Extrait du site: orleansville.free.fr
Rubrique le Souk
C'est nous les
Africains
Lors de chaque réunion d'anciens
combattants, il est de tradition d'entonner quelques chants traditionnels.
Il est rare qu'un des participants ne lance "Le Chant des Africains''
qui remporte toujours un franc succès. C'est avec allant
et émotion que les Anciens d'Algérie, au garde-à-vous,
reprennent en choeur cet air fameux. C'est une façon de se
souvenir de ceux qui sont tombés "là-bas'' et
de leur rendre hommage.
Lors des commémorations officielles des
guerres passées, les fanfares et les cliques interprètent
régulièrement cet air de tradition, symbole du souvenir
de l'éternelle Armée d'Afrique. Il accompagne très
souvent notre Marseillaise. Il n'est pas un ancien d'Algérie
qui n'en connaisse au moins l'air, sinon les paroles du refrain.
Les couplets en sont moins connus et l'origine de ce chant est obscure
pour beaucoup. Il est de coutume de penser que cet air date des
années 43-44 car le Corps Expéditionnaire Français
en Italie était composé presque exclusivement de soldats
d'Afrique du Nord de toutes origines.
De fait, ce chant date de 1915. La Grande Guerre se
prolongeant, occasionnant des pertes effroyables, la France dût
faire appel à tous ses enfants, y compris ceux d'Algérie,
Maroc, Tunisie, d'Afrique Occidentale et Orientale Française
et d'Outre-Mer. Les paroles sont attribuées au Commandant
REYJADE qui, en 1915, écrivit une marche destinée
à ses Tirailleurs Marocains et dont le titre était
" C'est nous les Africains qui arrivons de loin. ". La
musique est du Sous-Lieutenant Félix BOYER,
Chef de la musique de la XIVe Division d'Infanterie. En 1940, Félix
BOYER, devenu Capitaine, est fait prisonnier mais, comme ancien
combattant de la 1ère Guerre mondiale, il est rapidement
libéré. Il est alors appelé pour organiser
la musique régionale des Chantiers de Jeunesse en Afrique
Française du Nord par le Général de la PORTE
du THEIL, le fondateur des Chantiers de la Jeunesse Française.
Le Colonel Alphonse S. VAN HECKE crée le 7ème Régiment
de Chasseurs d'Afrique à partir des Chantiers de Jeunesse.
Le Régiment est incorporé aux réserves générales
de la 1ère Armée Française et équipé
de Tank-Destroyers (TD). Le Capitaine BOYER reprend la version initiale
du chant de 1915, destinée aux Marocains, pour l'adapter
aux Africains. "Les Africains" devient le chant traditionnel
des Chantiers de la Jeunesse Française d'Afrique du Nord.
Il est chanté dans tous les Groupements, à Rabat,
à Alger, à Constantine, à Tunis. Le Capitaine
BOYER, nommé Chef de musique de la garnison d'Alger, donne
une nouvelle vigueur au chant des Africains qui devient le "Chant
de guerre des Africains''. L'Armée d'Afrique reconstituée
adopte aussitôt ce chant martial et flamboyant. Il sera interprété
et joué dans toutes ses campagnes de Tunisie, de Corse, d'Italie,
de France et d'Allemagne. Les rutilantes noubas de nos Régiments
d'Afrique ont fait retentir les accents des "Africains'' dans
toute la France et dans une grande partie de l'Europe. Voilà
qui explique son immense popularité.
Jacques TORRES
A propos du chant " C'est nous les Africains
" On a beaucoup écrit au sujet de ce chant que certains qualifient
de chant de l'O.A.S. (sic) ; faut-il y voir l'ombre de l'excommunication,
déjà encourue du fait de l'occupation allemande en
1941-1942 ou la manie des anti-France, de montrer du doigt tout
ce qui leur paraît " politiquement incorrect "
Nous avons publié par deux fois, dans les
n° 92 de décembre 2001, p. 119 et n°100, p. 112,
de ''L'Algérianiste'', l'histoire de ce chant.
Mais il restait un point d'ombre : qui était le fameux commandant
Reyjade. La légende, et non pas l'histoire, dit que le commandant
(sic) Reyjade, des Tirailleurs marocains, écrivit en 1915,
une marche destinée aux troupes marocaines, qui commençait
ainsi : " C'est nous les Marocains qui arrivons de loin ".
Une autre source attribue le texte au sergent Bondifala et au tirailleur
Marizot, en 1915, sur la musique de l'Hymne de l'Infanterie de Marine.
Il est deux points sur lesquels nous sommes d'accord
: année de création (1915), et la musique de l'Hymne
de l'Infanterie de Marine. Mais pour le reste, à propos de
Reyjade, nous nous posons la question : est-il vraiment commandant
? Il est inconnu des contrôles militaires de l'époque.
Bien entendu parce que, plus prosaïquement,
les paroles sont de Jeanne Decruck, en 1915 (pseudonyme de Reyjade).
Décédée en 1954, elle était aussi connue
sous le nom de Jeanne Breilh, Breilh-Decruck, ou Fay-Béryl
(sources Sacem).
Mais question que nous posons : qui lui a demandé
de composer ces paroles ou si cela est à son initiative personnelle,
en quelle occasion ? En 1940, le capitaine Félix Boyer fut
libéré par les Allemands en tant qu'ancien combattant
de la Grande Guerre. Récupéré à Alger
par le général de la Porte du Theil, placé
à la disposition du commissaire régional des Chantiers
de Jeunesse Française en Algérie, Alphonse S. Van
Hecke, il reçut la charge d'organiser la Musique d'Afrique
du Nord à Hussein-Dey.
Le capitaine Félix, Frédéric,
Marius Boyer reprit la Marche de Armée d'Afrique composée
en 1915. Les " Marocains " devinrent les " Africains "
et le chant de gloire des Chantiers de Jeunesse Française
d'Afrique du Nord dans les groupements, les districts, les sections
de l'ADAC (Association des Anciens des Chantiers), à Rabat,
à Alger, à Constantine et à Tunis. Nommé
chef de musique de la garnison d'Alger, le capitaine Félix
Boyer rebaptisa officiellement cet hymne : " Chant de guerre
des Africains " (nous évoquons ces souvenirs dans l'algérianiste
n°92, p. 119).
La Musique des Chantiers eut, à l'époque, une grande
notoriété en Alger et région. La nouvelle Armée
d'Afrique, avec l'intégration des Chantiers dans le 7e régiment
de Chasseurs d'Afrique, adopta aussitôt ce " Chant de
guerre des Africains " et l'emmena dans ses campagnes de Tunisie,
de France et d'Allemagne. Le capitaine Félix Boyer, alias
Grasso Boyer, est décédé en 1980 (sources Sacem).
Lorsque Reyjade écrivit les paroles des
" Africains ", seul un refrain (devenu) célèbre
et trois couplets composaient ce chant. En 1943-1944, un quatrième
couplet est venu s'intercaler entre le deuxième et troisième
existant depuis l'origine. Ceci pour honorer les évadés
par l'Espagne qui ont rejoint, au nombre de 25 000, l'armée
d'Afrique.
Ce chant jugé séditieux par l'occupant,
fut interdit dès 1941 et il faudra attendre le débarquement
américain du 8 novembre 1942 pour qu'il retentisse à
nouveau sur la Route Moutonnière, au retour vers le Hamma.
Nous, en mémoire des Dupont, Sanchez, Mohamed
ou David d'Algérie tombés sur tant de chemins pour
libérer la France, vibrons encore aux accents du " Chant
des Africains " évocateur de souvenirs glorieux et douloureux.
Ce texte n'aurait pu être écrit sans
la participation active du président des Anciens du 7e régiment
de Chasseurs d'Afrique, Alain Abdi et du capitaine Francis Josse
de l'Amicale du 7e régiment de Chasseurs.
Je remercie aussi Paul Rossignol pour sa communication
à Lionel Faivre de " Un peu d'Histoire autour de ce
Chant des Africains " et transmise par ce dernier à
la chronique.
Théo Bruand d'Uzelle, 39500 Tavaux
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