avenir des trois grands courants religieux
qui cohabitent en Algérie. Il s'agit de :
. la religion
juive,
. la religion
chrétienne
. la religion
musulmane
par ordre d'ancienneté historique.
S'il
est opportun d'envisager une protection de chacune des trois collectivités
religieuses, il est évident qu'il s'agit d'une protection dont
devront bénéficier, avant tout, les religions minoritaires, c'est-à-dire
la juive et la chrétienne. Car la religion musulmane était largement
majoritaire en Algérie. Elle n'avait rien à redouter d'une oppression
exercée par les deux autres religions.
Mais peut-on dire
que la religion musulmane représentait en Algérie
un danger pour le christianisme et le judaïsme ?
Ma réponse
serait négative, comme elle serait négative
actuellement en France métropolitaine, dans la mesure
où la religion musulmane persisterait dans sa vocation
d'exprimer une foi en Dieu et de proposer aux fidèles un
cheminement pour accéder à Sa connaissance. Dans
cette éventualité il s'agit en effet d'un vécu
compatible avec la laïcité. Donc d'un vécu
dépourvu de danger pour le christianisme et la religion
juive.
Seulement,
en Algérie, nous le savons, la religion musulmane était devenue
un instrument de guerre qui fut élaboré, forgé, structuré à partir
de 1920, au lendemain de la loi du 4 février 1919.
Je
rappelle que le 4 février 1919, une loi fut votée qui offrait
la possibilité aux nationaux français d'Algérie de confession
musulmane, d'accéder à la citoyenneté française.
Je
rappelle que les sujets français d'Algérie, de confession musulmane, étaient des nationaux français,
depuis 1830. Napoléon
III l'avait bien précisé dans le Sénatus-Consulte du mois de juillet
1865.
Napoléon
III, à cette occasion, n'avait rien offert. Il avait constaté
que les musulmans français d'Algérie étaient obligatoirement des
nationaux français puisqu'avant l'arrivée de la France, ils
ne jouissaient d'aucune nationalité. La Porte Ottomane avait refusé d'en faire des sujets
turcs. Ils étaient, en conséquence, apatrides sur leur propre
terre. Je revendique pour le Cercle Algérianiste de Nice et
des Alpes-Maritimes, le mérite d'avoir précisé cette notion, grâce
à l'étude juridique produite par Me Fabiani.
La
nationalité française a fait partie du voyage, avec le drapeau
français. Les sujets français étaient soumis au droit pénal et
au droit constitutionnel français. Mais ils n'étaient pas soumis
au droit civil, au code Napoléon.
Les
exigences religieuses constituaient une barrière que les différents
gouvernements français n'ont pas voulu rendre franchissable. C'était
pourtant ce qu'il fallait oser faire, pour que ces sujets français
puissent accéder librement à la citoyenneté française.
Cette loi du 4 février
1919 proposait cependant une procédure extrêmement
simplifiée. Il suffisait au national musulman français
pour accéder à la citoyenneté française,
de se présenter dans le bureau d'un juge de paix et
de signer un document par lequel il se soumettait au code Napoléon.
Par
exemple, à Alger, vous arriviez par le square Guillemin, pour
vous engager dans la rue Montaigne. Sur le trottoir de droite,
tout près d'un magasin de bicyclettes « chez Guercy», se
situait au rez-de-chaussée d'un immeuble, le bureau d'un juge
de paix. Où il était facile de solliciter l'imprimé adéquat et
de prendre l'engagement d'obéir au code civil français.
Donc
en théorie c'était très facile.
Mais
ce fut en réalité une loi scélérate comme je l'ai souligné à maintes
reprises, parce qu'elle fut utilisée comme l'occasion offerte
aux ennemis de la France, de riposter en transformant la religion
musulmane d'Algérie, l'islam d'Algérie, en islamisme fondamentaliste.
Je précise car c'est très important en arabo-islamisme fondamentaliste.
Ce
fut en 1920, à l'initiative d'un leader berbère Omar Smaïl. Il
s'agissait d'un religieux profond qui réunit autour de lui, un
aréopage d'oulémas. Des oulémas, c'est à dire des docteurs de
la foi coranique. Cadis, Muftis, Imams.
Tous
berbères. Mais tous grands intellectuels. Tous ayant effectué
des stages dans le Hedjaz, dans le sud-ouest de l'Arabie Saoudite,
la terre où naquit Mohamed.
Tous
étaient tombés sous l'influence religieuse et politique d'un grand
leader islamiste, l'émir Chekib Arslan, un
Libanais qui, depuis le début du 20ème siècle était le président
de la Nahdah : la Renaissance de l'Islam. Il était député
ottoman et en 1915, il a participé activement, par son vote, au
déclenchement du génocide arménien.
Depuis
1919, il militait activement, en complicité avec Asmine El Husseini,
mufti de Jérusalem, contre la naissance de l'Etat d'Israël.
Pendant
la guerre de 1939-1945, ils séjournèrent tous les deux auprès
d'Adolf Hitler et l'émir Arslan entreprit une propagande vers
les territoires français d'Outre-Mer pour les engager dans une
rébellion anti-française au nom d'Allah, au nom du rayonnement de l'arabisme intégriste.
C'est
lui, Chekib Arslan qui le 7 mai 1945, à partir de Genève, déclencha
le jihad intégriste contre la France. Celui-ci se traduisit par
l'attaque de nos troupes à Damas le 8 mai 1945 et ce même jour,
par le déclenchement de l'insurrection dans les Hauts-Plateaux-Sétifiens.
En
1920, ce que demande Omar Smaïl à ces notables musulmans d'Algérie,
à ces oulémas berbères, réunis dans ses cénacles, c'est de tout
mettre en œuvre pour lutter contre la francisation, l'assimilation
et surtout, l'évangélisation.
Comme
s'il existait en 1920, sous la IIIème République, un danger pour
l'islam, imputable à une tentative d'évangélisation catholique
des musulmans d'Algérie !
Il
faut se souvenir en effet, qu'aussi bien Louis-Philippe que Napoléon
III, ainsi que tous les gouvernements de la IIIème République,
ont interdit toutes les entreprises d'apostolat collectif en Algérie.
Seules étaient autorisées les conversions individuelles, dans
la mesure où elles n'étaient pas trop nombreuses.
Donc
ce danger d'évangélisation contre lequel Omar SMAIL en 1920, voulait
organiser le combat, n'existait pas.
Mais il lui servit de prétexte pour obtenir un raidissement idéologique
dans l'expression quotidienne de l'islam en Algérie. Celui-ci
dans la réalité des faits quotidiens, se
transforma en arabo-islamisme fondamentaliste. La foi, devenant
ainsi une arme de guerre.
Omar
Smaïl précisa dans ses recommandations, le moyen d'entreprendre
cette lutte contre la francisation et l'évangélisation. Il
demanda à tous ses oulémas, berbères comme lui, ne l'oublions pas, de faire un usage exclusif de la LANGUE ARABE LITTERALE.
Habituellement on
a tendance à dire l'arabe littéraire. On m'a enseigné qu'il
fallait dire l'arabe littéral.
Il
s'adressait à des Berbères, tous hommes de lettres, qui vont faire
de la langue arabe littérale, l'arme essentielle du combat, pour
faire triompher selon Omar Smaïl, le message du Prophète de la
Mecque et de Médine. La langue arabe littérale devint l'arme de
guerre par excellence, certes. Comme elle l'avait été au VIIème
siècle, lorsque la religion musulmane est devenue, expansive,
et permettez-moi de dire sans blasphémer, quant elle est devenue
invasive.
Un
rappel est utile pour comprendre la signification de cette exigence
d'Omar Smaïl.
Le
qoran, c'est la parole de Dieu : c'est le fondement de l'islam.
Mais
le qoran, lorsqu'il fut enseigné par Mohamed, ne le fut pas en
langue arabe. Pour une seule raison. Mohamed ne parlait pas
l'arabe.
Lorsque
je formule cette affirmation, il m'arrive parfois d'être apostrophé
aigrement par mes interlocuteurs. Car la question que l'on me
pose c'est évidemment la suivante :
« mais
en quelle langue a t'il transmis le qoran ? Et sur quoi t'appuies-tu
pour oser une telle affirmation ? »
Je
m'appuie sur le congrès orientaliste mondial qui s'est tenu à
Alger en 1905 où se sont exprimés de grands savants, spécialistes
de l'islam, des religions du Proche et du Moyen-Orient, de la
philosophie et de la culture islamiques et des langues sémitiques.
Au
cours des différentes communications magistrales, l'une d'entre
elles fut formulée par un professeur allemand K. Vollers, de la
faculté d'Iéna, grand spécialiste de l'islam, du qoran et surtout
des langues sémitiques.
Il a démontré,
sans provoquer de scandale, que le Prophète Mohamed
ne s'exprimait pas en langue arabe. Et que c'est le 3ème
Calife qui prit la décision, en même temps qu'il
remaniait le qoran, de le faire traduire dorénavant, en
langue arabe littérale.
De
faire ainsi, de la langue arabe littérale, la seule formulation
acceptée dorénavant, de la parole de Dieu partout où l'islam
était rayonnant.
Au
tout début, et localement, la religion musulmane fut diffusée
en langue vraisemblablement koraïchite, qui est la langue, ou
plutôt le dialecte que l'on parlait dans le Hedjaz.
Ce
message fut accepté avec enthousiasme sur des territoires voisins,
par toutes les collectivités dissidentes du christianisme romain. Les Nestoriens, les Donatiens, et les Ariens en particulier.
Les Ariens, depuis le 3ème siècle rejetaient le mystère
de la Sainte Trinité auquel les catholiques romains étaient fidèles.
Ils croyaient EN
UN SEUL DIEU UNIQUE ET SAGE A NUL AUTRE PAREIL.
Et
lorsqu'ils ont pris connaissance de la SCHAHADA, la prière des
musulmans, ils y ont trouvé en quelque sorte, une confirmation
de leur propre foi :
« il
n'y a de dieu que Dieu », c'est
le premier temps de la SCHAHADA.
Le
deuxième temps de cette SCHAHADA, leur offrait une confirmation
divine, puisque :
« Mohamed
est le rasoul, c'est-à-dire l'envoyé de Dieu ».
Ces
adhérents non-arabes, pour
répandre ce message qui les confortait dans la CONVICTION UNITAIRE
qui les opposait aux TRINITAIRES ROMAINS, ont saisi l'opportunité de diffuser le qoran en langue
grecque. Pour le bénéfice
et l'usage du monde intellectuel du Proche et du Moyen-Orient
de culture grecque : mathématiciens, astronomes, médecins
et philosophes en particulier. Et c'est par l'intermédiaire de
la langue grecque mise au service du qoran, que l'islam connut
l'extension explosive que l'on a observée en territoires sassanide,
mésopotamien, hittite, caucasien, égyptien et nord-africain. Par
captation de la parole de Dieu, effectuée par un monde intellectuel,
et par une élite qui n'avaient d'arabe... que la langue, à partir
de la diffusion ultérieure du qoran en arabe littéral sur exigence
du califat.
Le
3ème calife avait décidé en effet, que dorénavant la
langue arabe littérale, une langue pratiquée par l'élite, une
langue à la calligraphie séduisante, serait la seule langue d'expression
universelle du qoran.
Par
cette décision, il engendra une phénoménologie arabe qui constitua l'arrière fond philosophique, ésotérique
même, de toutes les expressions de l'islamisme fondamentaliste.
C'était vrai hier. C'est encore vrai aujourd'hui.
Plus
tard, en Algérie, le cheik berbère des oulémas Ben Baddis, animateur
de cette phénoménologie arabe, président de l'association des
Oulémas depuis le 7 mai 1931, proclama tout logiquement :
ma religion
c'est l'Islam
ma langue c'est
l'arabe
ma patrie c'est
l'Algérie.
Il
se servit de l'enseignement lointain du 3ème calife
pour, à partir de l'arabisme seulement,
exprimer sa religion et inventer une patrie qui n'avait jamais
existé jusqu'à ce jour et l'inclure ainsi d'une manière symbolique
et ésotérique dans la phénoménologie arabe, telle que celle-ci
se manifestait au XXème siècle.
Si
je me suis permis de rappeler cette évolution de l'arabo-islamisme
fondamentaliste en Algérie, c'est parce que de toute évidence,
quand il prononce ce pauvre discours du 16 septembre 1959, le
général De Gaulle refuse de lui reconnaître la valeur opérationnelle
qu'elle représente.
Il
n'a pas vu que l'arabo islamisme fondamentaliste illustrait la
menace dont la France allait être l'objet, à partir du moment
où il permettait aux rebelles, soumis à ce même fondamentalisme
et actionnés par lui, d'apparaître comme les vainqueurs historiques
de la France.
Il
n'a pas compris à quel point il allait conférer à l'arabo-islamisme
fondamentaliste une promotion historique que celui-ci n'avait
pas réussi à atteindre jusqu'alors, malgré les entreprises du
libanais, l'émir Chekib Arslan.
Car
c'est l'indépendance de l'Algérie qui va conférer à l'arabo-islamisme
universel la dynamique opérationnelle et historique qu'on lui
connaît aujourd'hui. D'autant plus que par l'intermédiaire des grandes banques
arabes, il peut prétendre s'inscrire de nos jours, parmi les
postulants à la domination finale du monde.
Mesdames
et Messieurs, je viens de vous exposer les raisons pour lesquelles,
après ce discours, nous nous sommes mis en mouvement, nous les
militants du FNF (Front National Français), ainsi que les autres
défenseurs de l'Algérie française.
J'ai
pris alors la décision d'organiser ce mouvement en commandos ou
plutôt en unités de choc. C'était encore en 1959.
Joseph
Ortiz, notre président, m'a laissé toute latitude pour conduire
cette tâche au meilleur résultat possible.
Evidemment,
je n'ai pas manqué de devenir l'objet d'attentions soutenues de
la part de la police des Renseignements Généraux.
Chacun
parmi les patriotes français exerçait son militantisme dans un
secteur d'activité qui lui était propre. Personnellement j'intervenais
plus directement au sein du peuple d'Alger, par des réunions quotidiennes.
Entre
temps, j'ai eu la surprise de bénéficier d'un appui de la part
du général Massu, qui, je le rappelle exerçait les fonctions de
chef du Corps d'Armée d'Alger et de super-préfet de l'Algérois.
Par
l'intermédiaire du commandant Navarro, il m'a fait savoir qu'il
ne voyait aucun inconvénient à ce que j'exerce mon entreprise
de recrutement et de structuration du FNF au sein des Unités Territoriales
du Grand-Alger et d'ailleurs. Il m'a autorisé à intégrer le Dispositif
de Protection Urbaine (DPU) à mon propre dispositif de structuration
des « Unités du FNF ».
Je
l'ai fait du mieux possible. Massu a formellement confirmé tout
ce que je vous rappelle ici, lorsqu'il est venu témoigner au procès
des Barricades. Sur une question du Président du tribunal il a
déclaré en substance :
« Tous
ces hommes ont été sous mes ordres (il désignait tous ceux qui
étaient présents dans le box des accusés du Haut Tribunal militaire).
Je sais que le FNF était divisé en commandos. Je savais que c'était
le docteur PEREZ qui les commandait ».
Pour
moi ce fut un travail de tous les jours. Un énorme engagement.
L'Algérie française nous appelait à son secours. Et c'était son
cri qui nous engagea dans le combat.
Voilà
les conséquences provoquées par les déclarations du général De
Gaulle lors du discours du 16 septembre 1959. Un discours dont
le cinquantenaire a souffert d'un coup de pâleur
que vous avez sûrement noté. On le l'a pas célébré. On a l'impression
que, dans le monde résiduel gaulliste, l'on voudrait oublier ce
pauvre discours.
Ce
discours a entraîné des protestations. Mais n'a pas généré une
prise de conscience du danger immédiat que nous étions en train
de vivre. Nos concitoyens n'ont pas voulu voir le danger de mort
immédiat qui menaçait l'Algérie française.
Certains
s'appuyaient, pour justifier leur passivité, sur les quatre
années de paix nécessaires,
d'après le général De Gaulle, pour que puisse s'effectuer la consultation
ou plutôt l'autodétermination de l'Algérie. Certains soulignaient
que quatre années c'était suffisant pour vaincre le FLN d'abord.
Puis pour organiser cette autodétermination dans des conditions
qui auraient été favorables ... à la francisation, selon leurs espoirs.
Personne
ne semblait comprendre que ce discours du 16 septembre ne correspondait
A RIEN.
Car
nous savions, je vous l'ai rappelé précédemment, que depuis 1956
au moins, De Gaulle n'agissait qu'en faveur de L'INDEPENDANCE
DE L'ALGERIE. Nous l'avons vu quand nous avons évoqué ses relations
avec l'Organisation Extérieure de la rébellion algérienne à partir
de la rue de Solferino par l'intermédiaire de Boumendjel en 1956,
puis de Farès et d'autres mandataires auprès du GPRA, après que
celui-ci eût vu le jour, le 18 septembre 1959 au Caire.
Quoi
qu'il en soit, notre foi nous guidait certes. Mais c'est notre
intelligence qui nous imposait d'agir.
Tout
fut accéléré d'une manière dramatique par le rappel à Paris
du général Massu.
Massu,
d'après ce que l'on voulait nous faire croire, était tombé dans
un piège que lui aurait tendu un journaliste allemand, Kempski.
Celui-ci aurait rapporté des commentaires imprudents, faisant
allusion à l'aberration des orientations gaullistes, formulés
par le général Massu. D'après Kempski, Massu a tenu des propos
irrespectueux à l'égard du chef de l'état qui ont motivé son rappel
à Paris pour qu'il s'expliquât.
Nous
savions que le départ de Massu c'était priver, en théorie, le
potentiel militaire d'Algérie, d'un facteur déterminant pour la
sauvegarde de l'Algérie française. Massu à lui tout seul, aurait
été capable d'entraîner l'armée dans une attitude de rébellion
qui, sans heurt, et sans guerre civile, aurait été capable de renvoyer le général De Gaulle
dans sa maison de Colombey pour y terminer dans le calme et la
sérénité le reste de son âge.
Le
général Massu est-il tombé dans un piège ?
Le
général Massu était-il complice de cette conjuration ?
Le
général Massu a t'il joué un rôle conscient et volontaire dans
cet incident ?
Autant
de questions qui se sont posées, qui se posent et qui de toute
évidence se poseront encore.
D'après
le colonel Argoud, qui je le rappelle était son chef d'état-major,
le général Massu passait son temps à dire qu'il était « con
et gaulliste ». Il voulait dire à mon avis, qu'il était gaulliste avant
tout. Quitte à passer pour un con si nécessaire.
Mais
depuis lors, nous avons été enrichis par d'autres informations.
En
1974, j'ai fait la connaissance du commandant Botella.
Celui-ci
pendant la guerre de 1939/1945, avait été parachutiste SAS comme
Massu et comme d'autres patriotes français. Il était de conviction
« Algérie française » indiscutable. En 1961, il s'est
approché de très près de l'OAS métropolitaine, mais sans s'y engager
totalement. Il a vécu avec douleur le drame de la mort de l'Algérie
française. Bien qu'en relation suivie avec lui par l'intermédiaire
de mes correspondants parisiens, dans le cadre de mes fonctions
de chef national de l'ORO, je n'avais eu aucun contact avec lui
jusqu'en 1974.
A
cette date, je l'ai rencontré à Argenteuil dans une maison « amie »
et il m'a relaté l'événement suivant :
« en
1958, lorsque se sont déclenchées les manifestations du 13 mai
à Alger, le directeur de la Sécurité du Territoire, parfaitement
informé de la conjuration gaullo-FLN, a éprouvé la nécessité d'expédier
d'urgence à Alger, deux anciens officiers parachutistes SAS, anciens
compagnons d'armes de Massu, pour l'informer des intentions réelles
du général De Gaulle et lui demander de prendre des mesures définitives
pour empêcher l'homme de Colombey d'agir dans le sens qui était
le sien ».
Massu
se refusa à neutraliser le général De Gaulle dès son arrivée à Alger. Il faut savoir que lui-même
avait déclaré à partir du balcon du Forum, le soir du 13 mai 1958 :
« nous
refusons tout Dien-Bien-Phu, diplomatique ou militaire. Nous supplions
le général de Gaulle de faire entendre sa voix. »
Massu
laissa néanmoins les coudées franches au Général De Gaulle. Il
ne combattra pas contre lui. Il se soumettra. Un point c'est tout.
Cependant,
il espéra l'infléchir. C'est sans doute pour cette raison qu'il
me laissa agir comme
je l'ai rappelé, lorsque j'ai mis en œuvre une riposte au discours
du 16 septembre 1954.
Agir ? Mais comment ?
Nous
prîmes soin au FNF d'enrichir notre implantation au sein de la
garde territoriale. C'était logique et c'était facile puisque
la majorité de nos adhérents et militants étaient des territoriaux.
Il
y avait dans le Grand Alger, 22.000 territoriaux disposant de
2.200 armes. Sous un angle militaire strict, cette force ne représentait
pas une véritable unité de combat.
Nous
étions sûrs néanmoins que dans l'éventualité salutaire où se serait
développé en son sein, un esprit identique au nôtre, le regroupement
de ces territoriaux en armes et uniformes soutenus par la masse
du peuple d'Alger, en aurait fait une force d'appoint décisive
pour ceux qui sacrifiaient tout pour que vive l'Algérie française. J'ose affirmer que
j'étais l'un de ceux-là.
Le
capitaine Ronda commandait une grosse Compagnie du Bataillon-Centre
des UT d'Alger. L'effectif se trouvant sous son commandement atteignait
800 hommes environ, parmi lesquels la compagnie opérationnelle
des UT, qui un peu plus tard, passera sous le commandement du
capitaine Jourdes, qui s'engagea par un acte de volontariat dans
la semaine des Barricades, dès le 24 janvier 1960, au matin.
Ronda
avait été incorporé au Bureau Directeur du FNF. Il était en contact
avec le commandant Sapin-Lignières qui commandait un bataillon
UT dont le PC était installé dans la casbah d'Alger. C'est Ronda
qui me présenta à Sapin-Lignières au mois de décembre 1960.
Au
début du mois de janvier 1960, d'odieux attentats FLN avaient
provoqué une très forte émotion en Oranie et dans l'Algérois.
La tension psychologique était extrême.
C'est
dans cette ambiance que survint l'affaire Massu, que j'ai évoquée
précédemment.
Par
son départ, Massu favorisa volontairement ou non, l'accélération
donnée à la politique d'abandon. Il importait donc, au plus haut
point, qu'une opération de sauvegarde fut tentée dans les plus
rapides délais car, nous l'avons vu, une majorité d'officiers
généraux et de commandants de secteurs restaient encore fidèles
à la thèse de l'Algérie française.
Réunions,
visites aux commandements UT, contacts avec le colonel Gardes, tout
cela la fut mon travail quotidien.
Ortiz
restait en contact permanent avec le colonel Argoud, chef d'état-major
du corps d'armée d'Alger, qui lui-même était en contact téléphonique
avec le général Massu à Paris.
Une
manifestation de masse fut décidée, en accord avec Argoud, en
accord aussi, je le souligne, avec les autres mouvements nationaux,
pour le dimanche 24 janvier. Le 22 au soir, une réunion importante
se tint chez Ortiz. Tout le bureau directeur du FNF était rassemblé.
Le capitaine Filippi nous fit part de deux coups de téléphone
contradictoires qu'Argoud avait reçus de Paris de la part de Massu.
Lors
du second, celui-ci aurait fait le commentaire suivant :
« De
Gaulle est complètement fou, je vous donne carte blanche ».
Je
quittai la réunion pour préparer nos effectifs qui étaient déjà
chauffés à blanc. Je me souviens encore de Me Jean Trape me disant, lors de mon
départ :
« Tout
repose sur vous, ne vous faîtes pas prendre avant ! »
Qu'espérions-nous ?
Après
un appel à la population, nous espérions obtenir des 22.000 UT
qu'ils se présentent, sur le lieu de la manifestation, en formations
militaires, en uniformes et avec leur armement, même réduit. Avec
leurs officiers.
Obtenir
une extension de ce mouvement, à toutes les grandes villes d'Algérie.
Obtenir
des organisations métropolitaines un soutien à la manifestation
par tout ce qu'elles pouvaient mobiliser comme moyens.
Le
23 janvier, une grève se déclencha d'abord dans la partie-est
d'Alger, à Belcourt et au Champ de Manœuvres. Elle s'étendit lentement
à toute la ville mais d'une manière incomplète. C'était une initiative
spontanée, indépendante de tout ordre donné et reçu. Alger était
dans l'angoisse. Alger était dans l'attente. Alger était happée
par la violence qui s'annonçait.
Le
23, dans l'après-midi, fut réunie l'assemblée générale constitutive
de la Fédération des Unités Territoriales d'Alger. Sapin-Lignières
en fut nommé le président. Le capitaine Ronda en fut élu le secrétaire
général. Cette assemblée générale se tint dans l'immeuble de la
Compagnie Algérienne à l'angle de la rue Charles Péguy et du boulevard
Laferrière. C'est là que se situera par la suite ce que l'histoire
appellera « Le PC Ortiz ».
Le
dimanche matin, 24 janvier, je participai à la constitution de
petits cortèges qui se mirent en route à partir de l'est d'Alger :
Champ de Manœuvres, Belcourt, Le Hamma, Le Ruisseau. Ces groupes,
je l'ai dit, étaient peu nombreux mais très déterminés. Quelques
centaines seulement. Ils réussirent à rejoindre, avec moi, le
Plateau des Glières, vers 11 heures.
J'eus
la surprise, en arrivant devant l'immeuble de la Compagnie Algérienne,
de constater que la foule était absente. Des dizaines de personnes,
voire plusieurs centaines étaient éparpillées sur cette place
entre l'avenue Pasteur et le bas du Plateau des Glières. Quelques
centaines de personnes, certes très actives, mais cela faisait
pauvre et squelettique.
Autour
du PC, patrouillaient des hommes de la Compagnie Opérationnelle
du capitaine Jourdes. Ils étaient en uniforme et armés en guerre.
L'ambiance était crispée. C'était une attente anxieuse de la suite
des évènements.
Pierre
Lagaillarde était retranché dans l'enceinte de la faculté d'Alger,
avec un effectif résolu, qui lui était fidèle, mais dont la population
d'Alger ignorait qu'ils étaient là, à ce moment du 24 janvier
1960. Eux aussi attendaient la suite des évènements pour se
montrer.
Ortiz
me posa la question :
« Mais
où sont les hommes de Bab El Oued ? »
J'avoue,
que j'étais surpris comme il l'était lui-même, de l'absence de
cette masse populaire dont j'espérais la présence au Plateau des
Glières. Quelque chose n'avait pas marché comme prévu. Je décidai
d'aller à la recherche de ce que je considérais comme l'effectif
principal de la manifestation.
Je
réussis malgré les barrages, à me faire conduire avenue de la
Bouzaréah, Place de l'Horloge, où était effectivement concentrée
une foule énorme.
A
sa tête, plusieurs centaines de mes camarades du FNF étaient en
tenue de la garde territoriale et portaient casque lourd. C'était
des territoriaux faisant partie des effectifs du bataillon des
UT de Bab-El-Oued et du bataillon des UT de la casbah, commandé
par le commandant Sapin-Lignières.
Derrière
ces UT, des milliers de personnes qui chantaient la Marseillaise
et les Africains.
Je
pris la tête de cette colonne et nous voilà en route pour traverser
Alger et rejoindre le Plateau des Glières.
Le
trajet prévu était de rejoindre d'abord l'avenue du 8 novembre,
en passant par l'avenue de la Marne et la place du Lycée Bugeaud.
Nous
eûmes la surprise désagréable de voir l'accès de l'avenue de la
Marne interdit par un imposant barrage de parachutistes. C'était
les compagnies du 3ème R.P.I.M.A. Elles étaient disposées en profondeur
sur toute la longueur de cette avenue. Ce régiment était commandé
par le colonel Bonnigal.
Pourquoi
fûmes-nous surpris ?
Parce
que la veille, j'avais entendu Argoud nous affirmer que les régiments
parachutistes de la 10ème DP allaient se déployer en
tampon entre les manifestants et les forces de gendarmerie, pour
éviter tout incident.
Cette
opposition vigoureuse des « paras » du 3ème
RPIMA nous paraissait une véritable monstruosité. Ce glorieux
régiment était connu à Alger, pour son esprit « Algérie française »,
manifesté à maintes occasions. Il avait été commandé par le colonel
Bigeard, et ses hommes étaient appelés les « Bigeards-boys ».
En
toute sincérité, nous étions persuadés que, dès notre arrivée,
avec nos drapeaux et nos chants patriotiques, avec nos cris de
« vive la France » et de « vive l'Algérie française »,
ce régiment allait ouvrir ses lignes pour nous permettre le passage,
et éventuellement, nous escorter.
Mais
il n'en fut rien. Les paras s'opposèrent avec une volonté farouche,
à notre passage.
Nous
avons dû les affronter et enfoncer leurs barrages sur toute la
longueur de l'avenue de la Marne. Il y eut lutte, combat, bousculade.
Les « paras » n'avaient, pour nous interdire le passage,
en plus de leur aptitude très affûtée au combat, que des PM et
des carabines. Ils ne disposaient pas de fusils qui sont plus
commodes et plus efficaces pour le matraquage des manifestants.
Ils s'opposèrent avec vigueur à notre progression. Mais ils ne
purent l'interdire. Comme l'expliqua plus tard, durant le procès
des Barricades, un officier de ce régiment :
« Pour
les arrêter, il nous aurait fallu ouvrir le feu ».
Ils
n'ont pas tiré. Ils nous ont cédé le passage. Mais ce régiment
éprouva par la suite, une profonde rancune contre les défenseurs
de l'Algérie française. Un régiment « para » de cette
valeur qui cède le passage à une foule de manifestants de Bab-El-Oued,
c'était pour eux insupportable ! Cette rancune, se traduisit
au moment du putsch du 21 avril 1961, par un défaut de ralliement
du colonel Bonnigal et de son régiment aux effectifs de la 10ème
DP, qui soutint le général Challe.
Plus
tard, cet officier, celui qui a témoigné au procès des Barricades
dans les termes que j'ai rappelés en substance précédemment, justifia
ou plutôt expliqua la fusillade du 26 mars 1962 de la manière
suivante :
« Devant
des colonnes de manifestants si on ne tire pas, on ne peut pas
les empêcher de passer. Nous l'avions bien vu lors du 24 janvier
1960 ».
Après
avoir franchi cet obstacle, nous réussîmes à nous regrouper Avenue
du 8 novembre et à nous reformer en colonnes présentables.
Nous
fûmes rejoints par Auguste Arnould, président du Comité d'Entente
des Anciens Combattants.
Il
nous attendait devant le siège de son association accompagné de
tous les notables de cette association qui avec des leaders musulmans,
nous rejoignirent, porteurs de leurs écharpes tricolores et de
leurs décorations.
Je
me sentais beaucoup moins seul en tête de ce cortège.
Pour
rejoindre la grande poste par le bas du Plateau des Glières, ce
fut une affaire beaucoup plus sérieuse.
En
effet, le long de la rue Alfred Lelluch, plusieurs escadrons de
gendarmerie mobile étaient disposés en profondeur. Mais eux, étaient
armés de fusils. C'est-à-dire qu'ils disposaient de moyens plus
efficaces pour s'opposer à notre progression. Les coups se mirent
à pleuvoir. Ce fut une bagarre épique. Mais nous réussîmes à passer
grâce au bélier de 200 casques lourds qui marchaient en tête du
cortège.
Plusieurs
d'entre nous furent blessés. Moi-même, j'encaissai plusieurs coups
de crosse, en particulier deux coups de crosse qui ont sérieusement
endommagés mes gros orteils.
Cette
échauffourée, physiquement, avait marqué beaucoup d'entre nous.
Une remarque est à souligner.
Il y eut, indiscutablement,
une volonté, aussi bien du 3ème R.P.I.M.A
que des escadrons de la gendarmerie mobile, de nous empêcher
de passer. Leur détermination était sans faille.
La nôtre aussi. La plupart des hommes que je conduisais,
étaient armés : pistolets automatiques, PM
MAS 36. Mais personne ne perdit son sang froid, personne n'a tiré.
Aussi bien parmi les forces de l'ordre que parmi les manifestants,
la discipline fut rigoureuse. Je tiens à affirmer à
quel point ces hommes que je conduisais se sont comportés
avec calme, avec détermination, animés d'un esprit
de sacrifice qu'il convient de souligner. Personne n'était
animé de la volonté de faire couler le sang français,
à cette heure là. Il a fallu beaucoup de courage
pour progresser pendant des kilomètres en prenant des coups
et parvenir au point de ralliement.
J'ai
évoqué la progression des manifestants de Bab-El-Oued brièvement,
pourquoi ?
Parce
que ce qui nous parut en revanche très important, à notre arrivée,
ce fut la vacuité presque totale du lieu du rassemblement prévu
et espéré.
Où
étaient les milliers d'UT ?
Où
étaient Alger, El-Biar, Birmamdreïs, Hussein-Dey, Kouba, Birkadem,
Maison-Carré ?
Où
était le peuple Pied-Noir ?
Où
était le peuple d'Alger-Centre ?
Où
était le peuple des cadres d'Algérie, ceux qui raillaient parfois
le peuple de Bab-El-Oued ?
On
m'arracha au cortège qui se répandit sur la place, donnant ainsi
plus de vie à cette manifestation qui se développait dans un esprit
de « miserere nobis ».
C'est en boitant que je me rendis au PC Ortiz où se trouvaient
réunis tous les membres du Bureau directeur, dont je rappelle
qu'avec Ortiz et Susini, j'étais l'un des trois membres les plus
importants.
En
boitant, car j'avais les ongles des gros orteils écrasés par les
coups de crosse des gendarmes, lors de la bagarre précédente.
J'étais
éreinté et je fus apostrophé par Meningaud qui me déclara :
« On
ne sait plus que crier pour faire arriver la foule. Je t'en prie,
dis-leur quelque chose ! ».
Je
réussis à hurler :
« Allez
tous chercher les pantouflards qui sont restés chez eux et amenez-les
ici. L'Algérie française a besoin de son peuple ! ».
A
quoi était dû cet échec ? Cette défection de la part de la
population algéroise ?
Avant
toute chose, à la désertion
de la grosse majorité des 22.000 UT algérois.
Je
ne veux pas évoquer les promesses de participation dont j'avais
été destinataire de la part de quelques commandants d'unités de
ces territoriaux. Mais, lors de l'assemblée générale constitutive
des UT qui s'était tenue la veille, j'avais entendu le chef du
bataillon d'UT d'Alger-Centre, déclarer à Sapin-Lignières, qu'il
refusait de s'engager en uniforme dans une manifestation de civils.
En
disant cela, il se s'est pas rendu compte qu'il a contribué activement,
à un moment décisif, à la mort de l'Algérie française.
Aujourd'hui
encore, je suis persuadé que si le 24 janvier 1960, les 22.000
UT s'étaient présentés à la manifestation, en armes avec leur
chef de corps à leur tête, ils auraient drainé derrière eux toute
la masse du peuple d'Alger. Des Français de toutes confessions, y compris les musulmans.
Cette
masse énorme aurait provoqué des rassemblements du même style,
vraisemblablement à Oran et dans les autres grandes villes d'Algérie.
Si
Alger et l'Algérie française avaient été dans la rue, le général
Challe n'aurait pas hésité à prendre la tête du mouvement et à
réunir les moyens d'inviter le général De Gaulle à jouir d'une
retraite anticipée dans sa maison de Colombey-les-Deux-Eglises.
Malgré
ce début raté, progressivement, la foule que nous avions rameutée,
croissait en volume et en dynamisme. Encore une fois, aucune violence,
aucune agressivité. L'enthousiasme de la France, à travers l'enthousiasme
de l'Algérie française, était perceptible dans l'énergie que manifestaient
ces femmes et ces hommes.
J'évoluais
la plupart du temps au milieu des manifestants et j'éprouvais
un sentiment de confiance au sein de cette foule qui devenait
impressionnante et qui, par sa présence, obligeait le général
Challe à se posait la question à laquelle il devait répondre :
« Dois-je
prendre la tête de la manifestation ? ».
Je
savais qu'il avait reçu Ortiz au début de l'après-midi. Il avait
même partagé un sandwich avec lui. Certes il lui avait recommandé
de dissoudre la manifestation mais il savait très bien qu'Ortiz
attendait beaucoup plus de sa part. Son engagement était espéré.
Perclus
de douleurs consécutives aux coups de crosse que j'avais reçus
dans la bagarre de la matinée, je fus examiné par l'un de mes
confrères qui tint à vérifier l'état de mes pieds en particulier.
Il voulut me conduire dans une clinique voisine, pour m'y faire
soigner. Je refusai mais j'acceptai néanmoins l'invitation d'une
manifestante de mes amies, qui m'invita dans son appartement pour
me donner les soins nécessaires : aspirine et bandage des
orteils écrasés.
A
ce moment là, rien ne laissait supposer l'évolution tragique de
la manifestation. C'est le bruit de la fusillade qui me fit bondir
dans la rue et rejoindre le PC Ortiz.
Lorsque
j'y arrivai, la fusillade était terminée.
Un
communiqué du général Challe institua l'état de siège à Alger.
L'ordre de nous disperser nous parvint d'une manière péremptoire
et menaçante. On nous annonçait la mort de 14 gendarmes et de
plusieurs civils. Des dizaines de gendarmes étaient blessés.
Je
décrirai les circonstances de la fusillade, à la fin de cette
étude. Car elle mérite une attention particulière étant donné
le black-out dont elle est encore victime.
Permettez-moi
de préciser que cette femme qui s'est manifestée comme mon infirmière
occasionnelle, a joué, sans le savoir, le rôle d'un ange gardien
dont je fus bénéficiaire au plus haut point.
En
effet, par la suite, les autorités judiciaires qui s'occupèrent
de notre dossier pendant l'instruction du Procès des Barricades,
étaient littéralement avides de m'inculper, par tous les moyens,
dans « le dossier de la fusillade d'Alger».
Sur
commission rogatoire, mon infirmière occasionnelle fut interrogée
et elle certifia que lors de la fusillade, qu'elle avait parfaitement
entendue elle-aussi, j'étais présent chez elle, à bénéficier de
ses pansements et pommades. Grâce à ce témoignage, je ne fus pas
inculpé dans ce dossier de la fusillade d'Alger, comme le furent
le capitaine Ronda et le capitaine Jourdes ainsi que le lieutenant
Rambert, qui bénéficièrent ultérieurement d'un non-lieu dans cette
accusation. Ils furent inculpés, comme les autres accusés du procès
des Barricades, de « complot contre la sûreté intérieure
de l'Etat ».
Après
la fusillade du plateau des Glières, l'ambiance avait totalement
changé. Nous redoutions une réaction violente des forces de l'ordre.
J'étais néanmoins rassuré par la proximité des régiments parachutistes,
le 1er REP et le 1er RCP.
L'ordre
d'évacuer les lieux nous fut donné à maintes reprises par le commandement
en chef. Nous décidâmes de ne pas obtempérer.
La
nuit fut longue. Mais chaque heure qui passait contribuait à enrichir
mon espoir. Malgré quelques avis pessimistes.
En
début de soirée, par exemple, vint nous rendre visite un officier
du REP, détaché à la Préfecture d'Alger, le capitaine Hautdechaud.
Il nous déclara :
« Ce
soir il y aura 600 morts à Alger ».
J'étais
avec Ortiz quand il est venu nous faire cette déclaration encourageante.
Plus
tard, s'est présenté le colonel Dufour, commandant le 1er
REP.
« Cette
nuit, il ne se passera rien. Dormez. Demain il fera jour ».
Ce
fut une recommandation apaisante qui laissait supposer que les
régiments parachutistes allaient, nous l'espérions tout au moins,
prendre position du côté des manifestants.
Vers
la fin de la nuit, on me prévint qu'un officier du REP demandait
à me voir.
« Pierre
Sergent », se présenta-t-il.
« Le
commandant en second du régiment, aimerait vous rencontrer ».
ajouta-t-il.
J'acceptai
de l'accompagner au PC du régiment pour rencontrer cet officier
qui me reçut amicalement pour me déclarer en substance que l'Algérie
française allait être sauvée par une décision prochaine du général
Challe. Il me recommandait de maintenir le calme parmi nos effectifs
et de continuer à entretenir la manifestation. Je retournai au
PC Ortiz transmettre ce message qui, bien évidemment, rassura
tout le monde.
Au
début de la matinée, je fus appelé dans la rue Charles Péguy par
le colonel Broizat. Il commandait le 1er RCP. J'avais
participé avec lui dans les semaines précédentes, à la préparation
de ces évènements. Il me présenta au général Gracieux, commandant
la 10ème DP. Celui-ci me fit les mêmes recommandations
que le commandant en second du 1er REP que j'avais
rencontré plus tôt. Il affirma que le général Challe était sur
le point de prendre sa décision : prendre la tête du mouvement.
Une
estafette vint l'informer que tous les chefs de corps de la 10ème
DP étaient convoqués à l'E.M.I. (Etat-Major inter-armes). Broizat
se retourna alors vers son commandant en second, le chef d'escadron
B... pour lui tenir en substance, les propos suivants :
«Je
vous confie le régiment et je vous interdis d'obéir à tout ordre
qui ne viendrait pas de moi. En particulier, je vous interdis
d'obéir à tout ordre d'ouvrir le feu sur les manifestants ».
La
manifestation se poursuivit pratiquement tous les jours. La foule
ne nous trahit pas. A partir du mardi, quand ils crurent l'affaire
gagnée, les officiers UT, les déserteurs du 24 janvier, se présentèrent
au PC Ortiz en uniforme, avec pistolet au ceinturon et leurs décorations.
Ils venaient faire allégeance à Sapin-Lignières et à Ronda, ne
se rendant pas compte que par leur absence, ils portaient la responsabilité
de la fusillade d'Alger sur laquelle je reviendrai.
Le
jeudi de cette semaine, c'est Delouvrier, le délégué du gouvernement
en Algérie qui prit une décision fatale pour l'avenir de l'Algérie
française. Il emmena le général Challe à la Réghaïa. C'est-à-dire
qu'il extirpa le général Challe de l'ambiance favorable à l'Algérie
française dans laquelle il évoluait. Il le soumit à l'influence
exclusive de l'autorité gouvernementale.
Et,
à la fin de la semaine, il fallut envisager la fin des Barricades
d'Alger.
Le
capitaine Sergent vint me dire le vendredi que la décision avait
été prise de faire entrer le 1er REP dans les Barricades,
l'arme à la bretelle, pour recevoir la reddition du camp retranché.
Je lui ai manifesté mon opposition. Je lui dis textuellement :
« Vous
ne pouvez pas entrer de force dans les Barricades et nous traiter
en vaincus. Trouvez une autre solution ! ».
« Je
vais transmettre au colonel »,
me déclara t'il.
Il
a rapporté lors de sa déposition au procès des Barricades, ce
que je viens de vous relater. Et d'après lui, c'est à partir du
refus que j'avais manifesté, que fut mise au point une autre procédure
de liquidation des Barricades, en particulier par une sortie en
armes et dans l'honneur, de ceux qui étaient encore là.
Il
m'avait précisé cependant :
« Ne
vous faites pas prendre avant la fin des premières 24 heures ».
C'est
donc 24 heures plus tard que je rejoignis le 1er REP
à Zéralda, pour m'incorporer au commando Alcazar qui était en
train de se constituer avec une partie de ces volontaires qui
avaient participé au défilé de sortie des Barricades.
Je
fus accueilli, avec une sympathie fortement exprimée, par l'aumônier
du Régiment, le père Delarue et par tous mes camarades de ce commando.
Arrive
le moment d'étudier dans le chapitre qui va suivre, l'événement
majeur du 24 janvier 1960 :
LA FUSILLADE
Son origine, son déroulement,
ses responsables, ses conséquences.
C'est
pendant le déroulement du Procès des Barricades, entre novembre
1960 et mars 1961, que tout fut révélé à propos de la fusillade
de 24 janvier 1960.
Curieusement,
ces révélations ont connu un écho plus que médiocre. La vérité
n'est pas bonne à connaître pour certains historiens de l'Algérie
française.
Il
y eut des morts des deux côtés. Beaucoup plus du côté des gendarmes
que du côté des manifestants. La fusillade cessa dès l'arrivée
du régiment du colonel Dufour, le 1er REP, sur la place
de la Grande Poste.
Que
s'était-il passé ?
Distinguons
deux phases.
La
première phase :
c'est la charge des gardes mobiles qui avaient reçu mission de
disperser la foule.
D'après
le colonel Argoud, c'est le général Crépin qui donna cet ordre
criminel sans en référer au général Challe. Pourquoi ?
Jusqu'à
14 heures, la manifestation pouvait apparaître encore comme un
échec. Mais progressivement elle évoluait. Elle était sur le point
d'atteindre une importance que je qualifie de déterminante. Il
était important, en conséquence, pour le pouvoir, de donner un
coup d'arrêt à son développement. Car, nous l'avons dit précédemment,
dans l'éventualité d'une manifestation « monstre »,
on redoutait en haut lieu une décision du général Challe, qui
ressentait les effets très communicatifs de l'enthousiasme populaire.
C'est
Delouvrier qui donna l'ordre au général Crépin et à ses subordonnés
de disperser la manifestation. On fit charger dans cette perspective
des gardes mobiles qui étaient en attente depuis des heures au
milieu des escaliers qui donnaient accès, en les remontant, à
la place du Forum d'Alger. La plupart de ces gendarmes étaient
Pieds-noirs. Leurs armes avaient été désapprovisionnées par ordre
de leurs chefs. De toute évidence, ils n'étaient pas informés
du traquenard dans lequel allait les faire tomber le pouvoir gaulliste,
par l'intermédiaire de Delouvrier, le délégué du gouvernement
en Algérie.
Delouvrier,
beaucoup plus tard, revendiqua « le mérite d'avoir fait couler le sang à Alger ». Faire couler le sang ? Comment ?
C'est
une réponse à cette question que je vous propose dès cet instant.
La
deuxième phase :
elle concerne les tirs.
Une
question fondamentale fut toujours celle-ci : les gardes
mobiles avaient-ils tiré au fusil mitrailleur sur la foule ?
Cette question trouva sa réponse au cours des audiences du Procès
des Barricades, comme je l'ai souligné précédemment.
La
thèse officielle a toujours soutenu que les gendarmes n'avaient
pas tiré un seul coup de feu.
Or,
alors que se terminaient les dépositions des principaux témoins
de l'accusation, trois parmi celles-ci, sont venues éclairer soudainement
cette fusillade d'une lumière inattendue, qui ne laisse
aucun doute sur les responsabilités des morts du 24 janvier 1960.
Je le répète, d'une lumière qui ne laisse subsister aucune interrogation
sur les ordonnateurs et sur les déclencheurs de cette fusillade.
Le
colonel Godard, chef de la police dans toute l'Algérie, ne donna
aucun détail lors de sa première déposition, sur le déroulement
de cette fusillade.
Quelques
semaines plus tard, son adjoint au commandement de toutes les
polices d'Algérie, le capitaine de La Bourdonnaye, lui aussi témoin
cité par l'accusation, fit sensation. Ou plutôt il fit une déposition
qui fit l'effet d'une bombe dans le prétoire. Il déclara en effet,
alors qu'on ne lui demandait rien, qu'il avait vu deux fusils-mitrailleurs (deux FM) de la gendarmerie mobile tirer du Forum
en direction de la foule.
Ce
fut un tel tollé au sein de la salle d'audience, que celle-ci
faillit être interrompue. Il a fallu toute l'énergie du général
Gardon, commissaire du gouvernement, pour imposer silence et lui
permettre d'interroger ce témoin capital. Il lui demanda, en effet,
d'affirmer une nouvelle fois ce que celui-ci venait de déclarer.
A savoir, que deux FM de la gendarmerie mobile avaient tiré depuis
le Forum d'Alger. Depuis cette place qui se situait devant le
bâtiment de la Délégation du Gouvernement en Algérie, deux FM
avaient tiré en direction de la manifestation. Le capitaine de
La Bourdonnaye compléta sa déclaration en ajoutant :
« Je
n'étais d'ailleurs pas seul », affirma
t-il en substance. « Etaient présents sur les lieux à
mes côtés, le colonel Godard, ainsi qu'un autre officier, un commandant,
un ancien du REP... ».
A
cet instant, ce témoin, La Bourdonnaye, hésita sur l'identité
de ce commandant. il s'en souvint tout à coup et il précisa :
« c'était
Allaire, le commandant Allaire, qui était avec Godard et moi,
lorsque j'ai vu ces deux FM de la gendarmerie tirer en direction
de la foule ».
Le
général Gardon, après avoir calmé les manifestations de stupeur qui s'exprimaient dans la salle d'audience, et réduit
à plus de discrétion les effets de manches de tous les avocats
de la défense, convoqua à nouveau à la barre des témoins, le colonel
Godard, le colonel Debrosse qui commandait les gendarmes ce 24
janvier, le commandant Allaire qui n'avait encore jamais témoigné,
ainsi que d'autres officiers qui ne savaient rien sur l'origine
de la fusillade. Comme le général Coste, qui commandait la ZAA
(Zone Autonome d'Alger), le jour même de cette manifestation.
On
sait que le colonel Godard, lors de sa première déposition, n'avait
rien déclaré à propos de ces deux faits, que j'estime nécessaire
de rappeler avec insistance :
-
d'une part, la présence de deux FM de la gendarmerie, en batterie, pointés vers
le Plateau des Glières, à partir de la place du Forum d'Alger ;
-
d'autre part, un tir effectué par ces deux FM, en direction
du Plateau des Glières.
Il
fut tout logiquement confronté à la déposition de son adjoint
le capitaine de La Bourdonnaye. Celui-ci, j'insiste encore, avait
bien précisé qu'il avait vu :
- deux FM de la gendarmerie, mis en batterie à partir
du Forum d'Alger, en direction de la manifestation, manipulés
par des gendarmes ;
- il avait ajouté aussi, à voix claire et parfaitement
articulée, qu'il avait vu ces deux FM tirer en direction de
la manifestation.
Godard,
quant à lui, confirma sur un ton réservé, mais il le confirma
à voix nette et claire,
que deux FM de la gendarmerie étaient bien en batterie sur le
Forum d'Alger. Il affirma, en revanche, que lui, n'avait vu
tirer qu'un seul
des deux FM.
Le
commandant Allaire, lors de sa déposition, parut gêné. Réticent
même. Il confirma cependant à 100 % la déposition du colonel Godard :
à savoir que deux FM étaient en batterie sur le Forum d'Alger,
pointés sur la manifestation, et que l'un d'entre eux au moins,
avait tiré en direction de la foule.
Ce
qui est d'une importance capitale dans ces trois dépositions,
c'est ce qui suit :
o
la présence de FM de la gendarmerie, en batterie, sur
le Forum d'Alger (au moins deux FM vus),
o
le tir d'au
moins un des deux FM, constaté par trois officiers,
o
le tir probable,
presque certain, de deux FM, puisque le capitaine de La Bourdonnaye,
officier compétent dans le domaine des armes automatiques, a déclaré
sous serment, qu'il
avait vu tirer les deux FM.
Il
est nécessaire que je m'attarde avec vous sur cette fusillade
déclenchée par la gendarmerie, d'après au moins trois témoins
oculaires. Il faut faire l'effort de se souvenir de la disposition
des lieux.
Imaginons
un premier plateau : je le rappelle, c'est la place du Forum
qui s'étend devant le bâtiment de la Délégation Générale. C'est
là que se sont déroulées les manifestations de mai-juin 1958.
C'est du balcon de cette délégation que De Gaulle a lancé son :
« Je vous ai compris ».
Etant
sur le Forum, si nous tournons le dos à ce balcon, sur la gauche,
un plan incliné formé d'escaliers, permet de rejoindre
tout en bas, le Plateau des Glières où est amassée la foule algéroise :
c'est le dernier plateau ou plateau inférieur. Près de ce plateau,
dans les escaliers qui conduisent du premier plateau au plateau
inférieur, les gendarmes mobiles s'apprêtent à donner la charge.
Effectivement, les escadrons dévaleront ces escaliers avec mission
de disperser la foule.
Retenons
ce schéma :
o
un plateau supérieur, le Forum à partir duquel un
FM au moins de la gendarmerie a tiré ;
o
un escalier qui relie les deux plateaux ;
o
un plateau inférieur où est amassé un peuple qui chante
sa foi dans la patrie et l'Algérie française.
Lors
de la nouvelle audition du colonel Debrosse, je fis présenter
à ce témoin, par Me Le Corroller, un plan des lieux, très schématique,
représentatif de ce que je viens d'exposer pour votre profit.
Sur
ce plan, j'avais situé la position des deux FM de la gendarmerie.
Le Corroller, l'un des avocats du procès des Barricades, posa
au colonel Debrosse la question suivante :
« Si
un FM de la gendarmerie avait tiré d'ici, que se serait-il passé ? » Il désignait évidemment le plateau supérieur.
« Mais
c'est impossible ! »
répondit Debrosse, « Il aurait tué des gendarmes ! ».
Tout
ce que je vous relate ici, en substance, peut se retrouver d'une
manière plus complète et plus précise, dans les minutes du Procès
des Barricades.
Un
fait intéressant, curieux même, est à souligner : le tir
de ce ou de ces FM, ne fut en aucun cas orienté vers le PC Ortiz
ou vers la barricade de la rue Charles Péguy. Ce tir de FM fut
bien déclenché à partir du Forum d'Alger, puisqu'il fut observé
par trois officiers, encore une fois très expérimentés dans le
domaine des armes. Et, comme on le dit vulgairement, par ce feu
de FM on a tiré dans le tas.
Mais comme dans ce tas
avançaient les gendarmes, il était inéluctable que parmi ceux-ci
certains fussent tués et blessés.
La
gravité de ce tir se situe bien évidemment dans la tragédie, recherchée
avec préméditation, des morts et des blessés. Mais ce qui rend
cette charge de gendarmes encore plus criminelle, c'est le fait
suivant que je vous ai rappelé précédemment :
les première lignes des mobiles qui chargèrent la foule,
étaient constituées pour une grande part de gendarmes pieds-noirs,
la plupart gendarmes-auxiliaires, dont les armes avaient été préalablement
désapprovisionnées, je l'ai déjà souligné.
Cette
intervention des forces de l'ordre se devait d'être sanglante,
avant tout, pour ceux qui l'avaient décidée sans en référer au
général Challe. Il fallait du sang à ces messieurs, afin de donner
au commandement un prétexte valable pour éliminer en une seule
fois les principaux défenseurs de l'Algérie française, dont je
revendique l'honneur d'avoir fait partie à un poste très élevé,
et très grave, de responsabilité. A un poste national.
Commença
alors la nuit tragique. Le doute, la peur d'une attaque en règle
de la barricade et du PC Ortiz, faisaient craindre le drame le
plus horrible. Crainte aggravée par le capitaine Hautechaud, lorsqu'il
vint nous dire à Ortiz et moi-même, comme je l'ai rappelé :
« ce
soir, il y aura 600 morts à Alger ». Angoisse
levée un peu plus tard par le colonel Dufour, commandant
du 1er REP, lorsqu'il vint nous dire :
« Il
ne se passera rien cette nuit, dormez, demain il fera jour ».
Je
n'insiste pas sur les évènements qui marquèrent tout le reste
de cette semaine, la semaine des Barricades d'Alger. Car d'un
point de vue historique, tout ce qui doit compter, c'est la
journée du 24 janvier. Je reste convaincu aujourd'hui plus qu'hier, et je le
souligne encore avec rancune et mépris, que les choses seraient
allées beaucoup plus loin si les 22.000 UT du Grand Alger avaient
été présents ce jour-là avec leurs officiers et en armes sur le
Plateau des Glières. Si 100.000 personnes avaient fait l'effort
à ce moment de la journée du 24 janvier 1960, de converger vers
la Grande Poste, comme elles le firent les jours suivants. C'est-à-dire
lorsque tout danger semblait écarté.
Le
24 janvier fut l'une des occasions perdues et parmi celles-ci,
je le souligne encore, la plus belle et la plus valable.
J'éprouve
toujours de l'amertume à me souvenir que la population des grandes
villes d'Algérie et pourquoi pas celle des petites villes n'a
pas compris qu'il fallait se jeter dans la rue, en prendre possession
et communiquer son enthousiasme aux militaires en poste.
Partout
ou presque, des officiers partisans de l'Algérie française étaient
en fonction. L'Oranie et son peuple combatif, pugnace et encore
frais, aurait eu dans cette éventualité un rôle fondamental et
décisif à jouer.
Si
par bonheur, cela s'était produit, nous étions en droit d'espérer
que le général Challe prît la tête du mouvement.
C'était
le moment où jamais de tenter quelque chose.
Il
eut mieux valu que ce ne fût jamais plutôt que voir ce général,
quelques mois plus tard, s'engager dans le putsch du 21 avril
1961. Putsch ridicule dans sa conception, puisque sous la pression
de certains officiers peu instruits de l'identité réelle de la
guerre d'Algérie, il prit la décision d'exclure les civils de
ce putsch. Et quand le 25 avril il appela le peuple d'Alger à
son secours, c'était trop tard. L'esprit capitulard avait fait
son chemin dans l'esprit de nos militaires qui se soumettront
à la capitulation d'Evian les 18 et 19 mars 1962. Qui accepteront
de ramener le pavillon. Qui accepteront de sacrifier le sort d'une
grande terre de la patrie. Qui ont refusé de réfléchir au destin
ultérieur de la France, de l'Europe et de l'Occident.
C'est
par leur ignorance du pourquoi de
leur combat en Algérie française, par leur obéissance à un pouvoir
manipulé par les sectes dominantes du capitalisme financier moderne,
qui a joué le court-terme, qu'ils ont conféré à l'arabo-islamisme
fondamentaliste universel, une vigueur révolutionnaire et planétaire
inespérée, grâce à l'abandon de cette immense terre qui va de
la Méditerranée à la lisière sud du Sahara.
Mesdames
et Messieurs, c'est avec émotion que je termine cette conférence.
J'ai
voulu évoquer cette journée du 24 janvier 1960 en essayant de
faire revivre l'énergie et l'enthousiasme qui nous animaient à
cette époque-là.
Même
si, comme l'a proclamé Bossuet :
« ...
averti par ces cheveux blancs du compte que je dois rendre de
mon administration, je réserve au troupeau que je dois nourrir
de la parole de vie, les restes d'une voix qui tombe et d'une
ardeur qui s'éteint ».
J'ose
citer Bossuet avec prétention peut-être, mais je le fais surtout
avec nostalgie, avec humilité.
Certes,
ma voix tombe effectivement. Certes les quelques rares cheveux
qui me restent sont blancs. Mais je revendique la permanence d'une
ardeur qui m'anime encore aujourd'hui. Qui n'est pas encore éteinte.
C'est pour cette raison que je vous inflige une dernière citation
que j'emprunte à un roman de Drieu La Rochelle, « L'homme
à Cheval » dans
lequel l'auteur fait dire à l'un de ses héros :
« Il
y a en moi une passion qui ne mourra que quand je mourrai, et
vous ne m'avez pas encre tué. Je suis prêt à progresser encore
dans la vie, à grands coups de maladresses ».
Je
vous remercie.
Cagnes-Sur-Mer,
Le
23 janvier 2010 à 10 H 30
Docteur Jean-Claude
PEREZ