AUX FEMMES
ET AUX HOMMES DE BONNE VOLONTÉ
A PROPOS
DES MALENTENDUS GENERES PAR L’INTERPRETATION DU « DECRET CREMIEUX ».
(24
octobre 1870)
La collectivité française autochtone d’Algérie
de confession juive était-elle opposée aux combattants de l’Algérie
française ?
« noli me tangere »
« ne me touche pas »
Il
s’agit d’un sujet qu’il m’est arrivé d’évoquer à mille reprises. Pour de
multiples raisons. En particulier, celle qui veut imposer à l’opinion la
contre-vérité suivante : « Les
Français autochtones d’Algérie de confession juive, étaient majoritairement
opposés à l’Algérie française. Opposés aux défenseurs de l’Algérie française,
aux combattants de l’OAS en particulier ».
Devant mon entêtement à prendre le contrepied de
cette désinformation, certains ont exprimé la volonté de m’en dissuader. En
ayant recours à un argumentaire que l’on peut qualifier d’original. Ce fut le
cas lors de la publication de mon premier livre, « Le sang
d’Algérie » en 1992.
« Avec
la question juive en Algérie française et le comportement des juifs pieds-noirs
à l’égard du combat pour l’Algérie française, tu touches là » m’ont-ils affirmé « au noli me tangere de l’histoire de
l’Algérie française ». Ils étaient persuadés me frapper d’étonnement
par cette référence à une scène émouvante de l’histoire sainte, à laquelle ils
avaient recours pour me décourager. Ils ignoraient que je fais partie d’une
promotion d’étudiants en médecine d’Algérie qui eut le privilège, au moins une
fois, d’entendre un de nos condisciples de la brillante faculté de médecine
d’Alger, déclarer publiquement à l’adresse d’un jury de concours :
« la veine-cave inférieure fut jusqu’à ce jour, le noli me
tangere des chirurgiens » (1949).
Ce que ce fringant étudiant voulait exprimer
d’une façon littéraire et à son avis, exceptionnellement brillante, c’était une
vérité du moment, toute provisoire, à savoir que les chirurgiens ne pouvaient
pas encore « toucher » à la veine cave inférieure.
« Noli
me tangere », « ne me touche pas »… il
s’agit ni plus ni moins que des paroles prononcées par Jésus à l’heure de sa
résurrection à l’adresse de Marie-Madeleine. La douce et tendre galiléenne,
Marie de Magdala, voit réapparaître vivant le dieu qu’elle adorait, l’homme
qu’elle aimait. Folle de joie, elle se jette à ses pieds et veut l’embrasser.
Jésus lui dit alors : « noli me
tangere ! ».
« Ne
me touche pas ! », Jésus par sa résurrection, était effectivement passé de
l’identité d’homme, de mortel sacrifié dans d’horribles souffrances pour
laisser un message à l’humanité, à l’identité de Dieu. Dieu qui s’apprêtait à
confirmer ses disciples dans leur mission perpétuelle sur la terre. Une confirmation
de cette mission échelonnée sur 40 jours. Jusqu’à son ascension à la droite du
Père d’où il expédiera aux hommes le Saint-Esprit ou l’Esprit Saint pour les
éclairer et les engager sur la voie que Lui-même avait tracée.
Pour quelques rares interlocuteurs juifs
d’Algérie, cet aspect de l’histoire du combat pour l’Algérie française, avec la
participation ou la non-participation des juifs d’Algérie…, il convient de ne pas y toucher. « Noli
me tangere », « ne me touche pas ».
Dans cet avertissement dont je fus destinataire,
j’ai cru détecter une crainte chez mon interlocuteur ami, lui-même de
confession israélite. Crainte qui aurait pu s’exprimer ainsi : « Prends garde à tes
abattis ! ».
Il s’agit d’un sujet sensible, difficile à
aborder. Il mérite cependant, lui aussi, d’être inclus dans la recherche et
dans l’enseignement de la vérité. Cette vérité qui est trahie en permanence par
les commentateurs à la fois officiels et pervers de l’histoire de l’Algérie
française, de la guerre d’Algérie ou du combat ultime de l’OAS.
Alors … mes abattis…., je les ai tellement exposés depuis 1955, que je n’ose faire aujourd’hui
l’inventaire de ce qu’il en reste, quelques semaines avant l’accomplissement de
mes 85 ans.
Dans notre volonté de savoir et de faire savoir,
il nous faut avoir le cran de nous exprimer. De disséquer l’histoire.
C’est dans cette perspective, ou plutôt dans
cette ambition que le décret Crémieux du 24 octobre 1870 mérite d’être évoqué.
Un décret qui imposa aux nationaux français autochtones d’Algérie de
confession juive d’être incorporés dans la
citoyenneté française. Le décret Crémieux ne fut jamais une entreprise
autoritaire de naturalisation collective des juifs d’Algérie. Cette
nationalisation collective était impossible à octroyer pour une raison
fondamentale : les juifs, comme les musulmans d’ailleurs, étaient de
nationalité française par leur naissance sur la terre d’Algérie, depuis 1830.
Cette nationalité confirmée par le sénatus-consulte de Napoléon III du 14 juillet 1865, ne conférait cependant pas aux juifs
autochtones d’Algérie la qualité de citoyens. Celle-ci avait d’ailleurs été
boudée par les israélites d’Algérie en 1865, lors du sénatus-consulte. Quelques
dizaines d’entre eux seulement franchirent volontairement la ligne après 1865,
comme le proposait le sénatus-consulte impérial. L’immense majorité préféra
persister dans l’identité d’une collectivité qualifiée par le sénatus-consulte de nationaux français non citoyens, c’est-à-dire soumis à la loi
mosaïque dans le domaine du code civil.
Le décret Crémieux du 24 octobre 1870 attribuait
aux juifs d’Algérie, la qualité de citoyens français avec les droits
qu’impliquait cette promotion administrative. Avec les devoirs qu’elle imposait
de respecter. En particulier la soumission, comme la totalité des autres
citoyens français, aux exigences du code civil français, en lieu et place de la
loi mosaïque. Ce n’était pas, ce ne fut jamais, une nationalisation collective
et autoritaire.
Ce fut sur le plan religieux et confessionnel,
comme sur le plan civil, le moyen d’établir une stricte égalité entre les juifs
de métropole citoyens français depuis la Convention, et les juifs d’Algérie qui paraissaient se complaire
majoritairement dans la condition de nationaux
français non citoyens.
Je vous propose d’évoquer cette page
particulièrement riche de notre histoire, à travers quelques grandes périodes
de la vie de l’Algérie française, de 1830 à l’OAS.
Du coup
d’éventail à la défaite du 19 mars 1962 imposée à la France et à l’Occident, par l’homme
de Satan, Charles De Gaulle.
Origine
endogène de la prise d’Alger
« Entébbé n° 1 »
On
a prétendu utiliser une créance céréalière au débit de la France et au bénéfice
du dey d’Alger au XVIIIème siècle, pour affirmer paradoxalement, l’existence
d’une formidable richesse agricole de la terre algérienne avant 1830.
On croit rêver ! Surtout si l’on songe aux
difficultés techniques que rencontrèrent nos agriculteurs, travailleurs
forcenés, pour espérer un rendement agricole générateur de bien-être à partir
de la dure terre d’Algérie. Grâce en particulier, à leurs équipements
d’avant-garde, puisqu’en Algérie, au XXème siècle durant les années 30, fonctionnaient
quatre fois plus de moissonneuses-batteuses qu’en France métropolitaine. La
volonté de réussir les orientait par nécessité vers le progrès, vers la
technologie moderne. L’Algérie française, était en mesure de devenir grâce à
eux, la Californie du Maghreb et de l’Afrique.
Malgré ces équipements d’avant-garde, les
rendements en céréales n’étaient en 1956 que de 6 à 7 quintaux à l’hectare. Ce
n’était qu’une moyenne, mais nettement inférieure au rendement des
exploitations européennes dans leur ensemble.
Nos moissonneuses-batteuses ainsi que
l’acharnement au travail de nos agriculteurs, devaient affronter de redoutables
ennemis : le climat, la sécheresse, les invasions épisodiques de
sauterelles.
Comment imaginer, informés de toutes ces
données, qu’à la fin du XVIIIème siècle, au stade de non-existence technico-agricole que connaissait la Régence turque
d’Alger, ce pays ait pu bénéficier du travail d’agriculteurs capables de
semer, moissonner, stocker et livrer des tonnes et des tonnes de blé dans le but de nourrir les armées du Directoire
et des premières campagnes de Bonaparte !
Mais à propos de cet évènement historique
illustré par la créance céréalière au débit de la France, certains sont
excusables, si l’on tient compte de l’imprécision volontairement nébuleuse,
avec laquelle il a été rapporté. Car un très lourd contre-sens fut entretenu
par nos historiens sur cette ténébreuse créance céréalière.
Rien n’est clair dans cette affaire. Il faut la
situer très schématiquement dans son contexte historique : la fin du
XVIIIème siècle et le début du XIXème siècle. Période qui illustre le déploiement du capitalisme
financier d’une part et un nouvel essor contemporain du monde juif
méditerranéen d’autre part. Tout particulièrement, des israélites vivant au
sein de la Régence turque d’Alger. Ces derniers étaient étroitement liés, par
l’intermédiaire d’une élite, au port toscan de Livourne. Le pool Alger-Livourne
joua un rôle capital dans le destin de la Régence turque d’Alger.
Très succinctement, les juifs d’Alger se
scindaient alors en deux catégories administratives.
La première regroupait ceux qui étaient soumis,
au sein d’une dhimma, à l’autorité politique et religieuse du territoire. Une
dhimma, c’est-à-dire une collectivité qui, tous les jours, achète son droit à
la vie et à la liberté. Au sein de cette dhimma la liberté religieuse existe
dans un cadre très restreint de possibilité d’expression. Vous avez payé pour
cela et vous continuez de payer. Ce qui est interdit, de la façon la plus
rigoureuse, c’est de se livrer au prosélytisme, à l’apostolat. Il ne fallait
pas se risquer à convertir un musulman au judaïsme ainsi d’ailleurs qu’au
christianisme. C’est la condamnation à mort qui menace dans cette éventualité.
Rappelons qu’avant la christianisation, et avant l’islamisation ultérieure du
territoire algérien, une partie réduite et non négligeable, loin de là, de la
population berbère s’était convertie au judaïsme. Ils alimentaient la
collectivité des fils d’Israël depuis
des siècles et des siècles. Fils d’Israël, c’est-à-dire l’une des deux
collectivités qui peuplent la diaspora juive, la première étant constituée des fils d’Abraham, d’origine hébraïque.
La deuxième catégorie administrative était
représentée par les juifs autochtones d’Algérie qui jouissaient d’un statut
consulaire. Elle se composait d’hommes d’affaires et de commerçants dont un
secteur d’activité important, parmi d’autres négoces, consistait à vendre sur
les places commerciales européennes les produits de la « course ».
C’est-à-dire les marchandises de toutes sortes, récupérées au cours des
pillages effectués par des pirates barbaresques. Ce négoce était enrichi du
produit des rançons payées parfois en marchandises de luxe, pour la libération
des esclaves chrétiens. C’était la seule industrie florissante développée sur
le territoire de la Régence. L’unique source de revenus à partir de laquelle s’élaboraient des profits. Le marché intérieur de la Régence
était en effet rudimentaire donc insuffisant. Il fallait vendre des
marchandises à l’extérieur, exporter quelque chose pour fabriquer une monnaie
ou tout au moins une trésorerie nécessaire au paiement des janissaires et des
féodaux de la Régence turque d’Alger. Une trésorerie indispensable pour
satisfaire chaque année au tribut qu’exigeait le sultan de Constantinople,
suzerain de la Régence.
Comment fabriquer cet argent ? De la façon suivante…. parmi d’autres. Lorsque des chrétiens étaient
capturés au cours d’actions de piraterie ou de rezzous qui s’effectuaient en
France méridionale, en Italie, en Espagne, en Méditerranée orientale et
ailleurs, une rançon était exigée pour leur libération éventuelle. Les
transactions, la plupart du temps, s’effectuaient par l’intermédiaire de
certains ordres religieux. Les négociations étaient officielles. Chaque cas
particulier constituait le centre d’intérêt d’une opération comptable. La
libération de l’esclave chrétien, lorsqu’elle était obtenue, se déroulait après
un accord financier. Les esclaves s’identifiaient ainsi à un produit
d’exportation puisqu’on les vendait à l’extérieur après les avoir capturés. Les
rançons n’étaient pas toujours versées en espèces sonnantes et trébuchantes,
rappelons-le. Elles consistaient souvent en marchandises de luxe, draperies,
faïences, œuvres d’art, porcelaines, joaillerie, que l’on s’employait à
revendre secondairement sur les marchés européens pour les convertir en espèces
échangeables.
Les juifs d’Algérie ou plutôt de la Régence
turque, réunissaient les compétences techniques pour mener ce genre de négoce à
bonne fin. Mais il leur fallait des relais bancaires sur les principales places commerciales européennes. Plus
particulièrement méditerranéennes. C’est ainsi que ces brasseurs d’affaires
obtinrent le soutien intéressé du duc de Toscane. A partir de la splendide synagogue
de Livourne, foyer de rayonnement particulièrement vigoureux du culte juif en
Méditerranée, s’appuyant aussi sur les ports de Gênes et de Marseille, ils
devinrent les protégés ou plutôt les administrés du monarque toscan. Pour toutes ces raisons ils bénéficiaient à Alger
d’un statut consulaire. On les appelait les Livournais.
Il est important de souligner que leurs
activités économiques s’inscrivaient dans le cadre de la normalité la plus
totale. Elles trouvaient leur place dans cette phase de mutation capitaliste de
la fin du XVIIIème et du début du XIX siècles. C’est l’époque du déploiement
sur les places européennes de ce que nous nous permettons d’appeler, une
mouvance rothschildienne (1). C’est au sein de cette nouvelle situation
économique européenne, avec la complicité active de l’administration toscane,
qui n’oublie pas d’encaisser ses dividendes, protégés universellement et
spirituellement par la haute autorité religieuse du consistoire de Livourne,
que les juifs livournais d’Alger développent des marchés de toute nature avec
l’ensemble des pays européens.
Dans l’exploitation de ces marchés, ils ont
bénéficié des services techniques de certains armateurs italiens, installés
dans la Régence depuis des dizaines d’années. Parmi ceux-ci, il convient de
citer le nom de Schiaffino. Ces armateurs assumaient les liaisons commerciales
entre Alger, Marseille, Gênes, Livourne et Naples. Ils se sont chargés en
particulier du transport de marchandises pour le compte des potentats de la
Régence de confession israélite. Marchandises accumulées grâce à la piraterie
d’une part et à l’encaissement des rançons d’autres part, quand celles-ci
étaient payées en objets et marchandises de valeur. Les ports d’attache de ces
flottes commerciales étaient multiples : Alger, Bône, Naples, Livourne,
Gênes et Marseille.
L’un de ces potentats, Jacob Bacry, achetait et
vendait tout ce qui était négociable, c’est-à-dire susceptible d’être à
l’origine d’une bonne spéculation dans les normes économiques les plus totales.
Ce terme de potentat doit s’entendre dans le sens que l’on utilise aujourd’hui pour
désigner un président qui se trouve à la tête d’une société multinationale. En
l’occurrence d’une société d’import-export.
Bacry s’est trouvé, à la suite de ces
transactions lucratives, propriétaire d’un stock de blé qu’il avait acheté on
ne sait où mais certainement pas en Algérie.
Il a vendu ce blé au gouvernement français qui
en avait grand besoin pour le pain quotidien des soldats de la Révolution. Pour
des raisons mal élucidées, ou plutôt des
raisons sur lesquelles, aujourd’hui encore, personne ne veut s’attarder,
Bacry au nom du groupe financier qu’il représentait a jugé opportun
d’intéresser le Dey d’Alger à cette transaction céréalière. Il l’a incorporé au
trust qu’il avait organisé. Il en a fait ainsi un actionnaire d’une société
montée pour la circonstance.
Grâce à cette opération, le régent d’Alger s’est
trouvé détenteur d’un pourcentage de capital qui n’a pas été précisé. Il s’agit
en cette occurrence, d’une opération banale et très couramment observée de nos
jours. Très souvent, l’actualité nous apprend qu’un ancien ministre des
finances est devenu propriétaire d’une part de capital en actions d’une grosse
société pétrolière, ce qui permet à ladite société de bénéficier d’influences,
lui procurant les moyens de provoquer des révolutions africaines, des chutes et
des recompositions de gouvernements africains et européens, d’être à l’origine
de massacres, voire de véritables génocides. Manœuvres qui se situent à
l’origine de scandales, de démissions et parfois de condamnations car le secret
est très difficile à garder… tout le temps. Ce que nous évoquons là, c’est l’un
des fruits les plus capiteux de la décolonisation.
Ainsi le dey d’Alger détient à un moment donné
une participation de capital au sein de cette multinationale qui négocie la vente
de céréales. Sans bourse déliée. Comme ça ! Pour ses beaux yeux ?
Voire…
Car, à partir de cette créance au débit de la
France, dont les intérêts vont grimper à toute allure, jusqu’à tripler le
montant de la dette, voilà qu’une réaction inattendue se manifeste du côté
français. On ne veut pas payer. Comme
si une influence occulte voulait s’emparer de l’occasion de ce refus de
paiement, en tout cas de ce report perpétuel d’échéance, pour faire naître une situation conflictuelle entre le roi de
France et le dey d’Alger puisque celui-ci s’inscrivait parmi nos créanciers du
premier rang.
Imaginons un dialogue :
« Alors
Bacry, et mon argent ? » demande le dey d’Alger à cet homme d’affaires.
En effet, c’est bien de son argent qu’il s’agit. Il vaut récupérer sa part de
capital augmentée des bénéfices réalisés en cours de transaction.
« Les
Français ne veulent pas me payer » lui répond Bacry.
« Eh
bien va chercher l’argent à Paris ! »
Bacry se rend en France, théoriquement pour
réclamer le paiement d’une créance. Pour exiger le remboursement d’une dette.
Celle-ci atteint la somme de 18 millions de francs-or car les intérêts
s’étaient accumulés. On va marchander et arriver, croit-on, à un compromis.
Puis, sous des influences occultes, la dette se
met soudain à fondre pour atteindre officiellement le montant de départ, 7
millions de francs or. Comme par miracle ! Louis XVIII, excédé, ne
comprenant rien à ces comptes en relation avec une transaction ancienne qui ne
le concerne en rien, finit par ordonner le paiement des 7 millions de francs
or, « et qu’on me débarrasse de
Bacry et du dey d’Alger » affirme-t-il en substance.
En toute logique, si l’on avait obtempéré à la
décision royale, il n’aurait existé par la suite, aucune raison, aucun prétexte d’organiser le
débarquement de Sidi-Ferruch quelques années plus tard.
Mais, certains comptables particulièrement bien
avisés, ou plutôt bien manipulés, des comptables sous influence, des comptables
payés pour leur intervention, estiment judicieux de bloquer ces 7 millions de
francs or, effectivement dégagés par le
trésor royal, à la Caisse des Dépôts et Consignations. Rappelons que cet
organisme d’inspiration napoléonienne avait vu le jour en 1816.
Et le dey d’Alger ne voit toujours pas arriver
son argent ! On ne veut pas payer. On fait la sourde oreille à ses
véhémentes réclamations. Comme si on recherchait l’incident. Comme si on
voulait le pousser à bout.
Qui, à cette époque, détient le pouvoir de
bloquer cet argent à la Caisse des Dépôts ?
La réponse à cette interrogation livrerait une
précieuse information : elle ferait connaître, d’une façon certaine,
l’identité des véritables déclencheurs de l’expédition d’Alger. En 1818, il
faut en effet disposer d’un pouvoir immense, même s’il est occulte, pour
différer l’exécution d’une décision royale. Et cela …. Pendant 12 ans au moins.
En 1827, la créance n’ayant toujours pas été
honorée, une discussion orageuse s’engage à Alger, publiquement entre le Dey
Hussein et Monsieur Deval, le consul de France. Un petit coup de chasse-mouche
sur le bras gauche de l’honorable consul….
L’horreur ! L’insulte ! L’honneur de
la France est outragé !
Il est très important de souligner, même à voix
basse, que c’est une balancelle de Jacques Schiaffino, l’armateur italien que
nous avons déjà rencontré, qui fut chargé de véhiculer à Gênes, via Naples et
Livourne puis à Marseille, la dépêche consulaire informant le gouvernement de
Charles X de cette insulte, de cette intolérable agression. Dépêche à partir
de laquelle se décida officiellement l’opération d’Alger. Cela signifie que Schiaffino
est intervenu en tant qu’officier de liaison dans ce complot dont le but
n’était rien d’autre que de provoquer une intervention française.
C’est trois ans plus tard seulement, que seront
réunis les moyens de réagir à l’insulte ! Comme si cette dépêche avait
exigé une étude approfondie en cours
d’escales, et tout particulièrement au cours de l’escale livournaise, pour
faire apprécier soigneusement et par qui
de droit, le potentiel de riposte dont elle était porteuse.
Un corps expéditionnaire français est envoyé à
Alger. Malgré l’opposition du contre-amiral Duperré qui assume le commandement
naval de l’opération. Malgré le scepticisme parfois hostile, de quelques
gouvernements étrangers. Malgré le désaveu narquois de l’Angleterre. Le
général, duc de Wellington, a déclaré en substance :
« Les
Français seront rejetés à la mer dans les 15 jours ».
Wellington s’est trompé. Il faudra 132 ans pour
rejeter la France à la mer. Grâce à De Gaulle qui imposa à notre pays la plus
infâmante défaite qu’il ait jamais subie.
Le débarquement français à Sidi-Ferruch du 14
juin 1830, semble s’identifier à la conclusion d’un très compliqué mais
ingénieux montage.
Le but recherché par une fraction du monde
capitaliste européen de confession juive était d’aboutir à la libération ou
plutôt à l’affranchissement de la dhimma juive d’Alger, dans le but
d’incorporer les israélites de la Régence turque d’abord, et ceux du Maghreb
ensuite, dans une collectivité nationale européenne au sein de laquelle ils
allaient pouvoir vivre en toute liberté. La France, à cette époque, était la
seule nation qui offrait des garanties suffisantes pour devenir la patrie de
tous les juifs de la Régence et du Maghreb.
Depuis la Convention nationale républicaine,
depuis 1792, les juifs autochtones de France avaient acquis officiellement la
citoyenneté française. Dans la perspective où la Régence devenait à son tour un
territoire français, les juifs algériens pouvaient prétendre tout logiquement
accéder eux aussi à la nationalité française.
Ainsi, assimiler l’opération du débarquement de
Sidi Ferruch effectué le 14 juin 1830, à
une opération de style Entébbé, est-ce raisonnable ?
Expliquons-nous en rappelant très brièvement
l’origine et la signification de l’opération d’Entébbé.
Idi Amin Dada, ancien berger nubien du temps de
son enfance, prend le pouvoir en Ouganda, le 25 janvier 1971. Il rencontre
alors le colonel libyen Kadhafi. Il tombe sous son influence et se convertit à
l’islam. Avant sa conversion, il était
l’interlocuteur direct d’une mission israélienne à Kampala, capitale de
l’Ouganda. Cette fonction l’avait conduit à effectuer quelques séjours en
Israël.
Après sa conversion il déclenche des persécutions
contre les non-musulmans et organise des crimes et des exactions qui annoncent
des génocides de masse que va connaître l’Afrique. En 1976, sous l’influence
Kadhafi, il prend en otage les passagers juifs d’un avion qui faisait escale à
Kampala.
Son objectif, ou plutôt celui de Kadhafi : faire
pression sur le gouvernement de Tel-Aviv et obtenir la libération de chefs
palestiniens emprisonnés. Ces otages seront libérés grâce à un audacieux raid
de parachutistes israéliens sur Entébbé, ville située sur le lac Victoria qui
dispose d’un aéroport, en l’occurrence l’aéroport international de Kampala. Ces
otages seront ramenés en Israël le 3 juillet 1976. Le colonel commandant
l’opération fut tué à l’occasion de ce raid. Il était un parent très proche du
chef du gouvernement actuel d’Israël.
Répétons notre
question : l’opération militaire française de Sidi-Ferruch
s’identifie-t-elle essentiellement à une opération d’origine endogène visant à libérer les juifs de la Régence turque
d’Alger ? Leur ouvrir ainsi les portes de la France ? Puis les portes
de la nationalité et de la citoyenneté françaises ?
Notre réponse est absolument affirmative. La prise d’Alger c’est à Alger qu’elle fut
décidée et planifiée… à la fin du XVIIIème siècle.
1er décembre 1898 : massacre de juifs évité à Alger
12 décembre 1960 :
profanation de la grande synagogue d’Alger, destructions, meurtres, croix
gammées.
Nous sommes 14 rue de Chartres
à Alger. Le 1er décembre 1898, dans cet immeuble situé en face de la
rue d’Ammon, pas loin de la cathédrale d’Alger, Madame Escobedo de Perez,
ressent les douleurs qui annoncent la naissance de son 5ème enfant.
Deux sont déjà morts. Il lui reste deux petites filles, Adèle et Marie. Son
mari, Florencio Juan Perez est auprès d’elle.
Tout à coup, un vacarme effroyable monte de la
rue. Des cris de terreur, des appels au secours retentissent. Des vociférations
haineuses se font entendre jusque dans la chambre de la parturiente. Que se
passe-t-il ?
C’est une émeute « d’arabes » déchaînés qui saccagent les échoppes, les
boutiques et les établissements commerciaux des marchands juifs de la rue de Chartres,
de la place de Chartres et des rues avoisinantes. Des rasoirs, des couteaux
sont brandis : c’est un massacre collectif de juifs qui se déclenche.
Florencio Juan Perez, bondit hors de son
immeuble. Il ouvre la porte pour y faire entrer tous les juifs poursuivis et
agressés qui se trouvent à proximité. Il referme cette porte à clef et fait
face aux forcenés. Il lève les bras en signe de paix et obtient le silence. Il
parlemente. L’homme est imposant, il est d’ailleurs connu de tous les habitués
du quartier, musulmans et français, puisque les juifs sont citoyens français
depuis le décret Crémieux de 1870. Avec ses frères, il dirige une distillerie
qui se trouve à Bab-El-Oued, dans le prolongement de l’avenue de la Bouzareah.
C’est une affaire florissante à cette époque qui fait vivre beaucoup de monde.
C’est donc avec l’assurance d’un chef
d’entreprise responsable, d’un meneur d’hommes, qu’il s’adresse aux émeutiers.
Ceux-ci le connaissent, le respectent et l’estiment. Peut-être invoque-t-il le
nom de Dieu et de la Sainte Vierge. Peut-être sans honte et avec audace,
prononce-t-il une prière à haute voix.
Le résultat est manifeste : ce jour-là il
n’y aura pas de massacre de juifs dans la rue de Chartres, rue qui porte à
l’époque et pour environ 50 ans encore, un nom qui évoque l’une des plus belles
cathédrales de France.
Florencio Jean Pérez était mon grand-père. Le
nouveau-né venu au monde sous le signe de l’émeute et de la terreur, était mon
père.
Ces émeutes anti-juives étaient-elles
fréquentes ? A quoi correspondaient-elles ? Etaient-elles
d’inspiration religieuse ? Raciale ? Questions importantes s’il en fut !
Certains se sont attachés et s’emploient, aujourd’hui
encore, à faire des défenseurs de l’Algérie française et des combattants de
l’OAS en particulier, des racistes intégraux, plus particulièrement anti-juifs.
C’est un argument de recours ultime que l’on utilise parfois pour couvrir d’opprobre
ceux qu’animait l’esprit de résistance contre l’abandon de l’Algérie. Ceux, trop
minoritaires hélas, qui se sont engagés dans le combat
ultime de l’OAS.
Restons dans ce quartier de la rue de Chartres
qui, certes, fut important dans l’histoire des juifs d’Alger. Faisons un bond
de quelques dizaines d’années vers l’avant de l’histoire. Nous nous rendons
compte alors que ce quartier près duquel se trouvait le PC d’Alger-Sahel durant
la bataille d’Alger, connut des heures dramatiques pendant les années sanglantes
de la guerre d’Algérie.
Nous voici en 1956. La rue de Chartres est
toujours appelée rue de Chartres mais son nom officiel a changé. Elle est
devenue la rue Aboulker. Les vieux algérois, qu’ils fussent juifs ou non juifs,
continuaient tout naturellement à l’appeler rue de Chartres, par habitude, par
routine, en souvenir. Elle se déroulait selon un trajet parallèle à deux
artères célèbres. Vers la mer, c’est-à-dire vers le Nord, se trouvait la rue
Bab-Azoun. Vers le haut, donc vers le Sud, vers la haute ville et la Casbah, c’était la rue de la Lyre. En partant de
la maison natale de mon père vers l’Ouest, on passait devant le temple
protestant, avant de traverser la place de Chartres. A gauche, rejoignant la
rue de la Lyre, se situait la rue Solferino en l’honneur de la victoire de
Napoléon III. A droite, des escaliers permettaient de descendre vers la rue
Bab-Azoun et la mer : c’était la rue Saint-Louis, en l’honneur de « l’ange »
des croisades. Un peu plus loin, la rue Vialar, rejoignait la place du
gouvernement d’un côté et la rue de la Lyre de l’autre.
Un peu plus bas, c’était la rue Juba, qui elle
aussi débouchait sur la place du gouvernement. Le nom de Juba évoque le roi de Numidie,
Juba 1er. Mais cette rue voulait pérenniser le nom de Juba II, fils
du premier, élevé à Rome. L’empereur Auguste lui donna comme épouse, Cléopâtre Sélène,
fille d’Antoine et de Cléopâtre. Juba II prit la tête d’un royaume intégré à
l’empire romain.
Après la rue Juba, on arrivait place Lavigerie.
Qui évoque le cardinal du même nom mort en 1893. Ce prélat, qui prétendait
amorcer un apostolat étendu à toute l’Algérie, se vit interdire la mise en
route de cet apostolat. Interdire par qui ? Par le pouvoir français. Sur
cette place Lavigerie, se situaient face à face, la cathédrale d’Alger et
l’archevêché. Ce n’est pas un désir de promotion touristique qui m’incite à
relater ces quelques détails géographiques. Car ce site d’Alger, fut riche en
évènements dramatiques.
Place Lavigerie, siégeait l’UGTA : l’Union
Générale des Travailleurs Algériens. On nous présentait cette union syndicale,
comme alliée du Parti Communiste Algérien. Elle était certes favorable à la
rébellion algérienne et soutenait opérationnellement les terroristes du
Grand-Alger en particulier. Ce que l’on ignorait à cette époque est une vérité
tout à fait différente : cette organisation syndicale au sein de laquelle
se préparait une série d’attentats terroristes, était en réalité la
représentation à Alger de la CISL : la Confédération Internationale des
Syndicats Libres dont le siège était à Bruxelles et dont le président était
Monsieur Irving Brown, un américain. Cette CISL était la représentation en
Europe de l’énorme Fédération Américaine du Travail, une centrale syndicale des
USA, de droite. Cette fédération
américaine, structure-mère de la CISL était favorable à l’indépendance de
l’Algérie pour des motivations qui n’étaient ni plus ni moins que celles du
capitalisme financier tel qu’il m’est arrivé de les évoquer dans mes
différentes études. Cette UGTA fut victime d’un attentat monté par une
organisation anti-terroriste, dont je faisais partie depuis sa naissance. La
bombe qui explosa interrompit la préparation d’une série d’attentats qui
devaient se déclencher le lendemain dans la ville d’Alger. C’était en 1956.
Près de la rue Juba, dans la rue Vialar, Antoine
Di Rosa, exerçait la profession de commerçant-glacier. Il s’était engagé à
titre personnel, dans la lutte clandestine pour garder l’Algérie à la France.
Il fut assassiné un matin, dans cette rue Vialar et vengé dans l’heure qui
suivit, par l’exécution de celui qui l’avait dénoncé aux tueurs
d’Ali-La-Pointe. Son frère, Jean, vint me voir : il voulait monter une
opération de représailles. Il était imprudent dans ses propos. Ali-La-Pointe
prit les devants : il vint l’abattre un matin dans son épicerie de la rue
Jean-Jaurès, à Bab-El-Oued. C’était toujours la guerre d’Algérie, distillée en
ville par la mort en détail, la mort répétée, sournoise, la mort terroriste. Le
drame partout et tout le temps. Cela il faut le comprendre : pour nous, la
guerre d’Algérie, c’était la guerre de tous les jours, de toutes les heures.
Vers la même époque, alors que la dialectique du pistolet automatique se
déployait dans le Grand-Alger, je me souviens d’un coup de téléphone angoissé
que m’adressa mon père à partir de son bar, la
Bodéga Pérez, qui se situait rue de Chartres, en face de sa maison
natale :
« Ils
viennent d’en tuer 3 » Il s’agissait de commerçants juifs évidemment. « Dans un rayon de 50 mètres. Il n’y a
plus personne dans la rue. Que dois-je faire ? ». Je lui
conseillai de fermer son café et de rentrer chez lui. Quelques jours plus tard,
une grenade mit fin à l’exploitation du commerce familial.
Ma grand-mère paternelle, s’appelait Escobedo.
Comme son mari, elle était espagnole. Plusieurs raisons ont été invoquées pour
expliquer le grand nombre d’étrangers ou de fils d’étrangers venus chercher fortune en Algérie. Je veux dire
chercher à y vivre car, comme l’écrit Robert Aron :
« le mythe des pieds-noirs colonialistes ne vaut ni plus ni
moins qu’en France celui des deux-cents familles ».(2)
Ces étrangers constituèrent un apport nécessaire
et indispensable à la vitalité de l’Algérie. Robert Aron précise encore :
« La
France au XIXème siècle ne disposait plus après 1830 ou 1870 d’un capital
humain suffisant pour peupler seule l’Afrique du Nord. Après avoir été le pays
le plus peuplé de l’Europe avec la Russie, elle connut les grandes saignées de
la révolution, de l’empire. Puis les grandes guerres et les expéditions
coloniales devaient encore éclaircir les rangs de la jeunesse. Il fallut donc
faire appel à des étrangers pour contribuer à la mise en valeur, à l’équipement
de l’Algérie. Des flots d’Espagnols, d’Italiens, de Maltais, même des Allemands
et d’autres encore, ont contribué à peupler ce pays. Ainsi est né un nouveau
peuple de sang méditerranéen ».
Le problème juif en Algérie ! Depuis mon
retour d’exil, en 1968, j’ai appris qu’il y en aurait eu un. Dans la vie que
j’ai connue, celle de l’école communale, du lycée, de la faculté, de la lutte
anti-terroriste, à l’époque de l’OAS plus tard, je n’ai pas connu
personnellement de problème juif. Mais il paraît que c’est un évènement
fondamental qui aurait empoisonné la vie en Algérie. J’ai donc essayé de
comprendre et de savoir. C’est un problème grave, délicat à traiter.
Il y a vingt ans, j’ai pris connaissance d’un
ouvrage émanant d’un auteur, brillant intellectuel du monde politique français,
qui veut faire croire en 1961, que la première cause des assassinats de juifs
quand ils se déroulèrent là-bas, résidait peut-être dans l’antisémitisme des
pieds-noirs. J’ai eu entre les mains une brochure publiée par cet auteur Pierre
Pierre-Bloch, vers le mois d’avril 1961, intitulée « L’Algérie, terre des occasions perdues ».
L’auteur y déclare que le paroxysme de cet
antisémitisme se situe entre 1891 et 1901. Nous sommes loin de la guerre
d’Algérie ! Mais la naissance de mon père est inclue dans cette période
noire relatée par Pierre Pierre-Bloch. Le jour même d’une émeute anti-juive.
1898, c’était le temps où Max Régis fut élu
pendant un certain temps maire d’Alger. Certains auteurs l’ont décrit avec abondance,
comme l’âme de l’antisémitisme algérois. Il finit par être sanctionné, privé de
son titre de maire, emprisonné puis expulsé d’Algérie.
Ce que l’on nous dit avec timidité, comme à
regret, c’est que Max Régis, le féroce antisémite qui poussait des arabes à
tuer des juifs dans les rues d’Alger, épousa plus tard une juive-algérienne.
Puis on finit par ajouter que son véritable nom était Milano. C’est-à-dire
qu’il s’agissait en réalité d’un italien naturalisé de confession juive. Il
n’est pas difficile de comprendre que le pseudo Max Régis était un provocateur
patenté. Il agissait pour le compte d’une collectivité politique qui prétendait
imposer une autonomie de l’Algérie. Une collectivité qui s’appuyait sur ce qui
se déroulait à Cuba durant cette même époque, puisque la guerre de Cuba entre les
Américains et les Espagnols, allait se terminer le 10 décembre 1898 par
l’indépendance de Cuba à l’égard de l’Espagne et sa soumission aux Etats-Unis, certes,
mais par un processus d’autonomie interne.
Il s’agissait déjà d’une conjuration contre
l’Algérie française qui voulait s’appuyer sur l’Islam en lui offrant le monde
juif d’Algérie, comme bouc-émissaire. Le monde juif d’Algérie qui depuis le 24
octobre 1870 faisait partie de l’univers « citoyenneté française »
grâce au décret Crémieux.
Pierre Pierre-Bloch soutient dans son écrit que
les responsables des assassinats de juifs n’étaient pas des arabes, auteurs
réels des tueries. Pour lui, le responsable c’était peut-être l’européen
d’Algérie. L’accusation tombe comme un couperet, sans appel. Froidement assénée
en avril 1961. Je souligne le caractère particulièrement odieux de cette
accusation, formulée en 1961. C’est-à-dire à un moment où se joue la mort de
l’Algérie française et la perspective de rapatriement des Français d’Algérie.
Peuple d’Algérie qu’il fallait avilir moralement avant qu’il ne vînt planter
ses nouvelles racines sur la terre de la patrie commune.
Pierre Pierre-Bloch, dans son ouvrage, décide de
nous condamner plus largement. Je veux dire qu’il veut relier la xénophobie des
pieds-noirs à une xénophobie plus générale qui aurait alimenté l’esprit des
Français de souche au XIXème siècle. Il soutient que ces derniers éprouvaient
une véritable répulsion pour les Européens d’Algérie d’origine étrangère. Il
relate la fureur qu’aurait provoquée chez ces Français de souche, la loi de
1889 qui accordait la citoyenneté française à tout européen de 21 ans né en
Algérie. Débattre sur ce point s’avère inutile car ce fut une période passagère
qui s’est échelonnée sur une génération au maximum. La xénophobie si elle
existait, ne résista pas au besoin constant que chaque collectivité avait de
l’autre, aux mariages mixtes et surtout au
mixage qu’a représenté la première guerre mondiale. Le nombre de pupilles
de la nation qui s’appelaient Rodriguez, Pérez, Scotto, Lubrano, Micaleff,
Zaoui, ou Aboulker, à côté des Martin, Dupont et Descamps, illustre le fait
éclatant que les Européens d’Algérie s’étaient transformés en Français
d’Algérie par le sang versé pour la patrie commune. Robert Aron le
précise :
« Nos
compatriotes d’Afrique du Nord sont, parmi les Français, les plus courageux et
les plus Français qui soit »
Mais dans l’œuvre de Pierre Pierre-Bloch, il y a
encore plus grave car cet auteur nous refuse purement et simplement la qualité
de Français. En parlant des Européens non juifs d’Algérie, nous lisons à la
page 9 de sa brochure : « par
leur culture, par leurs origines, par leurs manières de vivre, ils se
comportent comme des Africains et aussi bien que les Juifs, ils ont fait corps
avec ce pays. C’est vraiment cet ensemble que l’on peut désigner sous le
vocable d’Algériens non musulmans ».
Voilà l’identité dont on voulait nous
affubler : Français non, Algériens non musulmans, oui.
Robert Aron vient encore à notre secours : « Patriotes et dynamiques, les Français
d’Afrique du Nord le sont avec paroxysme ».
Ce n’est donc pas un effet du hasard si l’on
s’exprime ainsi en avril 1961. C’est une position qui rejoint celle des
gaullistes qui sont intervenus directement dans l’assassinat de la France
Sud-Méditerranéenne. Cette conviction constitue le fondement même de la
politique gaulliste. On abandonne l’Algérie mais en même temps, on voudrait bien se débarrasser
des « Algériens non
musulmans ». Nous étions compris dans la totalité de l’abandon. On ne
voulait pas de nous en Métropole, dont certains niaient justement qu’elle fût
notre Métropole. Pour que le projet gaulliste se réalisât en totalité, il nous
aurait fallu rester en Algérie. Ne pas venir créer un nouveau « grand dérangement » en
France.
Ce rejet des Français d’Algérie, des
Pieds-Noirs, n’a pas été partagé, loin de là, par d’autres personnalités
intellectuelles françaises. Après l’indépendance, Robert Aron persiste et
signe : « Depuis 6 mois nous
assistons à la transformation brutale, peut-être même à la dispersion d’une
communauté française jusque-là en plein essor, celle des Européens d’Algérie.
Une population équivalente aux deux principales villes métropolitaines après
Paris, Marseille et Lyon réunies, se trouve ainsi menacée. Elle était parmi les
plus dynamiques, les plus patriotes, les plus attachées à un sol qu’avaient
souvent défriché et mis en valeur ses ancêtres.
L’Algérie
était une terre où avant la présence française, nul pratiquement n’avait rien
fait ».
Je ne pensais pas que les ennemis de notre cause
oseraient aller jusqu’à ce degré d’hostilité contre ces Français qui peuplaient
cette province. Cette hostilité ils l’ont justifiée parfois, par l’accusation
d’antisémitisme portée contre nous. Je dis « nous » pris en totalité
dans le temps et dans l’espace c’est-à-dire depuis 1830 et dans toute
l’Algérie. Si nous avions été antisémites permanents, pourquoi avoir attendu le
printemps 1961 pour le dire et surtout pour l’écrire ? C’était
l’illustration d’une manœuvre inélégante, néfaste et cruelle. Elle faisait
partie d’une conjuration contre le peuple français d’Algérie. De Gaulle avait
organisé par l’intermédiaire de ses annonceurs un processus diffamatoire visant
à développer la haine du peuple de France contre le peuple français
d’Outre-Mer. En l’accusant de racisme et d’antisémitisme, on justifiait à
l’avance, un drame qui était redouté à l’époque : un génocide des
Pieds-Noirs en Algérie. Génocide qui fut évité grâce au combat ultime de l’OAS,
qui eut comme conséquence l’inéluctabilité du rapatriement de la quasi-totalité
des Français d’Algérie.
Dans cette brochure, Pierre Pierre-Bloch fait
allusion au décret Crémieux. Il estime utile de préciser que Crémieux n’est pas
responsable de ce décret qui porte son nom. La paternité en est attribuée à
Emile Ollivier qui a rédigé le texte de la loi. Il est précisé que Crémieux
n’eut qu’à signer un texte rédigé par un ministre qui n’était pas de confession
israélite. Tout se passe comme si l’auteur voulait donner plus de crédit à ce
décret, ou plutôt un crédit différent, en démontrant que son auteur réel
n’était pas juif. Je trouve cette attitude désobligeante pour Crémieux en tant
que signataire du décret et en tant que juif. Crémieux offrait toutes les
garanties d’un homme politique compétent, sérieux et patriote. Nous sommes
informés des sacrifices financiers auxquels il s’est volontairement soumis pour
aider la France à se libérer de la dette de guerre que Bismarck avait imposée à
la patrie. Il n’est pas nécessaire d’atténuer le mérite de Crémieux d’avoir
réalisé la première partie de l’intégration des peuples d’Algérie à la
collectivité française. Car comme le souligne Robert Aron, ce que Crémieux
aspirait à atteindre, c’était « assimiler
complètement l’Algérie à la France ».
Cet auteur, Pierre Pierre-Bloch, va très loin.
Il exprime son adhésion au FLN qui pour lui est complémentaire de son adhésion
à De Gaulle. Il propose une équation de la vérité : « De Gaulle + Organisation extérieure de la rébellion =
formule de paix ». Cette équation s’est illustrée par des dizaines de
milliers de morts. Par des tueries dont notre peuple français d’Algérie fut
victime.
Un fait est certain, criant de vérité et
cependant nié par nos accusateurs qui veulent imputer aux Pieds-Noirs et à
l’OAS le crime d’antisémitisme : c’est que les juifs du Maghreb et plus
particulièrement ceux d’Algérie, furent libérés, par la France, de l’oppression
ottomane. « L’arrivée des Français
fut pour les juifs d’Algérie, comme le signal de l’affranchissement ».
Et plus loin, « leur croissance est
spectaculaire, 21,5 % en 50 ans, 47,7 % en Oranie », car dans le cas
de ces derniers, ils furent enrichis d’une forte immigration de juifs marocains
qui vinrent trouver asile en Algérie française. Les victoires françaises, la
présence française, furent l’objet à maintes reprises, de manifestations
d’allégresse de la part des juifs nord-africains. Dans son livre Le Véloce, Alexandre Dumas évoque une
noce juive à Tétouan. On y dansait et bien évidemment les jeunes filles
chantaient, vraisemblablement en espagnol. Voici ce qu’écrit l’auteur :
« Quant
à la chanson, je vous donne en mille à deviner ce dont elle traitait. C’était
la chanson du bombardement de Tanger… »…. « Pourquoi chantait-on
cette chanson à une noce juive ? »…. « un bombardement est-il une chanson de noce ? Non mais de cette apparition des
Français sur les côtes de Tanger, est résultée une lutte et de cette lutte, une
victoire ». La
présence française, la victoire française, les juifs magrébins l’exprimaient en
chants d’allégresse, en chants de noces, en chants de victoire. Pour eux, le
chemin de la liberté a été long. Et s’il n’y avait pas eu 1830 il n’y aurait
pas eu 1870 pour les juifs d’Algérie, il n’y aurait pas eu l’intégration des
juifs à la citoyenneté française. C’est l’occasion de souligner avec force, que
la majorité des juifs pieds-noirs ne partagent pas les convictions de Pierre Pierre-Bloch :
ils étaient « Algérie française » dans une irréfutable majorité.
Il me paraît nécessaire de rappeler un évènement
tragique qui rétablit la vérité quant à savoir qui était véritablement
antisémite, antijuif, en Algérie française. C’était pendant les journées de
décembre 1960. Pierre Pierre-Bloch écrit qu’elles étaient « la
vérité ». Le but recherché par De Gaulle quand il a appelé les musulmans à
descendre dans les rues à l’occasion de son voyage en Algérie, c’était créer selon
lui, « l’anti 13 mai 1958 ».
Il les a appelés en réalité à son secours et il a provoqué, intentionnellement,
une nefra anti-française avec un
risque de massacre de Français d’Algérie. Il prétendait démontrer que le 13 mai
1958, « c’était tout faux » et que les journées du décembre gaulliste 1960, « c’était tout vrai ».
L’antisémitisme en Algérie a connu, lors de ces
journées de décembre, une manifestation riche d’un symbolisme que personne ne
veut évoquer. Alistair Horne est un auteur britannique, favorable au FLN,
évidemment hostile à l’Algérie française et à l’OAS. Il écrit textuellement
dans son ouvrage consacré à la guerre d’Algérie en évoquant les journées de
décembre 1960 :
« Le
12, les foules, poussées par le FLN, étendaient leurs opérations en pillant la
grande Synagogue au cœur de la casbah. Ce bel édifice, construit sous le règne
de Napoléon III, était l’un des sanctuaires juifs d’Alger. Le magnifique
bâtiment était éventré, les rouleaux de la Thorah étaient déchirés et profanés
et les murs couverts de croix gammées et d’inscriptions « mort aux
juifs ». Plusieurs fonctionnaires étaient enlevés et assassinés au cours d’une série
d’actes de violence qui avaient frappé la communauté juive avec la soudaineté
de la foudre. Qui avait appelé les musulmans à descendre dans la rue, à hurler
leur soutien à De Gaulle ? Ce fut Monsieur Coulet, commissaire politique
gaulliste auprès de Paul Delouvrier. Pierre Pierre-Bloch était évidemment
informé de cette nefra anti-juive, imputable au FLN. Mais cet auteur,
gaulliste, veut blanchir les protagonistes-mêmes de cette tuerie. Il veut
blanchir à tout prix le FLN. Il n’hésite pas à écrire dans une annexe n° 4 de
son ouvrage à la page 109 :
« Signalons
également que, contrairement à ce qui a été dit au cours de ces derniers temps,
l’étendard vert à l’étoile d’or n’est pas le drapeau du FLN mais l’étendard
d’une secte fanatique la Kerkoua, secte qui était en contact étroit avec les
musulmans de Russie et d’Asie. Ce sont eux qui ont organisé la profanation de
la Synagogue d’Alger ».
Nous sommes étonnés de cet entêtement de la part
de Pierre-Pierre-Bloch à innocenter le FLN. Car si cette secte a pu se
manifester, c’est d’une part parce qu’elle faisait partie intégrante du FLN et
d’autre part parce qu’elle était assurée de l’impunité puisque les autorités
civiles et gaullistes d’Algérie étaient les complices opérationnels de cette
profanation de la synagogue d’Alger.
Cette synagogue était située à quelques
centaines de mètres de la maison natale de mon père. J’aime à évoquer
l’attitude de mon grand-père le 1er décembre 1898 qui a su éviter
une tuerie de ses voisins juifs. Je ne l’ai pas connu. Florencio Juan Perez est
mort tuberculeux en 1905 au sanatorium de Miliana. Notre cellule familiale
paternelle Pérez-Escobedo, avait payé elle aussi très tôt « le prix du cimetière » pour avoir le droit de vivre sur
la terre d’Algérie : deux fils aînés et le chef de famille décédés. Oui,
Fromentin avait raison :
« La
première histoire de la colonisation se lit dans les cimetières ».
1934-1935 : des juifs tués en tant que
juifs dans le Constantinois
Comment
évolua l’Algérie au début du XXème siècle ? Beaucoup d’historiens se sont
penchés sur cette évolution. On ne peut pas dire qu’ils aient fourni un effort
appréciable pour nous permettre de détecter, dans ces pages d’histoire, toutes
les indications prémonitoires de ce que nous appelons à leur instar et par
convention simpliste, une révolte.
Plus que de révolte, en réalité, il s’agissait
de la mise en route d’une véritable conjuration. Celle-ci, sous le couvert
d’une perspective volontairement réductrice de revendications dites de libertés, doit être assimilée à une
conjuration permanente anti-française. Exclusivement.
Vers 1930, des historiens lucides évoquaient
avec raison l’impact nouveau qu’il fallait attribuer à ce qu’ils appelaient,
par un euphémisme de mode, le dogmatisme
religieux musulman. Ils précisaient néanmoins et sans nuance :
dogmatisme particulièrement dirigé contre les juifs d’Algérie.
Ils exhibaient à l’appui de leurs convictions le
décret Crémieux comme un facteur de mise en route du mécontentement arabe, qui en 1934 et 1935 a pris parfois des airs de révolte.
Mécontentement ? Pourquoi ?
La réponse simpliste, puérile même en apparence,
apportée à cette interrogation est évidente :
« Vous
avez accordé la citoyenneté française aux juifs. Vous ne l’avez pas accordée
aux musulmans. C’est donc d’une discrimination ethnico-religieuse dont nous
sommes victimes, nous les arabes ».
Avant de démontrer le mal-fondé de cette
accusation, nous tenons à formuler une observation. Les opposants, ceux qui
s’apprêtent à devenir les révoltés, font état dans leur terminologie d’une discrimination ethnico-religieuse dont
ils se croient victimes.
Ils pourraient avoir raison mais à 50 %
seulement. Pourquoi ? Parce que si discrimination il y avait eue, elle ne
pouvait être que religieuse. En effet, s’il est un substantif qui n’avait pas
sa place en AFN, c’est bien le substantif de race, d’ethnie. La fraction
berbère, largement dominante pour ne pas dire exclusive du peuple nord-africain
de confession musulmane, était avant tout un rassemblement de peuples
d’origines géographiques multiples (Africains, Mauritaniens, Sahariens, Kabyles
et d’autres encore).
Chez les Européens ou plutôt chez les
non-musulmans, des Siciliens, des Napolitains, des Hispaniques, des Maltais et d’autres,
se mêlaient aux Français de souche, aux Alsaciens et aux Lorrains.
Jean d’Escola rappelle en substance dans son
ouvrage « Les grandes heures de
l’Espagne » que les colonnes d’Hercule(3) constituèrent, dans
l’antiquité, une zone de transit privilégiée dans les deux sens, pour les
peuples berbères africains et ibériques. La notion d’ethnie se révélait
accessoire, ou plutôt contingente, en tout cas secondaire en Algérie tout
particulièrement. Biologiquement, génétiquement, elle était inexistante.
Mais elle connut néanmoins une fortune
« historique », une existence opérationnelle, parce qu’elle
s’illustra avant tout comme une création
d’auteur. Création née à partir d’un intégrisme religieux.
Ce dogmatisme religieux intégriste évoqué en
1934 comme base opérationnelle d’une révolte anti-juive, avait été mis en place
en Algérie avec la complicité sinon lucide, du moins passive, de la 3ème république, théoriquement laïque.
Elle accepta, en effet, l’installation
officielle et légale en Algérie, en vertu de la loi de Waldeck-Rousseau, dite
loi de 1901, de l’Association des Oulémas. Une date essentielle de notre
histoire, c’est le 5 mai 1931. Quand je dis date essentielle de notre histoire,
j’évoque notre histoire française, dans laquelle bien
évidemment j’incorpore la mère-patrie. Omar Smaïl, un leader religieux berbère,
fonda cette association. Il en déposa les statuts à la préfecture. Ils y furent
acceptés à Alger. Le 7 mai, un berbère constantinois, Ben Baddis, en est élu
président. Un autre berbère, lui aussi du Constantinois, Ibrahim Bachir est élu
vice-président.
Ces deux hommes avaient complété
leur formation intellectuelle religieuse dans les lieux saints d’Arabie et au
Proche-Orient. Ibrahim Bachir enseigna la littérature arabe classique à Damas.
Ces hommes observèrent avec une rigueur opérationnelle majeure, la prescription
fondamentale du 3ème Calife Otman, qui, au VIIème siècle, avait
exigé que le coran fût enseigné et psalmodié universellement et exclusivement
en langue arabe littérale. Par cette décision, essentiellement culturelle, la langue arabe s’identifia
au ciment de l’islam. Par le moyen de cette exigence, se structura pour
l’avenir, une arabisation intellectuelle, linguistique, phonique et cadencée de
l’expression universelle de la religion du prophète de la Mecque et de Médine. Une
phénoménologie arabe avec son potentiel évolutif et unificateur conféra, ainsi,
un monolithisme fonctionnel à une immense majorité du monde musulman. Ce monolithisme
identifia le monde arabe.
C’est-à-dire le monde universel des croyants arabisés intellectuellement et
spirituellement. Un monde ayant été façonné par une arabisation à la fois scripturaire et phonique.
Dans l’attitude opérationnelle des Oulémas
d’Algérie, réunis dans leur association de 1931, cette volonté d’arabisation
exclusive fut affirmée sans ambiguïté par Ben Baddis en 1931. Il n’était plus
question de l’opposition des Berbères soumis aux Arabes conquérants, car il n’y
eut jamais d’Arabes conquérants dans le Maghreb. « Ma religion c’est l’Islam, ma langue c’est l’Arabe, ma patrie c’est
l’Algérie ». La langue arabe était identifiée par ce grand religieux à
l’instrumentalisation majeure mise au service des croyants pour conquérir l’Algérie, pour expulser la
France et l’âme française de ce territoire, avant d’exercer son impact ultérieur
au nord de la Méditerranée. Rappelons la prédiction de Ben M’Hidi en
1957 : « Vous voulez la France
de Dunkerque à Tamanrasset, je vous prédis moi, que vous aurez l’Algérie de
Tamanrasset à Dunkerque ».
Cette arabisation dogmatique, culturelle,
scripturaire et phonique, tira sa vigueur auprès de personnalités éminentes du
Proche et du Moyen-Orient.
En particulier, auprès de l’émir libanais Chekib
Arslan. Celui-ci, un Druze du Liban, qui n’avait rien d’arabe au sens ethnique
que l’on veut encore attribuer au mot « arabe », fit la guerre à la
France, quand notre pays, après la victoire de 1918, reçut le mandat
d’administrer la Syrie et le Liban. Il déclencha une insurrection armée contre
la France en Syrie. Il fut condamné à mort par contumace en 1922. Il s’établit
à Genève comme réfugié politique. Il disposa de moyens financiers énormes qui
lui permirent, entre autres possibilités, de fonder un journal dans lequel il
prônait, exaltait et organisait, la libération
de l’AFN.
Animateur principal de la Nahdah, la renaissance de l’Islam, il bénéficia
de l’appui d’un complice de grande valeur, Asmine el Husseini, mufti à
Jérusalem. Celui-ci, dans le but de contrer les propositions de lord Balfour
acceptées à la Chambre des Communes de Londres en faveur de la naissance d’une
république juive d’Israël, prétendait fédérer le monde arabe contre les juifs.
Cette fédération fut amorcée lors du congrès de Jérusalem en 1931. Avec Chekib
Arslan, il en fut un animateur majeur. Arslan et Husseïni, trouvèrent un appui
enthousiaste dans ce combat anti-juif universel auprès de l’Association des
Oulémas fondée en Algérie en 1931. Il est impossible de ne pas conférer une
grande importance à la coïncidence de ces deux manifestations : congrès de
Jérusalem d’une part, fondation de l’Association des Oulémas en Algérie d’autre
part, durant la même année, 1931.
Il existait ainsi en Algérie, une motivation
fondamentaliste et permanente de la révolte exprimée dans l’attitude de l’émir Arslan et répercutée à toute l’AFN par les oulémas
algériens : c’était l’anti-judaïsme fondé en tout premier lieu sur leur
refus conjoint de voir naître un état juif en Palestine. Cet anti-judaïsme géopolitique et religieux trouva tout naturellement un aliment majeur en Algérie,
dans le décret Crémieux qui, longtemps
auparavant, avait octroyé par voie d’autorité le 24 octobre 1870, la
citoyenneté française aux nationaux français autochtones d’Algérie de
confession juive.
C’est dans le département de Constantine que cet
antijudaïsme s’est manifesté avec une grande violence, parfois sanguinaire.
C’était facile à comprendre puisque les deux principaux dignitaires de
l’Association des Oulémas étaient originaires tous les deux du Constantinois.
Ben Baddis était de Constantine. El Bachir el Ibrahimi, de Tocqueville (Ras el
Oued aujourd’hui) était originaire des Hauts Plateaux sétifiens.
Au début d’août 1934, à la suite d’incidents
assez insignifiants, le mouvement d’antisémitisme qui depuis quelques mois
couvait dans la population musulmane de Constantine, se traduit par une
véritable émeute. Des magasins israélites sont saccagés et incendiés. Et l’on
compte le soir, 23 tués (un musulman et 22 Israélites parmi lesquels 5 femmes
et 4 enfants). Sans parler d’une cinquantaine de blessés musulmans et juifs.
L’ordre est parfaitement rétabli ; mais des violences analogues continuent
de se produire jusque vers la fin du mois d’août dans plusieurs localités
voisines. Le commerce juif à Constantine même, demeure sévèrement boycotté par
les musulmans. Il est visible que les passions ne sont pas éteintes et que de
nouveaux drames sont à craindre.
Dans la soirée du 1e février 1935, à
Sétif, au cours d’une bagarre assez banale en elle-même un agent de police
européen tue d’un coup de révolver un tirailleur indigène en état d’ivresse qui
venait de le blesser de plusieurs coups de couteau. Le bruit s’étant répandu
que cet agent était juif, des indigènes s’amassent autour du poste de police. Une
patrouille de tirailleurs, appelée pour rétablir l’ordre est tout de suite
débordée. 2 agents sont grièvement blessés. Un autre, également blessé, pour
fuir ses agresseurs est obligé de se réfugier sur une
terrasse. Il est rejoint par les agresseurs, précipité dans la rue et lynché.
Pendant ce temps, la populace ameutée
par la rumeur défonce les devantures de nombreux magasins israélites.
Les auteurs qui relatent ces évènements, dans un
article non signé de la « Revue des Deux Mondes » de 1935, soulignent
qu’il s’agissait d’un sursaut d’anti-sémitisme fréquent dans l’histoire de
l’Afrique du Nord. Mais un de ces auteurs inconnus, soulignait l’importance de diverses circonstances : notamment
un réveil éclatant de l’orthodoxie, nous précisons aujourd’hui de l’arabo-islamisme
fondamentaliste depuis la naissance de l’association de 1931, présidée par le
Constantinois Ben Baddis. Des manifestations de ce style se dérouleront à Alger
rue Montpensier, sans gravité majeure.
Ces manifestations anti-juives, seront alimentées
ou plutôt aggravées par une argumentation officieuse mais persistante : celle-ci
prétendait faire croire que les emprunts effectués par des commerçants
musulmans auprès de prêteurs juifs, étaient grevés d’intérêts usuraires. Tout
était bon pour créer une mouvance anti-juive qui de réactionnelle au décret
Crémieux va devenir partie intégrante, voire majeure, de l’esprit de révolte
contre la France… contre l’âme française. Tout était bon pour combattre la
France.
Qui, à cette époque, allait avoir l’audace
d’envisager et de proclamer, malgré tout, au niveau de la communauté
internationale, que, grâce à la France, l’Algérie était en possibilité de
devenir un jour, dans un avenir pas très éloigné, une terre d’union et de
rencontre ? Qui allait manifester suffisamment de foi et de courage pour
démontrer que cette terre allait conférer à la Méditerranée une identité qui
aurait dû faire de cette mer un pays au lieu de la réduire au rôle d’une frontière ?
Qui, au milieu de ces violences savamment distillées, allait exprimer son
enthousiasme en proclamant que les tenants d’une foi monothéiste allaient
trouver, en Algérie, une terre providentielle qui allait permettre enfin à ces
trois religions de se rencontrer, de se respecter, de se tolérer pour définir
un « vivre ensemble » durable, pendant des siècles et des
siècles ?
Ce dialogue interconfessionnel auquel avait
adhéré le cheik El Okbi comme je crois l’avoir rappelé dans l’étude précédente,
est devenu aujourd’hui du domaine de l’utopie.
Car, Satan veillait en Algérie, à travers son
mandataire, De Gaulle. De Gaulle était là pour se débarrasser de l’Algérie et
des Algériens, de toutes confessions. De Gaulle qui pour conquérir le pouvoir
en Algérie en 1943, s’était soumis, à Casablanca aux exigences de Roosevelt,
cette année-là.
1941-1943
Abrogation
du décret Crémieux
puis retour des juifs
d’Algérie dans la citoyenneté française
Après
l’armistice du 22 juin 1940, la France est coupée en deux. Il existe une zone libre. Libre à plusieurs titres.
Mais surtout au titre d’une réalité historique qui, paradoxalement, ne retient
pas l’intérêt des historiens. Cette zone libre, en effet, a maintenu la wehrmacht
éloignée de la frontière espagnole. Mettant ainsi le général Franco à l’abri
des exigences enthousiastes des faucons
nationalistes espagnols. Ceux-ci, espérant s’appuyer sur les divisions
allemandes massées le long de la frontière pyrénéenne en cas de capitulation française, prétendaient engager l’Espagne
dans la guerre aux côtés de l’Axe, pour prendre Gibraltar.
Gibraltar, les Thermopyles de l’empire britannique, était une obsession pour
Churchill, pour le ministre britannique Samuel Ohare et aussi pour Roosevelt, le président américain. Il fallait
absolument, pour ces hommes, éviter que la Méditerranée fût verrouillée à
l’ouest, dès le début de l’été 1940. C’était vital pour l’Angleterre de
Churchill. C’était absolument nécessaire pour le projet déjà affirmé, de F.
Roosevelt : prendre pied en AFN. Projet mis en début d’exécution par le
président américain, dès 1940, avant
l’entrée en guerre des USA.
C’est cette réalité qui confère une
signification stratégique fondamentale à l’armistice du 22 juin 1940 : ce
jour-là, Hitler a perdu la guerre, car l’armistice
du 22 juin 1940 entre la France et l’Allemagne, ce n’était pas une
capitulation. Les divisions allemandes furent maintenues éloignées de la
frontière espagnole, grâce à cet armistice et l’Espagne resta neutre.
En 1942, la conjuration française d’Alger,
aspirant à participer au débarquement anglo-américain en AFN, a pu se
développer grâce à une collaboration prévisionnelle étroite, entre le général
Mast, commandant en second du 19ème Corps d’Armée d’une part, et le
général Verneau chef d’Etat-Major de l’Armée de l’armistice, d’autre part. Un
officier de liaison entre Mast et Verneau fut un colonel d’active d’Alger, le
colonel Raymond. Celui-ci commandait le 45ème Régiment de
Transmissions de Maison Carré. L’entrevue entre le général Verneau et le
colonel Raymond s’est tenue en 1942 à Etroussat, dans l’Allier, pas loin de
Vichy. Le colonel Raymond a rendu compte au général Verneau de l’état de
préparation de la future opération Torch. Vichy était donc informée de la
conjuration d’Alger du prochain débarquement américain.
Malgré ce dynamisme opérationnel très offensif
préparant l’engagement de l’empire français dans la guerre, le gouvernement de
Vichy s’est trouvé dans l’obligation, sous la pression de la force occupante,
d’abroger le décret Crémieux en 1941. Les juifs d’Algérie, du jour au
lendemain, furent exclus de la citoyenneté française, avec toutes les
conséquences administratives et humaines qu’impliquait cette abrogation.
Entre temps, un homme était venu jouer un rôle
fondamental à Alger, dans le cadre des perspectives rooseveltiennes que nous venons
d’évoquer : c’était Murphy, un diplomate américain affecté dans un premier
temps par Roosevelt auprès du maréchal Pétain, dès la constitution du
gouvernement de Vichy, en 1940.
Murphy s’intéressa de très près à l’évasion du
général Giraud, prisonnier en Allemagne. Celui-ci s’identifiait à un
personnage-clef pour la réalisation des projets
militaires nord-africains de Roosevelt. Nous sommes encore en 1940.
Roosevelt, cette année-là, ordonne à
Murphy, qui le relate dans son livre « Un
diplomate parmi les guerriers » d’étudier toutes les possibilités
militaires d’un débarquement américain en
AFN.
Nous sommes en 1940, ne l’oublions surtout pas.
Les USA ne sont pas encore en guerre. Cette mission connut un début d’exécution
par Murphy, lorsqu’il rejoignit Alger en décembre 1940. Roosevelt exigea de son
représentant qu’il fréquentât assidument le général Weygand. Il lui recommanda
même d’aller à la messe avec lui. Murphy était en effet un américano-irlandais,
catholique pratiquant. Nous sommes en 1940, il est important de le rappeler.
J’ai posé la question dans mon livre « Attaques
et contre-attaques » de l’influence qu’a pu avoir ce projet
opérationnel de Roosevelt, projet mis en œuvre dès l’armistice du 22 juin 1940,
sur le drame de Mers-El-Kébir du 3 juillet de la même année. Car, dans
l’éventualité d’un débarquement américain en AFN, envisagé par Roosevelt dès la
conclusion de l’armistice entre la France et l’Allemagne du 22 juin 1940, le
comportement de l’escadre française de la Méditerranée était une inconnue
sérieuse, très grave même, pour le commandement américain. Il n’est donc pas
déraisonnable, loin de là, d’accorder du crédit à une approbation préalable ou plutôt à un feu vert donné par Roosevelt à cette opération décidée par Churchill.
Murphy avait reçu des ordres stricts. Il devait
protéger l’évadé Giraud, à partir de
1941 et le mettre sous contrôle américain. En effet, Roosevelt avait grand
besoin de ce général d’armée français, membre du Conseil Supérieur de la Guerre
avant 1939.
Pourquoi ? Parce que Giraud avait commandé
la division d’Oran et qu’il était donc informé du dispositif militaire français
en AFN.
Murphy, comme les autres, fut contraint d’accepter,
sans réaction, l’abrogation du décret Crémieux de 1941. Abrogation décidée par
le gouvernement de Vichy sur exigence de l’occupant.
Il fallait attendre…. Savoir attendre….
En 1942, se déroule l’opération Torch. Les
Anglo-américains débarquent. Le général Mast, le colonel Jousse et les conjurés
d’Alger, réussissent leur coup. L’amiral Darlan, devient le Premier des
Français de l’Empire. Le général Giraud, commandant en chef de l’Armée de
l’Empire, l’armée de la libération de la France.
Ces alors que ces deux hommes, dépourvus de
clairvoyance politique, laissèrent passer une occasion qu’il ne fallait surtout
pas laisser passer : celle d’abroger
sans délai l’abrogation du décret Crémieux de 1941.
Darlan et Giraud auraient dû prendre cette
décision capitale dès le mois de novembre 1942, sans perte de temps. L’un et l’autre,
savaient que Pétain ne viendrait pas à Alger. Il l’avait exprimé par téléphone
à Darlan, lui laissant carte blanche pour agir au mieux dans l’intérêt de la
patrie. Il avait fait don de sa personne à la France, il fera donc tout ce
qu’il pourra en prenant des risques de mort d’où
qu’ils pussent venir par la suite, pour limiter au mieux possible les
drames que vont connaître nos compatriotes de la mère-patrie. Drames en
relation avec l’occupation totale de la France, consécutive au ralliement de
l’AFN à la guerre contre l’Allemagne. Darlan, comme Giraud, comme Pétain,
savait d’autre part que l’Allemagne avait perdu la guerre. Elle l’avait perdue stratégiquement
le 22 juin 1940 : car l’éventuelle victoire d’Hitler en 1940, passait
obligatoirement par le verrouillage de la Méditerranée à l’ouest, c’est-à-dire
par la prise de Gibraltar qui était envisageable dans l’enthousiasme victorieux
de la wehrmacht en 1940.
Darlan et Giraud auraient dû prendre la décision
de mettre nos compatriotes juifs d’Algérie et le monde, devant le fait accompli
de leur retour au sein de la citoyenneté française. Sans délai. Ils auraient
rendu inutile ainsi, l’activisme très agressif d’un triumvirat de personnalités
israélites d’Alger qui, devant leur carence, ont cherché chez De Gaulle l’appui
qu’elles croyaient impossible d’obtenir chez Giraud et Darlan.
Cette attitude de non-décision, de balbutiement
politique, fut sanctionnée par un article signé Rothschild et publié aux
USA à la fin de 1942. Dans cet article, il était reproché, avec sévérité, à
Giraud de ne pas avoir pris la décision immédiate de réintégrer les juifs
d’Algérie dans la citoyenneté française.
De Gaulle saura prendre cette décision en 1943.
En revendiquant le mérite personnel, exclusif même, d’une initiative que Darlan
et surtout Giraud, n’avaient pas osé prendre par eux-mêmes. De Gaulle devint,
grâce à cette décision imputable avant tout au manque de clairvoyance politique
de Darlan et de Giraud, l’homme qui prit la décision de réintégrer les juifs
d’Algérie dans la citoyenneté française.
Il bénéficia en conséquence, d’appuis
inconditionnels qui, plus tard, ne seront pas dépourvus d’effets gravissimes
sur l’avenir de l’empire français et l’avenir de l’Algérie française.
Pendant la guerre d’Algérie, à partir de 1955,
j’affirme avoir constaté à l’échelon de l’action que j’avais entreprise, que la
communauté religieuse juive d’Alger, manifestait très majoritairement son
opposition à l’indépendance de l’Algérie. J’ai bénéficié de la complicité et du
concours de compatriotes juifs dès mes premières activités contre-terroristes.
André Temime, Atlani et d’autres, ont participé, les armes à la main, au refus
de soumission au terrorisme FLN. Par ailleurs, dans le même état d’esprit,
beaucoup de communistes et d’anciens des Brigades
internationales de la guerre civile espagnole nous ont rejoints dans cette
action directe.
Nous défendions la France. Nous n’éprouvions pas
le besoin de recourir à une autre idéologie que l’idéologie de la patrie.
C’était la France qui était attaquée. C’est pour la France que nous nous
battions. La France…. Nous n’avions que ce mot à la
bouche. Oui, avec tous ces Zaoui, Levy, Lubrano, Scotto di Vettimo, Pérez,
Sanchez, Lopez, Micaleff, avec Descamps, Crespin, Christin et d’autres encore,
nous vous parlions banalement de la France
comme jamais plus on n’en parlait en Métropole depuis déjà longtemps.
Parmi les personnalités qui m’ont aidé dans
cette action, j’ai souvent évoqué une femme, pharmacien dans le centre d’Alger,
de confession juive. Elle était veuve d’un homme qui joua un rôle éminent dans
la résistance contre les Allemands. Un homme qui participa activement à la
préparation algéroise du débarquement allié du 8 novembre 1942. Ainsi qu’à la
prise du pouvoir par De Gaulle en 1943. Cet homme avait reçu clandestinement De
Gaulle, avec deux autres notables juifs d’Alger, en 1943. Ce fut une rencontre très
secrète. De Gaulle ne manqua pas de tirer un grand profit contre Giraud de
l’appui préférentiel qu’il avait obtenu de la collectivité juive d’Algérie.
Cette femme, Geneviève, m’appuya dans mes
premières activités de responsable contre-terroriste. Elle m’a véhiculé au
milieu d’une intelligentzia algéroise au sein de laquelle elle pouvait
intervenir avec l’autorité d’une personna
grata que lui conférait la personnalité de son défunt mari.
Son engagement en faveur de l’Algérie française,
très pointu en 1955, 1956 et 1957, est devenu silencieux dès l’avènement de De
Gaulle en 1958. A l’instar d’une infime
minorité de ses coreligionnaires, sa fidélité à De Gaulle lui interdît de
participer au dernier combat pour sauver l’Algérie française. Combat qui
s’identifiait désormais à une exigence logique impitoyable : une lutte à
outrance contre De Gaulle.
Ils furent très peu nombreux, une infime
minorité, à se soumettre à cette attitude de fidélité à un homme. Attitude
accompagnée du refus de soutenir un combat pour la patrie. Un combat pour la
vie de milliers et de milliers de Français d’Algérie, de toutes confessions.
Dans cet esprit, un commandant, de confession
juive, d’une unité territoriale d’Alger-centre, prestigieux combattant de la
dernière guerre, refusa d’engager son bataillon UT le jour du 24 janvier 1960,
aux côtés du peuple d’Alger. Ce refus d’engagement, fut néfaste pour la journée du 24 janvier 1960. Si ce
chef de bataillon de réserve avait suivi les recommandations du commandant
Sapin-Lignières (4) qui lui furent adressées devant moi le 23 janvier, après l’assemblée
générale constitutive de la Fédération des Unités Territoriales d’Algérie, il y
aurait eu un rassemblement de cent mille personnes au Plateau des Glières
d’Alger, le 24 janvier 1960, à midi.
Challe, Faure, Argoud, Bigeard, Vaudrey,
d’autres et d’autres encore, auraient pu saisir l’occasion de sauver l’Algérie
française et la France. De mettre notre pays et l’Europe à l’abri d’un processus
invasif arabo-islamiste.
Des milliers de juifs d’Alger sont venus aux
barricades pendant toute cette semaine, certains à des postes de
responsabilité. Avec Jean Ghnassia, avec André Temine, Moryoussef et d’autres,
nous avons chanté la Marseillaise et les Africains le cœur rempli d’ambitions et d’espérance pour la France.
En 1942, il avait manqué
au général Giraud, l’audace d’un chef révolutionnaire. En tant que général en
chef, il aurait dû prendre, il en avait les moyens, la décision de neutraliser
De Gaulle dans l’intérêt supérieur de la France et de l’Occident. Il aurait
guéri préventivement la France du gaullisme chronique. Le gaullisme, une
maladie qui compromet aujourd’hui la liberté de la France ainsi que la
constitution d’une Europe forte, la réalisation géopolitique de l’Occident et
la survie de la Croix. Une tâche gigantesque qui, aujourd’hui et surtout
demain, ne pourra s’accomplir que par l’intervention d’une Organisation
Contre-stratégique Universelle, pour la survie de l’Occident.
Une question mérite d’être posée :
pourquoi les juifs d’Algérie
ont-ils éprouvé la nécessité d’un décret
pour accéder à la
citoyenneté française ?
Permettez-moi
de vous offrir sans délai une formulation complémentaire à cette
question : pourquoi n’ont-ils pas accédé à la proposition de Napoléon III,
formulée dans le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 ?
Je crois nécessaire de rappeler la substance de
ce texte impérial.
« L’indigène
algérien de confession juive est de nationalité française ».
« L’indigène
algérien de confession juive est citoyen français : il est soumis au code
civil français. C’est-à-dire qu’il renonce au code mosaïque ».
C’est donc un acte volontaire que doit accomplir
le national français de confession juive, l’abandon du code mosaïque pour
accéder à la citoyenneté française.
Sur les 32.000 juifs d’Algérie, une soixantaine
seulement accepta de franchir le pas, aussi bien parmi les anciens Livournais
que parmi les anciens dhimmis. Telle était la force de la loi de Moïse que la
quasi-totalité du peuple juif d’Algérie en 1865, a refusé de s’en affranchir.
Sans entreprendre une étude biblique que je
serais incapable de conduire décemment, nous sommes informés du rôle
fondamental joué par Moïse dans l’évolution des peuples juifs. Nous savons que Moïse
fut avant tout un prophète, et un législateur qui réussit à faire sortir le
peuple juif d’Egypte et à le conduire vers la Terre promise.
« Moïse,
visionnaire et prophète au XIIIème siècle avant Jésus-Christ est monté au Mont
Sinaï » me dirait un enseignant rabbinique qui estimerait utile de venir à mon secours.
C’est là, au sommet du Mont Sinaï que Moïse reçut la loi grâce à l’Esprit de
Sainteté. La loi, c’est-à-dire l’ensemble des commandements de Dieu gravés sur
une pierre et qui constitue la matière de la loi écrite, de la Thora.
« Mais
ce n’est pas tout. Moïse, toujours inspiré par l’Esprit de Sainteté, a reçu
aussi la loi orale transmise par le Seigneur. Loi orale qu’il ne faut pas
oublier et qui revêt une importance identique à la loi écrite. En tout cas
durant l’antiquité pour les Pharisiens. Un peu moins pour les Sadducéens. Et
pas du tout pour les Esséniens. Pourtant cette loi est d’une telle importance,
qu’en 189 de notre ère, un grand rabbin, Jehuda Ha Nabi, a consigné cette loi orale, transmise à Moïse, dans un écrit. Un document de grande
valeur ».
Après un silence de quelques minutes, mon
interlocuteur rabbinique précise :
« Pour
un juif, pendant des siècles et des siècles, les seules lois auxquelles il
devait se soumettre, c’était d’une part la Thora, la loi écrite et, d’autre
part, la loi orale, transmise elle aussi par le Seigneur à Moïse sur le Mont
Sinaï ».
C’est dans cette situation d’observance
exclusive de la loi mosaïque que vivait l’immense majorité des juifs d’Algérie
au moment du sénatus-consulte de Napoléon III, le 14 juillet 1865. Malgré une propension collective à adhérer à la
citoyenneté française, les israélites d’Algérie n’ont pas osé se soumettre au code civil français « par une décision de leur libre-arbitre ».
« Car » disaient-ils, « le fondement de notre foi se définit
comme suit : le peuple d’Israël c’est le peuple élu de Dieu ». Et de
ce fondement naît la valeur théologale du culte juif, l’espérance ».
Dès lors, l’argumentaire de la non-adhésion à la
citoyenneté française, se formulait ainsi :
« Vous
osez nous demander de remettre en cause le fondement de notre foi et
l’espérance qu’elle génère, en nous soumettant au code civil français, par un
acte de pur volontariat de notre part. Par un abandon volontaire de la loi de
Moïse. Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous exigez. Nous ne pouvons
pas engager notre responsabilité spirituelle dans une décision de cette
importance. En conséquence de cette conviction, nous restons des nationaux
français, des sujets français, certes. Mais surtout, nous nous maintenons dans
le confort spirituel de notre législation mosaïque : elle nous suffit pour
le moment ».
Les choses restèrent en l’état pendant 5 ans.
Jusqu’au mois d’octobre 1870. C’est-à-dire jusqu’à la promulgation du « décret
Crémieux ».
Isaac Adolphe Crémieux est né en 1796 à Nîmes.
Son père avait été d’abord jacobin puis bonapartiste. Lui-même, Isaac, fut l’un
des premiers élèves juifs à être admis au Lycée impérial de Paris. Il fit son
droit à la faculté d’Aix-en-Provence et s’inscrivit plus tard au barreau de
Nîmes en 1817.
Elu, à Paris, Président du Consistoire, il dut
démissionner lorsque l’on sut que son épouse avait fait baptiser leurs enfants.
Il fut élu néanmoins président de l’Alliance juive universelle en 1854. Il a
fait partie, en 1870, du gouvernement de la défense nationale qui siégea à
Tours.
Le 24 octobre 1870, c’est-à-dire moins de 2 mois
après le désastre de Sedan, Crémieux promulgua le
célèbre décret qui porte son nom. Il s’agit d’un décret, donc d’une décision
imposée. Par l’autorité gouvernementale. Par ce décret, la citoyenneté
française est administrativement attribuée aux juifs d’Algérie. Elle est
imposée. Elle n’est pas offerte. Conséquence : obligation pour les
nouveaux citoyens français de confession israélite de se soumettre aux
exigences du code civil français. Mais en même temps, ils bénéficient de ses
avantages. La citoyenneté française, en effet, n’offre pas que des contraintes,
loin de là !
En 1872, Adolphe Crémieux se fit élire député
d’Alger. Il décéda en 1880.
Crémieux semble avoir agi comme s’il avait voulu
établir une continuité homogène entre les juifs de la métropole française et
les juifs d’Algérie. Les premiers étaient citoyens français depuis la Révolution. Il entérinait ainsi, en même temps, au
nom du peuple juif métropolitain, algérien et même universel, la réalité
historique et géopolitique de l’Algérie française. L’Algérie c’était la France.
Il confirmait une continuité totale entre le
monde israélite du nord et celui du sud de la Méditerranée.
En réalité, dans cette décision, il est
difficile de ne pas retenir que Crémieux disposait d’une garantie spirituelle : celle-ci avait été proclamée lors du
Sanhédrin du printemps 1807, dit Sanhédrin de Napoléon 1er. Il
s’était tenu en 1807 en Italie, pour justifier religieusement l’adhésion du
monde juif aux exigences du Concordat imposé par Napoléon 1er. Les
autorités religieuses, lors de ce sanhédrin, avaient déclaré à leur communauté
qu’elles avaient reçu l’inspiration du
Seigneur. Qu’elles étaient en mesure, en conséquence, d’exiger de leurs
coreligionnaires qu’ils se soumissent désormais au code Napoléon. Au cours de
ce sanhédrin, c’est le Seigneur qui a inspiré les rabbins pour prendre la
décision d’une sécularisation des juifs de l’Empire. Il nous est impossible d’envisager
que cette décision d’essence religieuse de 1807, n’ait pas influencé ni
conforté Crémieux dans sa volonté de promulguer le décret de 1870.
Ce décret exprimait par-dessus tout, la
confirmation d’un aspect fondamental et volontairement ignoré aujourd’hui
encore, de la laïcité : celle-ci se définit en réalité comme un cadre
nécessaire et incontournable de la liberté religieuse. Une liberté religieuse
qui désormais pouvait s’exercer dans le cadre juridique, le cadre protecteur de
la citoyenneté française et de la laïcité.
A l’encontre de l’opinion des athées et des
agnostiques, la laïcité se révèle paradoxalement favorable à l’épanouissement
religieux. Dans la mesure où ce dernier s’exprime dans un esprit de tolérance
et de convivialité.
« La voie autoritaire », le
« décret » apparaissait ainsi a
posteriori comme une espèce de cheminement à la fois spirituel et politique,
offert aux juifs d’Algérie qui n’avaient pas le « courage religieux »
de s’affranchir de la loi mosaïque par une décision de leur libre-arbitre. La
foi juive, comme la foi chrétienne, ont démontré cependant toutes deux, leur
vitalité persistante dans le cadre de
la laïcité. Elles illustrent le bien fondé d’un principe enseigné au XVIIIème
siècle, par le philosophe juif allemand, Moshé Mendelssohn, un disciple de
Kant. Ce principe s’exprimait ainsi : le croyant a le droit de pratiquer
son culte et de professer sa foi. Mais en toutes circonstances, il doit être
« religieux à la maison, citoyen
dans la nation ».
La recherche de la voie de Dieu est libre. Il
n’existe pas de tabou car nous ne vivons pas dans une société théocratique ou
dictatoriale, qui finirait par imposer la mort de Dieu dans la nation. Ce
parcours que je me permets de vous offrir, exprime une conviction : les
croyants ont parfois besoin d’un coup de pouce du monde laïque pour trouver
finalement en celui-ci, les moyens terrestres, temporels de continuer à vivre
librement l’intégrité de leur foi.
La sécularité n’interdit pas la découverte et le
respect de la réalité terrestre pour un croyant. La réalité terrestre, nous
voulons dire la réalité matérielle de la vie. Le croyant détient à chaque
instant la possibilité de subordonner cette réalité terrestre et matérielle à
Dieu.
La sécularisation définit la voie qui conduit à
la sécularité. Les intégristes de tous bords qui refusent d’emprunter le chemin
de la sécularisation, ne se rendent pas compte qu’ils agissent dans le sens
voulu par les athées, par les négateurs perpétuels de Dieu. Les intégristes ne permettent
pas la liberté et l’épanouissement des croyants au sein de notre société moderne.
Ils ne savent pas que pour vivre sa foi un croyant a besoin de liberté. Pour
déployer sa croyance, la vivre, c’est-à-dire la professer, il a besoin de responsabilités. Personne ne lui interdit
d’être un traditionnaliste dans son comportement religieux intime, dans la
mesure où ce traditionalisme ne lui fait pas perdre contact avec le monde qui
l’entoure. On arrive tout naturellement à un paradoxe que j’évoque encore une
fois sans complexe, mais avec conviction : l’intégrisme est porteur d’un
danger identique à celui de l’athéisme. L’intégrisme atrophie la vie
spirituelle. L’intégrisme fait perdre aux hommes sur la terre, le contact avec
Dieu.
Dans le domaine du décret Crémieux, nous voyons
certes une implication administrative et laïque pour imposer à une collectivité
religieuse, une manière civile et viable de professer sa foi. Mais elle n’a
compromis en rien l’évolution de cette dernière, en tant qu’expression publique
et en tant que conviction ressentie d’une collectivité religieuse bien définie.
Ce développement que je viens de vous infliger,
n’a pas totalement effacé quelques réserves très amicales de certains frères
d’armes juifs. Je parle de frères d’armes du contre-terrorisme et de l’OAS. Je
parle de ceux qui, comme moi, ont joué leur confort professionnel, leur
équilibre familial, leur liberté et leur vie pour l’Algérie française.
L’un d’entre eux, parmi les plus prestigieux,
Jean Ghnassia, m’expliqua il y a quelques années déjà, comment il fallait faire
face à ces réserves.
« Comment
voulais-tu, en 1942 et 1943 à Alger après le débarquement allié, que mes coreligionnaires
juifs puissent faire confiance à Darlan et à Giraud ? Darlan, comme plus
tard Giraud, après la mort du premier, ne cachaient pas leur fidélité à Pétain.
Certes, aujourd’hui nous sommes convaincus avec toi que le maréchal Pétain
luttait à son poste du mieux qu’il pouvait contre les nazis. Aujourd’hui, nous
sommes militairement convaincus que l’armistice du 22 juin 1940 a stoppé la Wehrmacht
dans sa course vers les Pyrénées. Nous sommes convaincus que le 22 juin 1940,
marque la date réelle de la défaite hitlérienne. Malgré cette conviction,
logique, technique et stratégique, il est facile de comprendre qu’animés par
une rancune tenace contre Vichy depuis l’abrogation du décret Crémieux, les
juifs d’Alger aient soutenu De Gaulle contre Giraud ».
J’ai hoché la tête d’une manière qui ne laissait
aucun doute sur ce que je pensais de l’argumentaire de mon camarade de
jeunesse, Jean Ghnassia, qui était aussi mon frère d’armes du FNF(5) et de l’OAS.
« Tu
n’évoques que la partie émergée de l’iceberg » lui ai-je rétorqué.
« Explique-toi » me dit-il.
« Oui,
les israélites d’Algérie avaient des raisons d’être plus que réticents à
l’égard de Darlan d’abord, puis de Giraud après l’assassinat de Darlan. Mais tu
oublies une chose. Et pour toi qui es allé faire la guerre en Israël, cet oubli
n’est pas anodin. Si De Gaulle a pu sacrifier Giraud en 1943, c’est parce qu’il
voulait entériner la naissance de l’AML. Ou plutôt : la naissance de l’AML
a été le moyen dont a disposé De Gaulle pour prendre le pouvoir contre
Giraud ».
Jean sursauta et me surprit par une
interrogation inattendue :
« L’AML ?
C’est quoi ça ? »
Avec patience je lui répondis :
« L’AML
fut une fédération de quatre mouvements anti-français fondée par Ferhat Abbas
et que Giraud avait refusé d’officialiser en 1943 ».
Je précisai alors :
« l’AML, c’est l’association des Amis du Manifeste de la
Liberté : A.M.L. Un regroupement de quatre formations
anti-françaises :
1°/ le
PCA, le Parti Communiste Algérien d’Amar Ouezzeguène
2°/ le
premier mouvement de Ferhat Abbas lui-même, à savoir le « Manifeste
Algérien de la Liberté »
3°/
l’Association des Oulémas dont le premier président avait été astreint à
résidence dans un camp de concentration en 1939 pour activités pro-allemandes
pendant la guerre. Il faut préciser que cette association des oulémas
fonctionnait avec l’appui de l’émir libanais Chekib Arslan, à partir de Genève
d’abord puis à partir de Berlin, pendant la guerre, puisque l’émir Arslan avait
rejoint Asmine El Husseini à Berlin pour activer et renforcer le combat contre
Israël et contre les Juifs d’Europe.
4°/ Le PPA
enfin, Parti du Peuple Algérien. Il était présidé par Messali Hadj. Il fut
interdit dès le début de la guerre en 1939, car c’était un parti tenu en mains
par les services secrets militaires allemands. Un des officiers traitants de
Messali, était le capitaine Reiser. Il faut rappeler que Messali avait été
condamné par le tribunal militaire d’Alger à 18 ans de travaux forcés au
printemps 1941. Giraud s’est trouvé dans l’obligation de le faire libérer sur
exigence de Murphy, le représentant de Roosevelt à Alger.
Le général
Giraud malgré ses concessions à Roosevelt ne pouvait pas accepter
l’officialisation en 1942 et 1943 de ce mouvement, l’AML, dont au moins deux
des constituants, le PPA et l’association des oulémas, étaient en relation
étroite, opérationnelle même, avec Adolphe Hitler.
De Gaulle,
dans sa volonté prioritaire de prendre le pouvoir, et de se plier aux exigences
de Roosevelt telles qu’elles furent exprimées en janvier 1943 à Casablanca,
De Gaulle,
l’homme mis à sa place dès 1940 grâce à l’initiative de la comtesse de Portes
maîtresse de Paul Reynaud qui agissait à la manière d’un chasseur de têtes au
service de la synarchie,
De Gaulle
donc, n’éprouva aucune répugnance à s’appuyer sur deux antennes hitlériennes en
Algérie pour prendre le pouvoir. Pour éliminer Giraud. Pour mettre en place à
partir de cette initiative, la structure de base de la conjuration anti-Algérie
française, dès 1943 ».
Jean Ghnassia était songeur devant mon propos.
Car lui, était informé, avec une précision qui m’avait étonné sur le rôle
d’activateur anti-juif qu’avait joué auprès d’Hitler Asmine El Husseïni, le
grand mufti de Jérusalem, conjointement avec l’émir libanais Chekib Arslan le
principal animateur de la Nahdah, la Renaissance de l’Islam, depuis le début du
siècle. L’émir Arslan, l’inspirateur opérationnel de Messali et de
l’association des oulémas d’Algérie. A partir de Berlin pendant la guerre.
« Oui,
c’était un manque de clairvoyance. Mes coreligionnaires ont voulu se soumettre
parfois, pas tous loin de là, à une volonté prioritaire de régler des comptes.
Ils n’ont pas vu, ils n’étaient pas les seuls, le danger qu’ils ont fait courir
à l’Algérie française, à la France et à l’Europe ».
Telle fut la conclusion de Jean Ghnassia en
1969, lorsque je le rencontrai au début de ma carrière de médecin à Paris après
mon retour d’exil.
A la fin de cette étude, et avant de vous offrir
une conclusion, nous pouvons faire un constat : il nous a manqué en
Algérie, à nous Français de toutes confessions, une perception, une bonne
intelligence de l’identité de l’agression dont la France allait être victime.
La France agressée, humiliée, officiellement et historiquement vaincue depuis
le 19 mars 1962. La France que l’on prétend soumettre aujourd’hui à une attitude
de repentance infâmante.
Mais que vous a-t-elle fait la France ?
Vous qui la méprisez, vous qui vous entêtez à avilir son passé, à qui, à quoi,
voulez-vous la soumettre ?
CONCLUSION
C’est à un poste de
responsabilités dramatiques que j’ai évolué en Algérie française, à partir du 5
octobre 1955, jour d’ouverture de mon cabinet médical à Alger. Dans le quartier
de Bab-El-Oued. Responsabilités dans un combat livré pour la patrie, pour la
France. Mais aussi pour l’Europe et pour l’Occident.
Ce fut une aventure qui, pour moi, fut d’une
densité dramatique que vous ne pouvez pas soupçonner. Je continue de la vivre
aujourd’hui encore. Pourquoi ? Un grand ami et frère d’armes m’a
répondu : « parce que la
passion révolutionnaire est aussi aveugle, aussi irrationnelle que la passion
amoureuse ».
J’étais un révolutionnaire par nécessité. J’avais
conscience, en effet, que les institutions françaises devaient être remaniées
pour que l’Algérie française fût viable, pour que la Méditerranée cessât d’être
une frontière et pour qu’elle devînt le
pays qu’elle aurait dû être.
Cette passion révolutionnaire je l’ai évoquée
dans 6 ouvrages.
Je continue de la vivre à travers des dizaines
d’études que j’ai confiées à cet outil indispensable aujourd’hui l’ordinateur.
Ces études vous sont offertes. Morceaux par morceaux. Avec leurs insuffisances,
leurs erreurs, mais aussi une immense richesse faite avant tout d’une sincérité
dont je ne permets à personne de douter.
A propos de l’Algérie française, de la guerre
d’Algérie, du combat de l’OAS déclenché dans l’espoir d’éviter à la France
gaulliste, l’infamie d’une lamentable défaite, je refuse de rejoindre « la triste cohorte des sceptiques, des
blasés ou des aigris ». Des résignés et des défaitistes perpétuels. La
défaite de l’Occident n’est pas obligatoire. Notre passé est suffisamment riche
pour apporter un aliment d’enthousiasme à ceux qui hésitent encore à faire face
avec calme, détermination et patience, à l’ennemi total qui projette de nous
soumettre.
Jean-Claude
PEREZ
Nice,
Novembre 2012
Notes
(1)
A propos de
rothschildien et de rothschildienne…
Il m’arrive parfois
d’utiliser l’identité de « pompidolien » comme synonyme de
rothschildien lorsque j’évoque la conjuration anti-Algérie française conduite
par De Gaulle.
(2)
A propos de cette
citation d’Aron, je précise que les références bibliographiques de cet article
comme celui de toutes mes études, sont rassemblées dans la bibliographie
générale de mes ouvrages, en particulier celle de mon dernier livre « L’assassinat de l’Algérie française,
terreau de la conquête islamiste actuelle ».
(3)
Colonnes
d’Hercule : le détroit de Gibraltar
(4)
Sapin-Lignières :
commandant d’un bataillon UT. Président de la fédération des UT d’Algérie à
partir du 23 janvier 1960
(5)
FNF : Front
National Français fondé en Algérie, en1959, par Joseph Ortiz
BIBLIOGRAPHIE
Du
même auteur et chez le même éditeur :
L’assassinat de l’Algérie française,
terreau de la conquête islamiste actuelle. 2012
Un des livres
du cinquantenaire, à lire et à faire lire.
Logique de la Nouvelle Révolution
Mondiale, 2004
Histoire d’une trahison permanente, 2006 ; 2e édition
Tourments et tribulations d’un
réprouvé de l’Algérie française, 2006 ; 2e édition
Stratégies et tactiques, 2006 ; 2e Edition
Vérités tentaculaires sur l’OAS et
la guerre d’Agérie II, 2008
Prenez contact avec l’éditeur. Des accommodements sont prévus pour l’achat
de plusieurs livres.
Les directeurs et responsables de publication, de périodiques et de
revues, peuvent bénéficier d’un
« service-presse » gratuit. Il suffit de prendre contact avec
l’éditeur.
Editions Dualpha
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Mis en page le 17/11/2012 par RP |