UNE FOIS DE PLUS, LES FALSIFICATEURS DE L’HISTOIRE

Le musée d’art de Toulon, ces derniers mois, présentait une exposition au titre alléchant, " NOS LIBERATEURS ", consacrée aux évènements de 1944 et à la libération de la ville pendant la seconde guerre mondiale. Enfin, ont pensé les naïfs, on va rendre hommage aux oubliés de l’Histoire…

Pour ceux là, s’ils ont lu le Figaro du 11 décembre dernier, ils ont été édifiés. Un certain Georges-Picot, qui, sans rire, se pose en historien, nous y explique tout de go que, Toulon ayant été prise " sous la botte " de sa précédente municipalité, il importe de " rappeler ici même que les pères des immigrés d’aujourd’hui furent un jour accueillis en libérateurs "…

On admirera au passage qu’une ville ait pu se mettre de son plein gré sous une botte, quelle qu’elle soit, et on pourra se demander de quels immigrés il s’agit…

Le contenu de l’expo répond à cette dernière question : de nombreuses photographies en noir et blanc, des panneaux didactiques bien composés, des interviewes filmées, composent un ensemble animé par tous les moyens de la muséographie moderne, et s’illustrent de surcroît par des agrandissements des croquis de guerre d’un artiste de haut niveau…un joli spectacle ! on y a mis les moyens…

Pour le fonds, voyons un peu : Pas de chronologie, pas de statistiques, pas de travail proprement historique. Des panneaux de textes nous exposent abondamment la 1°DFL, des récits nombreux nous parlent de la Résistance, les Américains aéroportés sont l’objet d’un juste hommage, la vraie Croix est en bonne place ( la croix de Lorraine, vous l’avez deviné ) … des interviewes complaisantes font parler des sénégalais et des provençaux prolixes, ces derniers résistants et décorés à plaisir. La libération de la ville, c’est clair, fut l’œuvre à part égale des résistants et des troupes coloniales…..

Mais quid de l’Armée d’Afrique ? question saugrenue ! On voit bien qu’elle n’a jamais existé…son nom n’est écrit, avec une discrétion de violette, que pour entretenir la confusion avec les unités coloniales avec lesquelles pourtant elle n’a rien à voir. Lorsqu’un Pied-Noir est interviewé, sa qualité n’est jamais évoquée. Le nom de Français d’Algérie n’est prononcé qu’une seule fois, et c’est par Alain Mimoun… merci Alain !

Les exploits de la Résistance, évidemment, ne sont pas ignorés : on nous dit même, pensez donc, qu’ils ont incendié quatre camions allemands dans un garage ! et on se divertira en écoutant l’enregistrement d’un ancien combattant sénégalais qui nous explique, en riant bien quand même, que les Allemands résistaient aux légionnaires mais fuyaient devant les unités noires… !

Quant à nous exposer que l’Armée d’Afrique était le noyau de l’opération, qu’elle était composée à peu près à part égale de français d’AFN et d’indigènes musulmans, que le taux de mobilisation de ces Français était de 16,5%, le plus fort de l’histoire de France, celui des musulmans étant de 2,13%, il ne semble pas que c’était le but de l’exposition : un oubli, sans doute ! Nous préciser que les commandos qui ont investi la région hyéroise et toulonnaise, avec des pertes énormes, étaient presque exclusivement pieds noirs était sans doute indélicat. De même que le nom de Salan ne figure que dans un petit coin, que le maître d’œuvre incontesté de la préparation de cette victoire, le général Weygand, est totalement ignoré .Et puisque les troupes gaullistes sont complaisamment citées, nous permettra-t-on de rappeler les chiffres ? dans la campagne de Tunisie, où les archives militaires les ont décomptés séparément, l’Armée d’Afrique a eu 2156 tués et 10 276 blessés, les FFL ayant pour leur part 38 tués et 69 blessés : de quoi ramener les historiens, même toulonnais, à une plus juste appréciation des évènements… il y avait d’ailleurs dans la région de Toulon suffisamment d’acteurs de ces combats, des vrais, pour en témoigner : à condition que le but fut d’établir la réalité historique, bien sur.

Nous abordons le cinquantième anniversaire du débarquement de Provence et beaucoup de manifestations et commémorations sont prévues. Toutes, déjà, se présentent dans la même confusion volontaire entre notre Armée d’Afrique, celle qui est née en Algérie, et les Troupes coloniales, glorieuses elles aussi, d’origines totalement différentes. Confusion dont le but ne peut nous échapper….surtout si on sait qu’il est même prévu, suprême provocation, d’y inviter Bouteflika !

Merci, Messieurs de la Propagandastaffel du musée de Toulon : vous avez bien mérité de la République !


Michel LAGROT

Pour plus d'info : Aout 44; Mobilisation

Mis en page le 06/04/2004 par RP

 

Mr G. GEORGE-PICOT usant de son droit de réponse nous prie d'inserrer:

 

Qui croire ?

Monsieur Lagrot est une des rares personnes à ne pas avoir remarqué que les Européens d'Afrique du Nord et l'armée d'Afrique étaient bien présents dans l'exposition " Nos libérateurs -Toulon, août 1944 "Nombreux ont été les visiteurs qui nous en ont remerciés dans le livre d'or. Je n'en cite que quelques extraits :
" Très belle exposition qui permet de ne pas oublier. Heureux que l'on ait évoqué les pieds-noirs "
" Merci de rappeler le rôle de l'armée d'Afrique. Gardons-le bien en mémoire et répétons-le à nos enfants "
" Bel hommage à l'armée d'Afrique "
" Il est bon de rappeler les combats menés pour la libération de la France par les vaillants soldats de l'armée d'Afrique, souvent oubliés dans nos mémoires infidèles. "

Si monsieur Lagrot avait regardé cette exposition avec un peu plus d'attention, il aurait constaté que des soldats européens de l'armée d'Afrique étaient présents dans tous les chapitres de l'exposition à l'exception de ceux consacrés aux Américains et à la résistance. Le visiteur pouvait en voir sur des photographies, lire des témoignages écrits par eux, entendre leurs paroles dans un des films, écouter le chant des Africains, lire des passages des journaux de marche des unités de l'armée dAfrique, voir les insignes de ces unités... Aurait-il fallu que nous mettions sur des photographies des flèches en direction de certains soldats et écrire " celui-ci est un pied-noir " ? Ou encore préciser, sous chaque témoignage d'un Français d'Algérie, untel " pied-noir " ? L'exposition que nous avons conçue est le fruit d'une recherche historique de plusieurs années. Notre objectif était de rendre hommage aux libérateurs de la France et de rappeler les contributions respectives des armées alliées et de la résistance. La place de l'armée d'Afrique dans cette exposition correspondait au rôle majeur qu'elle a tenu dans cette libération.

Grégoire Georges-Picot

Post Scriptum : En relisant l'article de monsieur Lagrot, j'en viens à douter qu'il ait vraiment regardé l'exposition. A titre d'exemple des nombreuses observations inexactes que j'ai relevées, je cite: " De même que le nom de Salan ne figure que dans un petit coin... ". Le témoignage du colonel Salan était présenté dans trois endroits de l'exposition (des citations d'une dizaine de lignes à chaque fois). Il y avait deux photographies de lui. Enfin, le drapeau du 6ème régiment de tirailleurs sénégalais, qu'il commandait alors, était exposé au musée de Toulon. L'emblème a été prêté à titre exceptionnel par le musée des Invalides, rare témoignage de confiance donné par des généraux et des historiens au vu de notre travail.

 

 

Modifié le 01/07/2004 par RP