Retrait honteux
Mardi. - Jean-Louis Debré a de l'estomac. Ce
doit être de famille. Son père n'a-t-il pas été
le plus ardent, et le plus extrémiste, des défenseurs
de l'Algérie française; avant d'être le Premier
ministre - certes déchiré - de l'indépendance
algérienne façon gaulliste? Le président de
l'Assemblée nationale, et premier hussard de la Chiraquie
vient donc de proposer au président de la République,
qui a bien sûr accepté, l'annulation de cet amendement
perturbateur sur les « aspects positifs de la présence
française », par une voie byzantine. Il a
de l'estomac en effet car il l'a vu passer et repasser devant lui,
cet article et cet amendement. Et comme tous les autres, les UMP,
les socialistes, les UDF, il n'y avait jamais rien trouvé
à redire. Parodie de démocratie... Une fois de plus,
la France va être la Grande Muette sur cette question coloniale,
et notamment algérienne. C'est une vieille habitude. Ne rien
dire, ne rien avouer, ne jamais affronter. Surtout pas la vérité
ou les vérités. Le « mensonge
français », dont je parlais dans un livre,
a commencé en 1954 et se poursuit en 2006. En 1954 déjà,
et durant un demi-siècle, la France officielle refusera de
parler de « guerre d'Algérie »
mais elle emploiera obstinément le vocable rassurant d'« événements
d'Algérie », quand elle ne parlera pas tout
bonnement de « maintien de l'ordre ».
La France officielle, celle de gauche, comme celle de droite s'est
entendue sur le, mensonge français. Sur la question algérienne
au fond, elle a choisi d'écouter les amis de Sartre plutôt
que le sceptique Camus. A présent tout ce refoulé
de mensonges lui revient à la figure. Chaque fois que la
France tente de parler de l'Algérie, une bombe mémorielle
explose. On se souvient qu'il y a six ans une autre sinistre comédie
avait été donnée. L'Assemblée nationale
avait été incapable, après d'interminables
débats, de se mettre d'accord sur la date officielle de la
fin de la guerre d'Algérie. Du coup, elle botta en touche
et choisit une date absurde pour ne fâcher personne: le 5
décembre. Comme tout aussi absurdement elle refuse aujourd'hui
d'ouvrir le débat et d'affronter sa mémoire et d'envisager
des vérités et des torts partagés. Elle préfère
le retrait honteux.
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