Pierre Fabiani nous a quittés.

   Lors de ses obsèques, le 24 mai 2006, en l'Eglise saint-Pierre d'Arène de Nice, de très nombreux rapatriés d'Algérie entouraient sa famille.
   L'un d'eux, qui ne l'avait pas connu avant l'exode, mais qui s'était lié d'amitié avec lui, à l'occasion des réunions ou manifestations organisées par le Cercle Algérianiste de Nice et des Alpes-Maritimes confia à quelques uns d'entre nous, maitrisant difficilement son émotion: "Mon grand regret sera de ne l'avoir connu que si tard".
   C'est dire en quelle estime le tenaient beaucoup de rapatriés de sa génération.

   Avocat, comme son père, au Barreau d'Alger (alors deuxième de France après Paris) ils figuraient tous deux au Tableau de l'Ordre de 1962, installés rue Pélissier.

   Chassé par le "vent de l'Histoire", il s'installe à Nice, où il entreprend une nouvelle carrière dans le secteur des assurances.

   Il rejoignit le Cercle Algérianiste et, notamment après sa retraite, participa très assidûment à ses activités.

   Comme beaucoup de Pieds-Noirs, il était viscéralement attaché à l'Algérie, sa patrie, et il avait coutume de dire qu'il était "expatrié"

   Il a combattu, sans jamais faiblir, avec une constance admirable, tous ceux qui contestaient ou dénigraient l'oeuvre civilisatrice de la France dans cette colonie devenue un ensemble de Départements français.

   Il dénonçait la décadence des gouvernements qui se complaisaient dans une repentance injustifiée ou dans l'acceptation humiliante des accusations les plus insensées de génocide ou de nazisme proférées contre la France, acceptation motivée par l'espoir de voir signer un jour ce "traité d'amitié" pourtant rejeté, faute d'excuses préalables de celle-ci, par l'Algérie de Bouteflika.
   L'Honneur cédant le pas à d'illusoires intérêts économiques.

   Passant, ces dernières années, des heures devant son ordinateur, il rédigeait des monographies, des articles, des pamphlets, tous centrés sur l'Algérie, son histoire, son évolution, puis son abandon.

   Sa formation de juriste le conduisait, au cours de discussions très ouvertes, avec ceux de ses amis de même formation, à tenter de démontrer que cet abandon était une violation de notre Constitution, voire une trahison.
   Ses derniers travaux tendaient à rechercher dans quelle mesure, à partir de la définition légale du "génocide", certains événements de la "phase finale de la guerre d'Algérie", notamment la fusillade du 26 mars 1962, pourraient recevoir cette qualification.
   S'agissant de cette journée sanglante (48 morts et plus d'une centaine de blessés) il avait diffusé un article intitulé "Traquenard pour un massacre" dans lequel il rapportait le récit que lui en avait fait son père (Lieutenant-Colonel de réserve, deux citations et la Légion d'Honneur à titre militaire, qui constituaient ses titres de participation à 12 années de service militaire au cours des deux guerres mondiales).
   Ce récit inédit, conforté par une lettre adressée le 25 mars 1986 au jounaliste Jean Brua de Nice-Matin par le capitaine Kling, confirme le piège mortel organisé par le pouvoir gaulliste pour briser le moral des Français qui croyaient encore en une solution autre que l'abandon pur et simple de l'Algérie au F.L.N.

   L'intégrité intellectuelle de Pierre Fabiani, sa fidélité dans ses amitiés et ses convictions, son refus des compromissions, sont des traits essentiels qui auront marqué sa forte personnalité.

   Ses amis ne l'oublieront pas.

Gabriel-Pierre COULAUD

 

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