Il y a soixante ans ! Le 24 janvier 1960.

A l'appel du « Collectif national NON au 19 mars 1962  » Hervé Cuesta, nous nous sommes retrouvés quelques fidèlles au souvenir de cette journée dramatique, devant la stèle de la promenade des Anglais de Nice – ce rocher fendu – comme peuvent l'être des coeurs en peine, pour honorer ce temps disparu.

Nous étions peu nombreux ce 25 janvier 2020, mais fiers de porter avec le drapeau frannçais, – celui sans tâche de notre épopée –, la preuve que le passé ne s'oublie pas. Pourtant, pourquoi si peu de patriotes présents avec nous ? J'ai cru tout à coup que Roger Hernandez, mort ce jour là au pied des barricades, ceux du 26 mars et du 5 juillet 1962, puis tous les assassinés du bled européens et musulmans, les disparus, n'avaient plus leur place dans l'histoire de France. Comme si ce pan de notre Saga Pied-noir ne comptait plus. Comme si l'étouffement faisait son oeuvre et paralysait les mémoires de nos compatriotes. Comme si le temps avait endurci les esprits et que l'oubli remplaçait l'honneur.

Pourtant... souvenons-nous de cette journée du 24 janvier 1960. Elle faisait suite aux propos du général-président D.G., évoquant l'idée d'autodétermination que les Pieds-noirs inquiets traduisaient à juste titre en indépendance algérienne et FLN de cette terre françaiise depuis si longtemps. Etait aussi évoqué le retour forcé en Métropole du général Massu après une interview à un journaliste allemand, Frantz Ulrich Kempski. – Journaliste d'un pays dont on sait combien les rapports avec le FLN étaient reconnus –. Un départ sanction de Massu laissant les Pieds-noirs qui adulaient le général, héros de l'éradication du terrorisme de la Casbah d'Alger en 1957, totalement désemparés.

Notons que Cornut-Gentille mettra en garde D.G. contre la réaction des Pieds-noirs. Notons la réponse du général : « Ce sont des lâches. Ils ne bougeront pas !   » 1*

Paris et l'Elysée n'ont pas compris que ce rappel de Massu va entraîner la colère d'Alger et Oran. Le peuple se rassemble dans les rues et à Alger c'est autour du Monument aux Morts, celui d'où en 1956 il lança des tomates à Guy Mollet et désapprouvait le départ de Soustelle.

Ce 24 janvier 1960, le feu de la révolte couve chez les étudiants de Jacques Roseau et Susini, dans les milieux activistes où se retrouvent Alain de Sérigny de l'Echo d'Alger, Sapin-Lignière président des U.T. – unités territoriales – Joseph Ortiz et Pierre Lagaillarde. C'est ainsi que sous l'impulsion de ces responsables, s'organise l'insurrection d'Alger et les barricades. Cette «  Journée du 24 janvier » voit les pavés d'Alger se dresser en barricades tandis qu'une grêve générale est lancée pour le lundi suivant.

La foule nombreuse, chaleureuse, participe à ces constructions avec de l'espoir au coeur d'un changement de politique pour cette province française.

C'est alors au soir de ce 24 janvier 1960 que le colonel Debrosse, –connu pour les sévices qu'il fera subir aux patriotes à la caserne d'Hussein Dey – reçoit du général Costes l'ordre de disperser la foule.

A 18 heures, c'est la charge contre la population. Des gendarmes en armes et casqués s'abattent sur le peuple ! C'est tout à coup le premier coup de feu !

Qui a tiré ? La fusillade se généralise... Des dizaines de corps jonchent les escaliers du Forum et les rues de la capitale algéroise. Seuls les parachutistes arrivés en retard à cause des embouteillages finiront par stopper le massacre.

            – 8 morts et 24 blessés graves chez les civils.

            – 14 morts et 123 blessés dans les forces de l'ordre, dont 70 par balles, 27 par éclats et 26 par contusions.

Qui a tiré ? Les gendarmes de Debrosse étaient au niveau du G.G. et les tirs se faisaient vers la rue Berthezène et le plateau des Glières... N'ont-ils pas atteint ceux des hommes se trouvant en contrebas de la trajectoire des balles, dont des policiers ?

Le lundi 1er février, les assiégés se rendent. Le colonel Dufour obtient la reddition du groupe des facultés. Lagaillarde et ses hommes se rendent et défilent devant les parachutistes au garde à vous.

Ortiz a disparu.

Pour l'anecdote, après Soustelle et Massu, le colonel Bigeard au coeur « Algérie française », sera interdit d'Alger et envoyé en disgrâce à Toul.

Le procès des barricades aura lieu le 30 novembre 1960.

Massu dira : « Le De Gaulle vu le 23 janvier 1960 n'a aucun rapport avec celui de 1941.l »

 

Finalement ce procès émaillé d'incidents où les peines seront diverses, ne réussira pas à déterminer d'où est parti le premier coup de feu. Un mystère...

 

*1 Nota : Les paroles honteuses prononcées ce jour-là par D.G., sont loin de la vérité historique qui glorifie les Pieds-noirs et les musulmans durant les guerres de 14 / 18 et 39 / 45. Leur grand nombre et leurs morts sont la réponse aux minables propos du général.

– De 1914 à 1918, l'Algérie a envoyé 115.000 hommes sur les 155.000 mobilisés, parmi la population européenne. 22.000 y laissèrent la vie ainsi qu'un grand nombre de musulmans.

– En 1940, 160 régiments des divisions d'infanterie nord-africaines affrontèrent les blindés allemands sur le secteur Maubeuge-Sedan.

– En 1942, après le débarquement allié, 173.000 Pieds-noirs et Musulmans seront appelés ou rappelés. Ils représenteront 16, 40% de la population européenne et 1, 58% de la population musulmane.

Ils ont constitué les 4 /5 ième des armées françaises de la libération.

Le 24 janvier 1960 ? Un jour et une époque qu'il serait triste et dommage d'oublier.

                                                                      Robert Charles PUIG à Nice / 01 / 2020

Mis en page le 13/01/2020 par RP.